Chapitre 16

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Le week-end était passé en un clin d’œil. Sandra avait accouché d’une petite fille en bonne santé, Adam s’était évanoui en voyant son bébé sortir, mais était le plus heureux des père et Pelshery.

Moi Pelshery avait assisté à tout ça comme une décoration de la pièce. Je sais que je devrais être heureux pour mes amis et je le suis, mais j’avoue que je me sens mal de contempler le bonheur des autres alors que je me sens aussi mal. Pourtant j’ai encore pris sur moi et je suis restée avec eux jusqu’à dimanche très tard dans la soirée avant de rentrer chez moi.

J’ai bien payé cette gentillesse le lundi alors que je me rends au travail, les yeux encore lourds de sommeil. Je manque de peu de me faire renverser sur la route tellement j’étais distraite. J’avoue que je suis encore secouée quand je pense qu’il y aurait pu avoir mon cadavre sur la voie publique à cette heure. J’ai des frissons d’effroi qui caressent mon dos et mon cœur, lourd de larmes. En plus, Adam n’est même pas là comme distraction supplémentaire pour que je ne puisse plus penser à ça.

Je me plonge dans le travail comme je peux. Je travaille frénétiquement et frappe sur la machine comme si elle me devait des sous.

L’heure de la pause arrive. Aujourd’hui, je ne pense pas que je vais m’arrêter de travailler, je n’ai pas la tête à ça et je n’ai aucune envie de manger en passant. Cependant, alors que je suis la seule qui suis restée dans le bureau, j’ai la surprise de voir entrer Philippine qui se dirige vers moi.

-Bonjour, Mlle.
-Bonjour, Philippine. C’est Louis qui t’envoie ?
-Non, je suis venue vous voir moi-même.
-Pour que j’aille lui parler ?
-Non, du tout.

Je m’arrête de taper sur la machine parce que je ne comprends pas très bien ce qu’elle essaie de me dire.

-Je suis désolée si je vous dérange. Juste que monsieur est tellement en colère ces derniers temps que je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour la santé de mes nerfs que je passe encore ma pause dans un bureau à côté du sien. Il trouvera un moyen de dire que je respire trop fort alors qu’on a un gros mur qui nous sépare.
-Mon pauvre. Vas-y, mets-toi.
-C’est la place de…
-Adam n’est pas là. A cette heure, il doit toujours être entrain de pleurer devant sa fille et dire qu’elle est la plus belle personne sur ce monde alors qu’elle ne ressemble encore à rien. Dis-je en roulant des yeux. Vraiment cet homme c’est dramaking un jour, dramaking toujours.

Philippine se met et sort son sandwich à mes côtés et continue la discussion avec moi.

-Sa femme à accoucher ?
-Oui, dimanche matin vers trois heures du matin pour être exacte. Je suis allée le soutenir parce qu’il paniquait plus que la personne qui poussait le bébé hors de son corps.
-Ça arrive souvent au papa. On dit que c’est parce qu’ils ne savent pas ce qui se passe avec leurs femmes alors ils paniquent un peu.

J’arrête d’écrire tellement ça me fait rire. Surtout avec la scène d’Adam entrain de courir partout comme un poulet sans tête que je garde dans mon esprit et mon téléphone.

-Un peu ? Il s’est évanoui quand le bébé a commencé à sortir. J’avoue que c’était une scène assez drôle.

Elle éclate de rire et on continue à se perdre dans la discussion. Nous parlons de tout et de rien. Ça me fait du bien de discuter de banalités avec quelqu’un après ce que j’ai vécu ce matin. Ça me permet de m’ancrer dans ma réalité.

Je suis aussi surprise que Philippine puisse être aussi volubile hors du travail. La pauvre doit juste manquer une personne qui puisse l’écouter et la voir telle qu’elle est et pas comme la sorcière qu’on décrit dans tous les services de l’immeuble.

L’heure de pause prend fin et elle doit retourner garder la porte des enfers alors que je retourne à mon travail. Cette fois, avec moins d’agressivité envers le clavier qui n’a rien demandé.

Mes heures de travail s’achèvent non sans souffrance et j’ai hâte de retourner chez moi me faire un petit moment de série.

Je vous ai déjà dit qu’il y avait des maximes, des expressions ou des proverbes que je n’aimais pas et que pour moi leurs auteurs, même morts, méritent le bucher ? L’expression à haïr aujourd’hui sur la carte est « c’était trop beau pour être vrai ».

A peine je me dirige vers mon arrêt que je me sens suivie. Je me dis que c’est moi qui suis un peu sur les nefs ces derniers temps et que je me fais des idées pourtant, je ne rêve pas quand quelques secondes plus tard, une voiture de marque se gare devant moi, manquant de m’écraser les orteils. Je n’ai pas le temps de pester contre le conducteur que la vitre se baisse et me dévoile la conductrice.

-Je peux savoir à quoi vous jouer, Mlle la fille du ministre de l’économie.
-Je ne me définies pas par la fonction officielle de mon père. J’ai un nom.
-Désolée, je ne m’en rappelle pas. Dis-je avec un sourire narquois.

Je ne lui donne pas non plus ni le temps de râler ni celui de se présenter que je m’apprête à contourner son véhicule pour me barrer. Je n’ai pas de temps à perdre avec des amoureuses contrites.

-Attends, je veux te parler.
-Je ne vois pas de quoi toi et moi pourrions discuter.
-A propos de Louis.
-Je ne vois pas pourquoi je devrais absolument discuter de lui avec toi. Comme si je n’étais pas celle qui sortait avec lui et toi celle qui tentait de me le prendre.
-S’il te plait, monte dans la voiture. Je veux juste discuter.
-On dirait plutôt que tu veux me kidnapper.
-Mais bordel ! Jure-t-elle en serrant le volant.

Je suis plus que surprise là. C’est bien la Félicitée qui tremblait derrière le dos de la mère de Louis qui jure comme un apprenti rappeur des rues de Kin ?

-T’es vraiment têtue. Finit-elle par dire. Ça te rassure si je me gare où il y a beaucoup de monde et que je baisse toutes mes vitres pour qu’on puisse nous voir ?
-Ou on peut juste se déplacer dans un resto. Proposé-je.
-Indécise en plus.
-Je suis sûre que tu n’as pas envie qu’on te demande de l’argent toutes les deux minutes.

Ses mains se contractent un peu plus sur le volant alors qu’elle me regarde comme si je venais d’assassiner toute sa famille. Ce n’est pas de ma faute si elle est connue dans toute la RDC. Ici, quand tu es connu, tu as forcément de l’argent et tous les vagabonds viendront te demander de l’argent.

Je monte quand même dans sa voiture et elle chercher et gare devant un restaurant qu’elle trouve pas mal. Nous entrons l’une derrière m’autre et à peine je suis assise j’appelle un serveur pour commander.

-Je pensais que nous devions parler. Me reproche-t-elle en jetant des coups d’œil à droit et à gauche.
-Tu voulais me parler et tu m’as invité. Je ne vais pas me gêner.
-Comment Louis a pu tomber amoureux d’une profiteuse comme toi ?
-Au moins moi, on ne me vend pas comme une prostituée.

Je sais que j’ai l’air d’aller trop loin, mais c’est comme ça que je suis quand je n’apprécie pas une personne et je peux vous dire que je ne tiens pas cette fille en haute estime.
Après avoir passé commande et l’avoir reçu, je suis fin prête pour écouter ses jérémiades.

-Vas-y, Marie Sue. Dis-moi à quel point tu veux que je lâche ton homme.
-Je ne veux pas me marier avec Louis.

Mon cerveau prend un moment avant de comprendre ce qu’elle vient de me dire.

-Pardon ?
-Je ne veux pas me marier avec Louis.

C’est quoi encore cette histoire ? Les choses ne peuvent pas être simple ? Vous ne pouvez pas respecter vos rôles comme dans les télénovelas ? Mon cœur ne va plus pouvoir supporter les rebondissements.

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22/11/22

Miss CherryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant