Le dernier mot - Tome 1

Chapitre 15

Roméo

- Qu'est-ce que vous faites ici tous les deux ? C'est interdit ! Allez, suivez-moi à la vie scolaire.

Nous restons quelques secondes en plan, sans vraiment comprendre ce qui se passe. Je suis venu ici des dizaines de fois et personne ne m'a embêté, et forcément aujourd'hui, au moment où je m'apprêtais à dire quelque chose d'important pour moi à Emilia, nous sommes dérangés. Il n'y a vraiment aucune justice dans ce monde !

J'emboîte le pas à Emilia, et nous empruntons le chemin en sens inverse. Le surveillant nous suit de près.

Nous nous rendons donc à la vie scolaire où nous avons le droit à un petit sermon.

- Je suis désolé les jeunes mais je suis obligé de vous mettre une sanction.

A ces mots Emilia relève la tête vers le surveillant et ses yeux se remplissent de larmes. Je m'en veux. J'avais tout autre chose en tête que la faire pleurer en l'emmenant là-bas.

- Vous aurez tous les deux le droit à une heure de colle, mercredi prochain.

Nous sortons du bureau. J'ai voulu plaider notre cause, surtout pour Emilia, mais quand elle a vu que je m'apprêtais à parler elle a pris ma main et l'a serrée assez fort pour me faire comprendre de ne rien dire.

Elle se dirige vers un banc, à l'extérieur. La cour est déserte. Elle se laisse tomber dessus et expire un grand coup tandis que je m'assois à côté d'elle.

- C'est ma première heure de colle, dit-elle.

- Je suis désolé. C'est de ma faute.

- C'est pas grave. Je ne t'en veux pas. Il va juste falloir que j'explique ça à mes parents. Mais je n'ai jamais fait d'écart au règlement. J'ai été contente d'aller sur ce toit avec toi.

- Tu ne m'en veux pas ? Sérieusement ?

- Oui, sérieusement. Au moins j'aurai quelque chose à raconter plus tard. Au début je me suis dit que c'était la fin du monde et au final je suis sûre qu'on finira par en rigoler.

Ce qu'elle vient de dire me fait plaisir, le fait qu'elle se projette en racontant des souvenirs qu'elle a partagés avec moi.

***

Je monte juste après Emilia dans le bus et m'installe à côté d'elle. J'ai passé une très longue journée. Entre les cours qui sont de plus en plus difficiles et l'heure de colle non voulue à laquelle nous avons eu le droit avec Emilia, ce n'était pas la meilleure des journées.

Nous passons le trajet sans parler mais nous écoutons les mêmes musiques, comme d'habitude. Je suis content qu'elle ne m'en veuille pas puisque je m'en veux déjà un peu. Je sais que mon père ne me dira rien quand je vais lui expliquer la cause mais je ne pense pas la même chose de la part des parents d'Emilia. Elle n'est jamais rentrée réellement dans le sujet avec moi mais elle m'a quand même fait comprendre qu'ils n'étaient pas faciles avec elle.

Je ne sais pas comment elle fait pour ne pas être en colère contre moi alors qu'elle va sûrement avoir le droit à une seconde sanction ce soir. Elle n'est pas joyeuse non plus, mais elle ne fait pas la tête. Elle a toujours un petit sourire sur les lèvres normalement, je me sens mal de le lui avoir enlevé.

Plusieurs dizaines de minutes plus tard nous descendons enfin du bus. Dehors il fait un froid de canard. Je porte seulement un pull et une veste en jean et on ne peut pas dire que ce soit ce qui tient le plus chaud. Je ne peux m'en prendre qu'à moi même, mon père me répète tout le temps de plus me couvrir et avant c'était ma mère qui me le répétait. Je n'ai jamais aimé porter des couches et des couches.