~ Chapitre 48 ~

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REN

     Sarah sortit de la voiture et entra dans l'hôtel que j'avais réservé la semaine dernière en prévision de cette soirée. Je soufflai un grand coup et frappai le volant plusieurs fois d'énervement. J'avais envie de hurler, d'extérioriser toute ma frustration et ma colère. Putain, je n'avais jamais eu honte de ce que j'étais, cela ne m'avait jamais posé de problème mais là, je me détestais ! Je détestais la soirée que je venais de lui faire passer. Et tout ça à cause d'une décision qui n'appartenait qu'à moi. Je rentrai à la villa Ichinose en ruminant, et déposai les clés sur la table basse devant Kuma.

— Débarrasse-toi de la caisse et de tout ce qu'il y a dedans, ordonnai-je sans autre forme.

— Ok Boss.

Je me dirigeai vers le bureau de mon père, en faisant signe à Hideoki et Daisuke de me suivre.

— C'est fait ! annonçai-je quand la porte fut fermée.

— Allume la télé Daisuke ! ordonna mon père. Ça doit déjà faire la une. J'appelle Nakamura.

— Jiro et Shin sont déjà avec lui dans son appartement, avec des hommes qui surveillent la zone, précisa Hideoki.

— Parfait. On ne le quitte pas d'une semelle, protection maximale. Je veux un homme avec lui en permanence, même aux chiottes, c'est clair ?

Nos deux lieutenants hochèrent la tête. Mon père se laissa tomber dans son fauteuil un large sourire aux lèvres.

— Comme j'aimerai voir la tête de ce putain de bouffeur de riz du nord quand il va apprendre la nouvelle !

Aux infos, des flashs spéciaux tournaient en boucle annonçant ce que j'avais fait ce soir. C'était l'effervescence de journalistes devant l'entrée de Nabanano Sato.

« Godo, le gouverneur de la préfecture d'Aichi vient d'être retrouvé mort assassiné au parc de Nabanano Sato à une heure de route de Nagoya. Il a été retrouvé poignardé dans la gorge. »

« Un travail de professionnel, un seul coup de couteau à suffit à le tuer »

« Mort du gouverneur d'Aichi ce soir alors qu'il visitait incognito le parc de Nabanano Sato avec son épouse ! »

— Tu as été parfait Rensuke, me félicita mon père. Du travail propre et efficace !

Hideoki me tapa sur l'épaule en signe d'approbation. Mais ces félicitations avaient un goût amer. Je venais de faire ce qu'il fallait pour le clan, mais j'appréhendais le regard de ma p'tite gaijin lorsqu'elle comprendrait ce qui c'était déroulé ce soir.

— Je ressors ! On se voit demain, lançai-je.

— Tu vas où ?

— Décompresser.

— Prends une escorte avec toi !

— Non, ce ne sera pas la peine.

— Rensuke !

Oyabun, je pense qu'après cette soirée, il a besoin d'un peu de solitude, intervint Hideoki.

     Je lui fis un signe de la tête en guise de remerciement et je sortis du bureau. Je pris ma Porshe et roulait jusqu'à l'hôtel au centre de Sakae. Dans l'ascenseur qui montait à la chambre, je ne faisais pas le malin. Si elle avait allumé la télé, alors elle devait avoir fait le lien et je devrai accepter. Mais je ne voulais pas voir de dégoût dans ses beaux yeux verts, de haine ou ne serait-ce que de la déception.

     Quand je passai le badge pour entrer dans la chambre, c'était le calme plat. La lumière était éteinte et seule la présence de ses chaussures dans l'entrée me confirmait qu'elle n'était pas partie. Je ne lui en aurais pas voulu de le faire après tout. Dans le petit salon la télé était allumée, sans le son. Aucun doute sur le fait qu'elle était au courant. Toutes les chaines de télé avaient interrompu leur programme pour parler de ce qui c'était passé. J'aperçu une lueur sous la porte de la salle de bain et après avoir retiré ma veste et mes chaussures, je m'y dirigeai. J'ouvris le porte et la contemplai se prélasser dans l'immense baignoire en forme de triangle. Une odeur de citron et de fraise envahissait la pièce suffocante de chaleur. Elle fermait les yeux, un air faussement serein sur son visage. Est-ce que je devais la rejoindre ou la laisser tranquille, j'avoue que je ne savais pas quoi faire. Je décidai finalement d'entrer et m'appuyai contre le lavabo. J'avais l'habitude de me blinder et de devenir hermétique à tout sentiment. Je pouvais encaisser ce qu'elle aurait à me dire. Elle ouvrit les yeux et planta ses iris verts dans les miens. Un long silence s'installa, aucun de nous deux n'osait lancer la conversation. On savait tous les deux ce qui allait en découler. Mais c'était inévitable. C'est elle qui finalement rompit ce silence pesant.

— Le gouverneur d'Aichi... c'est toi n'est-ce pas ? murmura-t-elle.

Je me contentai d'un hochement de tête positif. Elle baissa les yeux ce qui me fit le même effet qu'une balle.

— J'ai une question, murmura-t-elle hésitante en ramenant ses genoux en dessous de son menton.

— Pose là moi, mais regarde-moi dans les yeux ! laissai-je échapper trop froidement, les nerfs à vif.

Elle se força à relever le visage, mais je voyais bien que c'était compliqué de soutenir mon regard. Moi je la fixais sans sourciller même si à l'intérieur l'angoisse me tordait le ventre.

— Est-ce que c'est pour ça que tu m'as proposé de venir avec toi ce soir ? Pour te faire paraître moins suspect ?

Sa phrase étouffa un sanglot qu'elle peina à masquer. Et moi, je m'étais attendu à tout sauf à cette question. Décontenancé, je mis du temps à traiter l'information. Devant mon silence son visage se décomposa et des larmes dévalèrent le long de ses joues rougies par la chaleur de la pièce.

— Tu... tu t'es servi de moi ? continua-t-elle d'une voix étranglée.

Je m'approchai de la baignoire et m'accroupis devant. Je posai mes bras sur le rebord, sans la quitter des yeux.

— Non. Quand je t'ai invité à Nabanano Sato, ce n'était pas du tout prévu que ça se passe comme ça. J'ai appris qu'après qu'il y serait.

— Menteur ! souffla-t-elle à peine audible.

— Sarah... tentai-je d'expliquer en tendant la main pour toucher son visage.

Elle me repoussa violement et commença à m'asperger d'eau au visage. Je ne reculai pas et la laissai faire si ça pouvait lui permettre d'extérioriser ce qu'elle ressentait. Elle pouvait même me frapper si elle en avait besoin, je n'avais pas le droit de lui en vouloir.

— Pourquoi ? Pourquoi je suis incapable de te détester en sachant ça ? hurla-t-elle en attrapant les épaules, tentant sans réussite à me secouer.

Elle se redressa et se colla contre moi, enfouissant son visage dans mon cou. Je l'enserrai à mon tour, la pressant contre moi.

— Je suis désolé p'tite gaijin. Je voulais que cette soirée se passe autrement, mais c'est ce que je suis et le clan passera avant tout.

— Je peux accepter ce que tu fais, la seule chose que je veux c'est que tu ne me mentes jamais. Ne me mens pas s'il te plait.

— Je te le promets.

J'embrassai le haut de son crâne en soupirant. Je me demandais si je méritais vraiment d'avoir eu la chance de la rencontrer.

Elle releva le visage, me scruta quelques secondes à peine avant de fondre sur ma bouche. Son baiser était passionné, presque violent. Elle s'agrippa à mes cheveux comme si elle avait peur que je disparaisse. Je lui rendis son étreinte, reprenant le contrôle de l'échange en enroulant ma langue à la sienne. Elle chercha à retirer mon tee-shirt qui me collait à la peau, trempé. Je me détachai d'elle à contre cœur quelques instants pour le retirer rapidement. Je me débarrassai du reste de mes vêtements en même temps et glissai dans l'eau chaude. Je l'attirai sur moi et elle enroula naturellement ses jambes autour de ma taille. Elle commença à pleurer contre moi.

— J'ai peur ! avoua-t-elle.

— Je suis désolé pour tout ça. Il ne t'arrivera rien, je te le promets, tentai-je de la rassurer en caressant doucement ses cheveux.

— Non... tu ne comprends pas. Je... j'ai peur pour toi.

Je m'étais tellement préparé à ce qu'elle m'insulte, me rejette d'être ce que j'étais que je ne savais pas quoi faire ni comment réagir. C'était plus facile de répondre à de la violence et de la haine qu'à ce sentiment inconnu qui murissait dans mon cœur à l'unisson du sien.

MAFIA BLOOD - Tome 2 ~ IchinoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant