Chapitre 5

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Les parents de Louis ont eu la gracieuseté de me laisser achever le repas alors qu'ils allaient s'expliquer avec leur fils dans la pièce d'à côté. Ceci m'a fait penser au fait que toute la maison est insonorisée parce qu'on entend rien.

Cela ne change en rien par contre que je suis plus que stressée. Pourquoi il a dit ça alors que c'est faux ? J'ai refusé de le faire. Il devrait y avoir d'autres candidates pour pourvoir à ce poste, non ? Il est plutôt populaire après tout. Quelle fille de cette ville refuserait de sortir avec lui-même pour de faux.

Dès lors que j'ai eu cette pensée, je me suis décidée d'arrêter de penser parce que refuser d'être sa fausse fiancée est le choix que j'avais pris. Si j'en étais capable, je ne devrais pas faire la pick me en affirmant que nulle autre femme ne pouvait en faire de même.

J'ai mis toute ma concentration dans mes marmites avant de me rappeler du contrat qui git encore sur la table basse. Je me mords la lèvre. De toute manière, il est bien protégé dans l'étui, ils ne verront pas ce qui est écrit dessus. Mais s'ils sont le genre de parents qui aiment fouiner partout, ne vont-ils pas l'ouvrir ? Et s'ils pensent que c'est un document relatif à l'entreprise et qu'ils désirent y jeter un coup d'œil ? Ce ne serait pas embarrassant, non seulement pour leur fils, mais aussi pour moi ?

Paniquée que je sois impliquée dans un incident de ce genre, je me suis décidée à le cacher dans mon sac à main. J'abandonne donc mes casseroles sur le feu pour un moment et cache la preuve du complot. Le cœur un peu apaisé, je retourne dans la cuisine.

Mon cœur a failli faire un bon en dehors de ma cage thoracique. Au milieu de la cuisine, se tient la mère de Louis qui jette un mauvais regard sur la nourriture que je cuisine. Mon moteur physique ne veut pas s'arrêter de battre alors que je prends mon courage à deux mains pour l'approcher avec un sourire mi-figue mi-raisin.

- Vous cherchez quelque chose ?

Elle ne me répond pas de suite, se contentant de me toiser de la tête aux pieds.

- Je suis chez mon fils. Je n'ai pas le droit d'être ici ?
- Je ne voulais pas dire ça...

Je me sens vraiment mal à l'aise. J'ai l'impression d'avoir fait une bourde.

- Ne prends pas trop tes aises, sale paysanne. C'est juste une passe. Il va s'amuser avec toi avant de te jeter. C'est un homme après tout. Il veut sans doute savoir quel gout ont les filles d'ici. A côté, il y a toujours sa belle épouse que j'ai spécialement choisie pour lui. C'est elle la vraie maitresse de cette maison. Compte tes jours.

Elle me tourne les talons et sort de la pièce.

Telle la conne que je suis, je reste là, le cœur battant et je me pose des questions.

« C'était quoi ça ? Je pensais que ce genre de chose, on ne les voyait que dans les films ? Pour mon honneur, je peux lui dire qu'en vrai son fils n'en peut plus de ses projets de mariage ? Non, je ne peux pas. Je me sentirai trop mal après s'il me regarde comme si je venais de lui offrir la plus grosse déception de sa vie. Encore une fois, moi, Pelshery La Conne, je dois subir sans rien dire ! »

Je desserre mes poings et me remets sur la cuisson des denrées.

J'achève les dernières étapes pour certains des plats lorsque je ressens une autre présence dans la pièce. Je me retourne subitement et fais face au père de Louis qui ne me regardent pas d'une manière sévère contrairement à sa femme.

- Pelshery, c'est ça ?
- Oui, monsieur.
- Je suis désolé si ma femme est venue faire des histoires. Elle est un peu compliquée.

 Est-ce la dynamique de couple Yin/Yang dont on parle ? Je suis étonnée qu'il vienne s'excuser à la place de sa femme.

- Ne vous en faites pas, je comprends.
- Tu as l'air d'être une fille bien. C'est de mon fils dont je commence à douter. Reste sur tes gardes. Je n'ai pas envie de ramasser les pots cassés après vous. Au revoir.

Il ne me laisse même pas le temps de répondre qu'il s'en va.

« Ils aiment tous être dramatiques dans leur famille ou c'est comment ? On tourne un film ? On est dans un roman ? Elle est où la caméra cachée ? »

Je ne préfère pas réfléchir plus loin. De toutes les manières, la relation que j'entretiens avec leur fils n'est pas réelle et elle prendra fin aussitôt qu'elle a commencé. Il va s'en trouver une autre pour prendre ma place et jouer le rôle.

Ce n'est qu'un quart d'heure plus tard que Louis revient en se tenant les tempes. Je pense aussi que si j'avais une mère comme la sienne, je serai dans cette même position chaque jour. Il me regarde avec un air coupable. Je le regarde avec pitié.

- Je suis désolé, Cherry. Je n'ai pas trop réfléchi avant de leur dire ça.
- Ne t'en fais pas, je te comprends. Ta mère n'a pas l'air trop commode.

Il lâche un gémissement plaintif.

- Je suis désolé pour tout ce qu'elle a pu te dire.
- Arrête de t'excuser, s'il te plait. Et ce qu'elle m'a dit ne me fait pas de mal puisque tout ceci n'est même pas vrai. Par contre, elle est vraiment déterminée à te marier.
- J'avais pu le comprendre.

Il pousse un soupir avant de se déplacer dans la cuisine et de soulever les couvercles des marmites.

- Je ne sais pas toi, mais toutes ces aventures m'ont donné faim. C'est prêt ? Wahou ! Ça sent bon.

Bien que ça me fasse plaisir qu'il ait l'air émerveillé, ça ne me plait pas trop qu'il envahisse mon espace de cette manière.

- Louis, retire tes paluches de mes casseroles ou je vais mettre ta tête dedans.
- Pourquoi autant de violence ? Je ne suis qu'un petit garçon qui ne désire qu'une chose : reposer son estomac meurtri par la faim.

J'éclate de rire quand il finit de me déclamer sa phrase.

- Même si le petit garçon a faim, il ne devrait pas soulever les couvercles des marmites de la sorcière par peur de finir dedans. Traduction : libère mon espace tout de suite. Contré-je.

A regret, il repose le couvercle et prend une bouteille d'eau avant de retourner dans son fauteuil. Une bouteille à la main.

Je le regarde faire avec un petit sourire en coin. Même s'il a l'air calme et blagueur maintenant, je sens qu'il n'est pas tout à fait à l'aise. Mais je ne peux rien faire pour lui, il doit se débrouiller seul pour se sortir de cette situation où il s'est enfoncé. Aux vues, du caractère de sa génitrice, je ne pense même pas que la vérité est une solution envisageable s'il ne désire pas se retrouver marié le lendemain.

Pour le moment, le seul service que je peux lui rendre est de remplir son estomac pour l'apaiser partiellement. Après tout : la nourriture adoucie les mœurs.

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Publié le 17/09/22

Miss CherryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant