Seule

439 25 0
                                    


Les limbes ressemblaient à du coton avant qu'un paysage que je ne connaissais que trop bien ne se forme. Un visage apparut, puis un deuxième tandis qu'une enfant sortie en souriant d'une pièce, tenant la main à la personne à qui le premier visage appartenait. Un coup sourd retentit dans ma poitrine, tandis que je sentais un globe de verre se fissurer : ma mère. Je la regardais évoluer dans notre ancienne maison, une version miniature de moi-même accrochée à sa jambe. Comme toujours. Ses longs cheveux d'un brun similaire aux miens étaient libres, comme toujours, leur odeur similaire à celle d'une nuit d'été envahi mes narines. Douze ans, voilà douze ans que je ne l'avais pas revu, depuis ce jour précis où elle m'avait été enlevée par la personne à qui j'avais donné une confiance absolue. Alors que ma mère posait des beignets à réchauffer dans le panier à vapeur, la porte coulissa pour laisser passer mon père, il souriait avec douceur, comme toujours. Ses yeux aussi bleus que la nuit, rencontrèrent les miens, ma version enfant sourit en se glissant dans ses bras et son étreinte réconfortante engloba mon corps engourdi où je ne sentais plus les conséquences de ma chute du toit des Nara.

- Papa, soufflais-je doucement alors que l'image se brouillait devant moi.

Une larme roula sur ma joue, l'étau autour de mon cœur se resserrant. Les airs présents sur mon visage à l'époque étaient si vrais, si humains et profonds. Le sourire que j'affichais lors de mon enfance représentait cet état d'esprit continuel, cette sensation de paix et de sécurité d'être aimée que j'avais perdu ce jour-là.

Je me retrouvais propulsée dans une grotte à ciel ouvert où la pluie ruisselait autour de moi. Une fille aux cheveux clairs me faisait face alors que ses yeux d'ambres me fixaient avec une avidité effrayante. Le kunai dans ma main tremblait tandis qu'elle avançait lentement vers moi, à la manière d'un reptile. Je déglutis alors que le bruit sourd autour de moi s'estompa le temps d'un instant

- YUNA ! hurla mon père tandis qu'une flèche transperça son corps de part en part et que le hurlement déchirant de ma mère fit vriller mes tympans.

Mon cœur se brisa en morceau tel du cristal, à ce moment même, alors que le corps de celui grâce à qui j'étais en vie tombait lentement sur le sol détrempé. La scène se déroulait au ralenti, mais la sensation était la même, la bulle protectrice dans laquelle j'avais enfermé ses souvenirs venait d'exploser en éclat et la douleur de mes blessures et celle de la perte de mon père se propageait dans mon corps. Dans un cri de rage, je vis ma mère se précipiter vers moi alors que des gardes sautaient sur elle pour la retenir, elle hurlait. Son visage déformé par la peine, la douleur et la rage me fixait comme si j'étais son dernier espoir. Je l'étais à ce moment-là, je le savais et pourtant j'avais été incapable de faire ce que l'on attendait de moi.

- TUE LA YUNA ! TUE-LA OU FUIS MAIS SAUVE TOI ! SAUVE-NOUS ! s'était-elle écriée avant que la lame froide et dure ne vint lui couper la gorge dans un trait fin et profond.

J'étais si proche d'elle, que son sang chaud gicla en parti sur mon visage alors que mon dernier rempart, mon dernier lien à mon humanité s'effondrait à son tour. Le rire machiavélique de mon adversaire envahi l'espace autour de moi tandis que ma rétine imprimait l'image traumatisante des corps sans vie de mes parents. Je poussais un hurlement infernal, lâchant mon arme du haut de mes quatre ans, plaquant mes mains sur mes oreilles pour ne plus entendre, fermant les yeux pour ne plus voir alors que mes genoux touchaient la terre avec violence. Mais la douleur que je ressentais en interne surpassa celle de cette blessure, tout tournait autour de moi, je sentais mon corps s'embraser alors que la lune faisait son effet.

Yuna. Lune. Ils m'avaient nommée ainsi en l'honneur de notre clan poursuivi pour son pouvoir. Un pouvoir que je n'avais pas été en mesure de protéger. Ils s'étaient sacrifiés pour que je vive, créant ma première dette éternelle dans ce monde où je devais demeurer esseulée.

A light in the Dark [Nejixreader]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant