~ Chapitre 1 ~

1.5K 107 19
                                    

Le printemps est là

Sur la montagne sans nom

Brume matinale

Bashô Matsuo

-----

REN

    En ce début de printemps, j'étais allongé au sol sur un tatami juste recouvert d'un tissu en coton, le visage tourné sur le côté. Je regardais par la porte fenêtre qui donnait sur un magnifique jardin japonais. Le bruit de l'eau coulant de la fontaine m'apaisait et me faisait un tant soit peu penser à autre chose qu'au mec qui était en train de me charcuter la peau avec sa putain d'aiguille du moyen-âge. Il avait de la chance d'être le meilleur tatoueur de la région sinon il serait déjà mort ce con. Il terminait le remplissage du bas de mon dos en utilisant la technique ancestrale du tatouage japonais Tebori. Son apprenti était avec lui concentré sur sa tâche qui consistait à l'observer surtout et à essuyer le sang et le surplus d'encre régulièrement afin que son maitre tatoueur puisse piquer mon épiderme facilement. Une matinée... une matinée entière qu'il travaillait sur ce tatouage pour le finir. C'était un vrai jeu de patience pour moi qui n'en avait aucune. Tout mon dos était recouvert d'Irezumi ainsi que mes bras jusqu'aux poignets. Le masque d'Hannya qui trônait sur mon épaule représentait l'esprit de vengeance. C'était le premier tatouage que j'avais fait faire, peu de temps après la mort de ma sœur il y a six ans, obsédé par l'envie de me venger de ceux qui nous l'avait enlevé. J'avais tué la fille du clan ennemi devant son frère pour qu'il souffre autant que moi. Je grimaçais sous la douleur. Cela faisait déjà plus de quatre heures que le vieux Satoshi s'acharnait, méticuleusement, avec la régularité d'un métronome et mes endorphines ne devaient plus faire effet. Malgré son âge avancé, il ne montrait aucun signe de faiblesse ou de fatigue dans l'exercice de son art. Je savais qu'il pouvait continuer des heures ainsi, sans même prendre une pause. Mais moi je n'en pouvais plus et j'avais l'impression qu'il m'épluchait la peau à vif.

— Pause, grognai-je. J'ai besoin d'une clope.

— Bien, comme tu veux Ren-kun.

Je me relevai en bousculant légèrement le jeune apprenti qui me regarda furtivement avant de baisser les yeux, apeuré. Sans le vouloir son regard se posa sur mon ventre puis mon entre-jambe là où de l'encre et du sang avait coulé. Il détourna le visage encore plus gêné, ne sachant visiblement plus où se mettre.

— Quoi ! prononçai-je sèchement.

Sumimasen, Ichinose sama, sumimasen, (Pardon Monsieur Ichinose, pardon), se confondit-il en excuse en s'inclinant devant moi.

Il était novice dans le milieu, ça se voyait. Je ne sais pas où le vieux Satoshi l'avait déniché, mais il allait vite se faire bouffer à trembler aux moindres mouvements. Surtout que cet endroit n'était fréquenté que par des Yakuza, qui comme moi venaient se faire recouvrir la peau par les mains expertes du Maître tatoueur. Mon père était passé entre ses mains, ma mère également, mes oncles et tous les membres du clan Ichinose d'ailleurs.

— Tu l'as trouvé où ce pisseux, on dirait que c'est la première fois qu'il croise un yakuza, demandai-je en regardant son apprenti filer dans la pièce d'à côté.

— C'est effectivement sa première fois. C'est mon neveu. Il faut bien que je commence à assurer la relève, m'expliqua-t-il de sa voix calme et posée.

— T'es vraiment sûr qu'il est à la hauteur ?

— Il va apprendre. Tout vient à qui sait faire preuve de patience.

MAFIA BLOOD - Tome 2 ~ IchinoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant