~ Chapitre 21 ~

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REN

     Je montai les escaliers la tête complètement ailleurs. Je n'arrivais pas à m'enlever le visage de la gaijin de l'esprit alors que je ne l'avais pas revu depuis le Love Hotel et ça commençait à devenir un sérieux problème. Je n'étais pas le genre de type à fantasmer sur une fille et encore moins une étrangère. J'avais ce que je voulais quand je le voulais. Et puis je détestais les blondes et préférais les femmes typées asiatique, mais elle était un cocktail explosif à elle toute seule. Son regard vert perçant... sa timidité qu'elle cachait sous des phrases acerbes et une fausse assurance. Ça me plaisait, peut-être un peu trop.

     Arrivé au quatrième étage, je soufflai pour me concentrer. J'étais là pour du sérieux, pas le moment que mon esprit me joue des tours. Je sortis mon flingue coincé dans ma ceinture de pantalon dans le dos et vérifiai encore une fois qu'il était bien chargé. Il était loin le temps l'on procédait à des exécutions en règle au sabre. Cela faisait bien longtemps que le magnifique katana Ichinose trônait dans le salon sur un socle sans avoir servi. Je pris le temps d'écouter ce qui se passait à l'intérieur de l'appartement. On avait bien sûr vérifié, je savais que la cible était à là, mais je préférais éviter qu'il soit accompagné. Un bruit de fond d'une émission télévisée résonnait, mais rien d'autre. Je toquai à la porte avec le canon de mon arme et attendis. Je sentais le type m'observer par le judas. Il savait qui j'étais, il savait pourquoi je venais ce soir et qu'il n'échapperait pas à son destin. Il avait deux choix. Tenter de fuir et mourir comme un lâche, ou assumer ses erreurs et affronter la mort dans les yeux. Il déverrouilla la porte et m'observa sans un mot. Il recula pour me laisser entrer, attrapa la télécommande de la télé et l'éteignit.

— Je savais que vous alliez venir ! lâcha-t-il soudain.

Je me sentais comme la faucheuse, venant récolter l'âme d'un homme. Ce n'était pas la première fois et je détestais ça. Mais trahir le clan avait des conséquences. Dans ce genre de situation, je déconnectais mon cerveau de mon cœur et devenais un être froid sans sentiments. Néanmoins je me souvenais de tous les visages à qui j'avais ôté la vie, tous sans exception.

— Tu nous as trahi, précisai-je.

— Je n'ai pas eu le choix ! rétorqua-t-il tristement.

— On a toujours le choix.

     Il esquissa un sourire amer, puis sans que je lui demande quoi que ce soit, se mit à genoux devant moi, le regard empli de résilience. Je respectais ce genre d'homme. Il ne cherchait pas d'excuses inutiles, n'implorait pas une quelconque pitié. Il avait conscience d'avoir fauté et assumait ses actes jusqu'au bout. Je ne fis alors pas durer la scène, je pointai le canon de mon arme sur sa tempe et je tirai sans aucune hésitation. Son corps s'effondra sur le tapis lourdement. J'inspirai profondément puis sortis un canif de ma poche. Je remontai son tee-shirt pour avoir accès à son flanc gauche. De la pointe de mon couteau je coupai un morceau de peau en forme de carré autour d'un kanjis tatoué sur son épiderme. Le kanjis de Ichi, celui qui marquait sa loyauté au clan Ichinose. Je plaçai le carré de peau dans un mouchoir et le fourrai dans ma poche. Je remis son tee-shirt correctement et sortis de l'appartement.

En bas, Kuma m'attendait dans la voiture en écoutant un groupe d'idole féminin à la mode AKB48, il avait vraiment des goûts de chiotte.

— Ça s'est bien passé Boss ? me demanda-t-il en ouvrant un sachet plastique devant moi pour que j'y jette mes gants et le morceau de peau.

— Ouais.

Il referma soigneusement le sachet, le déposa en dessous du siège et mit le contact. Je défis ma queue de cheval en soufflant, le regard perdu dans le vide. Parfois il me fallait du temps pour faire la transition entre le yakuza exécuteur froid sans sentiment et moi. Mon portable se mit à vibrer dans ma poche de pantalon et je décrochai.

— Boss, c'est Masato ! Je suis en train de suivre la gaijin qui sort de son taff au restau. Y'a une voiture qui semble la suivre aussi. J'ai remarqué cette voiture depuis deux soirs devant son immeuble mais je n'avais pas fait le lien.

— Putain de merde ! Tu as plus de détails ?

— Non. Vitres teintées et personne n'est jamais sortis. La voiture se gare dans la rue, en face du hall d'entrée et elle ne bouge plus pendant des heures. Et là c'est la première fois que je la vois devant le restau. Donc y'a plus de doute, c'est bien elle qu'ils surveillent.

— Envoie-moi l'immatriculation et reste le plus près possible d'elle. J'arrive. Tu me préviens si ça bouge entre temps.

Je raccrochai en soufflant. Quelqu'un avait bien vu Yorimoto bousculer la gaijin. C'était la merde. J'envoyai Yoshi et Akira là-bas en renfort pendant que je demandai à vérifier la plaque d'immatriculation. Il ne fallut pas très longtemps à notre contact chez les flics pour me faire un retour et la voiture appartenait au clan Sakurai.

— Y'a une merde ?

— Possible. Emmène-moi à l'appart de la gaijin !

— Elle a ouvert sa gueule ?

— Toi commence par fermer la tienne, tu veux ! Contente-toi de conduire.

Ces connards de Sakurai étaient donc sur le coup et apparemment ils ne savaient pas encore que c'était nous qui avions récupéré la clé.

— Accélère un peu !

Je voulais absolument arriver avant elle. Une fois sur place, je descendis de la voiture pour attendre devant l'entrée. Kuma était garé un peu plus loin pour être moins visible. Au bout de quelques minutes, la fameuse voiture décrite par Masato vint se garer en face de l'immeuble. Quand Akira et Yoshi débarquèrent à leur tour, je décidai d'aller rendre visite aux occupants de la berline. Lorsque l'on s'approcha, ils démarrèrent en trombe et filèrent. Mes hommes se lancèrent à leur poursuite ainsi que Kuma. Moi je décidai de rester attendre la Gaijin. Sans savoir pourquoi, j'avais besoin de la voir.

MAFIA BLOOD - Tome 2 ~ IchinoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant