~ Chapitre 43 ~

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SARAH

     Watanabe san m'avait proposé de la retrouver au parc du château de Nagoya, pour assister à un spectacle de Kabuki donné à titre exceptionnel. Le kabuki était du théâtre traditionnel japonais qui datait de l'air Edo. La particularité du Kabuki était le maquillage des acteurs qui jouaient avec une diction très particulière et leurs costumes. Je ne connaissais pas du tout, et cela me faisait plaisir de le découvrir avec Watanabe san. Depuis notre première rencontre au salon de thé, nous nous étions vu deux fois, dans un parc, quand les cerisiers étaient encore en pleine floraison. J'attendais devant la scène en plein air, pensive, lorsqu'une main amicale se posa sur mon avant-bras.

— Sarah chan... Comment allez-vous, dit-elle simplement avec son sourire habituel.

— Bonjour Madame Watanabe, très bien et vous ?

Elle prit place à mes côtés sur le banc avec grâce. Elle portait toujours un kimono traditionnel, bleu foncé cette fois.

— Vous ne connaissez pas le Kabuki, n'est-ce pas ?

— Pas du tout !

— Vous allez adorer, j'en suis sûr.

Elle tourna le visage à droite puis à gauche, semblant chercher quelqu'un du regard, s'attarda sur un homme que j'aperçus au loin sans pouvoir le distinguer réellement, puis lui fit un léger signe de la tête et se reconcentra sur moi.

— Quelque chose ne va pas madame Watanabe ?

— Hmm, je ne suis pas sûr de pouvoir rester avec vous toute la représentation.

— Oh, je ne savais pas que vous aviez un impératif, nous aurions pu reporter, dis-je un peu gênée.

— Je tenais à vous voir aujourd'hui. Je ne suis pas sûr de pouvoir vous revoir ensuite.

Sans pouvoir l'expliquer, je sentais que quelque chose la tracassait, mais je ne dis rien, ne voulant pas paraitre intrusive ou impolie.

— Je vais partir en voyage quelque temps avec mon mari, je ne sais pas encore quand je rentrerai et je voulais vous voir avant.

— Où partez-vous ? J'espère que vous allez profiter de votre voyage.

— Nous allons dans le sud, sur l'île d'Okinawa, puis voir de la famille en Corée.

Elle se racla la gorge, toujours avec sa grâce naturelle, puis m'attrapa la main avec douceur, en s'inclinant un peu plus vers moi.

— Prenez soin de vous Sarah chan et faites-moi la promesse de toujours suivre votre cœur ! J'ai toujours suivi le mien et même si parfois j'ai vécu des choses compliquées dans ma vie, je n'ai jamais regretté mes choix une seule fois.

— Pourquoi me dites-vous ça ?

Les doigts de Watanabe san se resserrèrent légèrement sur ma main.

— Parce que vous êtes une belle personne, vous êtes la lumière dont l'homme que vous aimez a besoin ! J'en suis sûr.

Elle ouvrit son sac, et en sortit une boite emballée dans du papier cadeau. Elle me le tendit avec un sourire.

— C'est pour vous.

— C'est vraiment très gentil de votre part, mais je... je ne peux pas accepter.

— Ouvrez-le quand vous serez chez vous, seule. Et gardez-le toujours avec vous. La vie comme je vous le disais, a ses aléas, et il faut pouvoir y faire face parfois.

     Une personne monta sur scène et commença à présenter la pièce que nous allions voir. Watanabe san se tourna pour regarder, alors que je laissai trainer mon regard encore quelques secondes sur son visage si bienveillant, en me posant milles et une questions. J'étais intriguée par son cadeau et surtout avec ce qu'elle venait de me dire en me le donnant. Je ne comprenais pas vraiment et j'imaginai que tout s'éclairerait en ouvrant le paquet et il me tardait donc de pouvoir le faire. Je ne réussis pas à me concentrer sur le Kabuki. Entre les paroles de Watanabe san qui tournaient en boucle dans ma tête et ce qui s'était également passé avec Ren, je ne savais plus quoi penser. Je n'arrêtais pas de me demander si j'avais fait le bon choix en ne m'éloignant pas de lui. Est-ce que je devais juste accepter ce qu'il faisait sans me poser de question ? Je n'avais pas été éduqué de cette manière, je savais bien faire la différence entre le bien et le mal, entre les gentils et les criminels. Je ne pouvais pas cautionner ses actes, même si j'avais des sentiments pour lui. Que penserait mon père de tout ça ?

     L'après-midi se termina ainsi, sur une multitude de question dont je ne connaissais malheureusement pas la réponse. Watanabe san me salua chaleureusement et nous nous séparâmes aux portes du château de Nagoya. Je rentrai chez moi et ouvrit sans attendre le paquet. Religieusement je défis l'emballage et restai dubitative en ouvrant la boite. Un cran d'arrêt... Watanabe san, une femme douce et si beinveillante venait de m'offrir un couteau, très joli avec son manche en bois vernis et l'esquisse gracieuse d'une ombre de samourai, mais un couteau du même genre que les caïds des rues glauques des mauvais quartiers. J'avais du mal à saisir le message qu'elle avait voulu me faire passer. Je le glissai néanmoins dans mon sac après l'avoir observé sous toutes les coutures et avoir même testé rapidement si j'arrivais à l'ouvrir facilement. Elle m'avait dit de suivre mon cœur alors que je lui avais parlé de ma pseudo relation avec Ren... Elle savait que c'était un criminel. Est-ce que je devais suivre mon cœur tout en restant méfiante et avoir de quoi me défendre au cas où cela tournerait mal.

La question était de qui devrais-je un jour me défendre ? Je savais que Ren ne me ferait jamais rien, mais j'imaginais aisément qu'il avait des ennemis...

MAFIA BLOOD - Tome 2 ~ IchinoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant