Le dernier mot - Tome 1

Chapitre 12

Emilia

C'est enfin le dernier vendredi de cours et après nous sommes en vacances pendant deux semaines. Et ce sont les vacances de Noël en plus. J'aime tellement cette période. La matinée est déjà passée et les profs n'ont pas hésité sur les devoirs. C'est souvent le cas pendant la dernière semaine. Comme j'ai beaucoup travaillé pour les réussir, si les résultats ne payent pas je ne réponds plus de rien. Et même si je déteste les devoirs - comme la grande majorité des lycéens de ce monde – je suis de bonne humeur. Si je jouais les imbéciles, je dirais que je ne sais pas d'où ça vient mais, la vérité c'est que c'est Roméo qui me rend comme ça. Je ne m'en étais pas rendu compte avant la venue de Lison mais maintenant que j'ai un peu ouvert les yeux, je le vois.

Avec Emma nous rentrons dans le réfectoire, il est déjà bien rempli alors qu'il vient juste d'ouvrir, nous trouvons facilement une place comme nous ne sommes que deux. Emma s'installe en face de moi et nous commençons à manger tout en parlant de notre programme pour les vacances qui arrivent. Emma doit encore partir rendre visite à son grand-père, cette fois-ci je sens qu'elle est sincère. Ces derniers temps, je la sens un peu plus triste, comme elle ne me dit rien, je ne lui pose pas de question, je ne veux pas la brusquer. Elle a encore plus de mal à se confier que Roméo, ce n'est pas un reproche, loin de là, juste un constat.

De mon côté, je lui explique que je ne bouge pas de chez moi. Notre famille n'est absolument pas soudée donc nous faisons nos petites affaires chacun de notre côté. Je suis habituée depuis toute petite à faire ça donc ça ne me dérange pas. J'ai toujours aimé cette période parce que j'étais avec Timothée, cette année il n'y a que mes parents et moi. C'est le premier Noël que je vais passer sans mon frère. Cette pensée m'attriste mais j'essaie de la chasser rapidement, il va bientôt me revenir.

Je suis placée juste devant la porte d'entrée de la salle. Je peux donc voir toutes les personnes qui entrent dans le réfectoire. Des têtes me sont familières et d'autres pas du tout. En ce moment même, Roméo et tous ses amis sont en train de passer la porte. Il m'a beaucoup parlé d'eux, même si je ne les ai pas rencontrés. Je sais qui est qui mais ça s'arrête là. Tout le groupe s'installe à la table de devant et Roméo s'assoit pile en face de moi. Il me fait un petit signe de tête quand il voit que je mange des carottes – mon aliment préféré – accompagné d'un sourire puis retourne avec ses potes. J'arrête moi aussi de le regarder pour reporter mon attention sur Emma. Depuis au moins une minute, elle débite plein de mots mais je ne l'écoute pas. Elle a une facilité à parler très vite mais à rester compréhensible que je n'égale pas. J'essaie de rattraper le fil de la conversation et au bout de quelques secondes je comprends enfin qu'elle est en train de débattre avec elle-même sur le ketchup ou la moutarde.

Quand je passe à mon dessert, je remarque que Roméo me regarde et, sans le vouloir, je croise son regard. L'instant ne dure pas plus de deux secondes mais j'ai l'impression qu'il a duré une éternité. Je n'aime pas trop les contacts visuels, surtout quand ils incluent Roméo et que ça me fait ressentir des choses que je n'aurais jamais crues envisageables. Je pense que c'est simplement une phase entre nous mais je ne suis pas stupide. Parfois, on n'agit pas comme des amis, samedi j'ai cru que mon cœur allait s'arrêter quand il a passé ses bras autour de moi. Et lorsque, pendant le film on cherchait sans cesse le contact de l'autre. Je ne sais pas où on va, j'espère simplement que ce n'est pas droit dans le mur. Et d'une manière ou d'une autre je ne suis pas sûre d'avoir envie que nous soyons plus que des amis. Il faudrait que j'y réfléchisse plus sérieusement, peut-être que ça me plairait ? Mais j'ai peur, peur de tout gâcher et de le perdre, alors que si nous continuons comme ça, nous pouvons aller loin. Mais si ça se trouve, je pourrais vivre des moments inoubliables avec lui en étant plus qu'amis. Mais j'évite de penser à ça et de me poser trop de questions. Il faut que je me détende.