Chapitre 30 : révélations

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Point de vue : Oikawa

L'air tiède caresse ma peau, emportant avec lui les premières senteurs printanières. L'obscurité du ciel est zébrée des dorures stellaires qui éclaircissent la paisible ambiance nocturne où nous avançons vers notre quartier, une habitude vieille depuis bientôt 11 ans.

Ce chemin m'est aussi familier que ma chambre, le bruit de nos pas qui raisonnent dans la nuit me semble être le bruit que je connait le mieux au monde et la personne se tenant à mes côtés est celle qui jamais ne m'a quitté. Celle dont jamais je ne saurais me séparer.

Nous échangeons quelques regards timides bien qu'enivrés - ou peut-être justement parce que nous le sommes - et une fois sur le pas de la porte mes lèvres s'ourlent en un rictus à la fois hésitant et provoquant. Ma mère n'est pas là - sans quoi jamais je n'aurais pu sortir boire de l'alcool avec mes amis - et demain nous n'avons pas cours. Éhonté, je propose à Iwaizumi de me rejoindre, ce qu'il accepte bien évidemment sans tergiverser.

À peine entrés, je m'élance à son cou, conscient de la chaleur que dégage son corps, de la mèche de cheveux noire qui s'est perdue sur son front hâlé et de l'exquise odeur qu'il émet depuis ma proposition d'hébergement. Il me rend mon baiser, passionné et pourtant d'une humilité foudroyante.

Son contact m'est presque insupportable. Bien que je ne sois pas en période de chaleur, mon corps ne sait que trop bien le plaisir qu'il reçoit en la présence de cet alpha. Mon alpha. Le bleu de ses yeux transperce les miens, à la recherche, s'ils en avaient encore besoin, de la preuve du désir que j'éprouve à son égard. Sa main s'égare dans ma chevelure, caressant le bas de ma nuque. Je tressaute, incapable de ne pas réagir sous son toucher, plus fermement excité. 

Puis, pour une raison qui m'échappe, il place ses deux mains sur mes épaules me repoussant légèrement et m'observe à nouveaux ses deux orbes d'un turquoise presque translucide dans un regard qui semble lointain, habité d'une réflexion qui n'a pas sa place dans la situation actuelle.

L'ivresse m'empêche d'abord de comprendre réellement ce qu'il se passe, avec la simple envie de répondre à la réclamation des pulsions qui m'animent. Je le veux. J'ai envie qu'il soit en moi, de sentir jusqu'à son âme contre la mienne en plus de nos corps.

Mais Hajime reste stoïque, sa bouche si pincée qu'elle ressemble à une ligne. Une ligne de frustrations, de non-dits et de remords. Peut-être un peu de peine et de colère, mais je ne saurais vraiment l'affirmer. Il ouvre ses lèvres, prêt à enfin m'expliquer ce qui le tracasse, mais les referme aussitôt détournant son regard du mien, incapable de formuler ce qui le ronge depuis si longtemps.

Un poids se loge dans ma poitrine, en écho à la douleur qu'il éprouve. Tout désir physique m'a quitté, soudain conscient de ce qui se joue maintenant. Du revers de la main, j'effleure sa joue, dans un mouvement qui, je l'espère, saura l'apaiser. Je murmure, à voix basse :

- Tout va bien, Hajime. Tu peux me le dire. Je sais que quelque chose ne va pas.

Pour la première fois de ma vie, je le vois fondre en larmes. Son corps se secoue dans des spasmes de pleurs qu'il ne contrôle pas, indiquant le rejet profond de tout son être à verbaliser ce qui, de toute évidence, doit l'être. Il m'attrape les poignets, se courbant légèrement en avant, sa tête entre ses bras tendus. Son état me frappe et j'ai presque un mouvement de recul, comme si pour accuser d'un coup qu'on viendrait de me porter. L'incompréhension me gagne : qu'est-ce que j'ai raté ? Était-ce si grave ?

Tacitement, je comprends que je ne dois pas l'étreindre, qu'il a volontairement installé une distance physique entre nous. Après l'incompréhension, c'est la peur qui me saisit. Peut-être qu'il ne veut plus de moi, de tout ça, de nous...

Mon cœur manque un battement, et je peux sentir l'affolement monter dans mon regard qui se tourne vers Iwaizumi.

- Hajime, j'ai besoin que tu me parles. Je ne pourrais pas t'aider sinon.

Mon ton est calme, loin du chaos de mes pensées. Je me dois d'être fort pour lui, qu'importe ce qu'il doit à me dire. Je saurais être fort pour lui. Après quelques longues minutes, il se redresse pour m'affronter. Ou plutôt s'affronter lui-même. Cette fois, lorsqu'il ouvre sa bouche le flot de parole ne s'arrête pas et se déverse en un déluge improbable. 

Il me parle de mon odeur et de la sienne, de cet après-midi au parc lorsque nous étions enfants, de la théorie des âmes-sœurs et autres preuves qu'il a pu amasser en presque 6 ans de certitudes. Son discours me fait l'effet d'un claque. Ma gorge devient sèche et si j'avais du mal à ordonner mes pensées plus tôt, il m'est désormais impossible de réfléchir correctement.

Bêtement, je répète ses derniers mots :

- Je suis ton âme-sœur.

Il hoche la tête, timidement, laissant les dernières larmes qui roulaient sur ses joues s'aplatir sur le carrelage de mon entrée que nous n'avons toujours pas quitté. 

J'ai toujours détesté le principe d'âme-soeurs, l'idée d'appartenir à quelqu'un, de ne pouvoir être libre de choisir celui ou celle que je voudrais. C'est une des choses qui m'a le plus effrayé et dégoûté lorsque mon type s'est déclaré.

De la même intonation, dépourvue de sentiment, froide et implacable, je réitère :

- Je suis ton âme-sœur.

Cette fois, il reste immobile, bien que je sente ses doigts se crisper davantage sur mes poignets qu'il tient toujours. Je recommence, inlassablement, quoiqu'ajoutant une nuance non-négligeable à mon discours :

- Je suis ton âme-sœur et tu le sais depuis 6 ans.

Je ne saurais nommer l'émotion qui me gagne, car elle m'est totalement étrangère. Mais quand je croise à nouveau son regard, je comprends qu'elle ne présage rien de bon et, à sa réaction, il le comprend aussi.

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J'ai ADORÉ écrire ce chapitre. J'ai mis plus de temps que d'habitude car je voulais bien l'écrire, cette scène marquant un tournant évident dans leur relation.

Nous quand on comprend que finalement, on n'est pas encore sur le "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" :

Nous quand on comprend que finalement, on n'est pas encore sur le "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" :

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Merci encore à tous ceux qui lisent ! ;) 

Oikawa is an omega (IWAOI)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant