Le lendemain matin, la sonnerie de mon réveil fut inutile. La nuit avait été longue et je n'avais réussi à dormir qu'une paire d'heures. Le brouillard qui m'avait enveloppé la veille au soir ne m'avait pas quitté, et semblait au contraire s'être épaissi.
Je quittai mon lit lentement, comme inconscient que mes pas me portaient hors de mon confort, et gagnai la cuisine en silence. Je sortis ensuite du frigo le tupperware de riz que j'avais cuisiné la veille et le mis à cuire dans une casserole. Je m'activai alors au découpage du filet de poulet, que je mis à frire après l'avoir baigné dans un bol d'épices.
J'avais dans l'idée d'aller réveiller Jungkook doucement une fois la cuisson du petit déjeuner finie, et cette idée m'enjouait tellement que lorsque je le vis entrer dans la pièce et s'installer à table avec nonchalance, mon coeur se serra un peu sous la déception.
_ Tiens, tu es déjà levé ? Dis-je.
Il leva la tête vers moi et un immense sourire fendit son visage.
_ J'avais mis un réveil, m'informa t-il. Je ne voulais pas manquer notre rendez-vous.
Quelque chose chatouilla mon estomac.
"Notre rendez-vous"._ Je serais venu te réveiller, confessai-je.
Je me retins de toutes mes forces d'ajouter à quel point j'aurais préféré qu'il se réveille au son de ma voix et non au son du réveil.
Je rassemblai la nourriture dans un plat et le déposai à table en face de mon jeune ami. Je pris ensuite deux assiettes et deux paires de baguettes dans les placards au-dessus de la plaque de cuisson et les disposai en face de Jungkook et a la place que j'avais choisi d'occuper.
Je déposai un peu de riz et de viande dans nos assiettes, et voyant que mon ami grimaçait, je dis :_ Oui, je sais, c'est le riz de hier, mais je n'aime pas gaspiller...
_ Ce n'est pas ça, souffla t-il. Je n'ai pas faim.
Zut. Sa présence m'avait tellement déstabilisé que j'en avais oublié son manque d'appétit.
_ Manges ce que tu peux, ordonnai-je. La répétition d'aujourd'hui sera plus rude que toutes les précédentes, je préfère que tu aies quelque chose dans l'estomac. Ce sera plus facile pour toi.
Pour la première fois, il acquiesça sans protester. Une pointe d'inquiétude remonta le long de mon œsophage.
_ Tu vas bien ? Risquai-je.
Il me devisagea quelques secondes sans rien dire, puis répondit doucement :
_ A vrai dire, oui, je vais bien. Mieux que d'habitude.
Sa réponse eut pour effet de faire fondre mon tourment, laissant place à la curiosité.
_ Vraiment ?
Mon ahurissement était total.
Il secoua la tête de haut en bas, rougissant jusqu'au cuir chevelu.
Je n'en fus que plus curieux._ Puis-je te demander la raison de ce soudain presque-bonheur ?
Il marqua un temps de réflexion avant de répondre, d'un ton tout à fait désinvolte :
_ Je te dirai plus tard.
Cette promesse me parut lourde de sens. S'il s'était agi d'un fait banal, comme voulait le faire entendre le ton de sa voix, il me l'aurait confié directement.
Ma curiosité gonfla encore, prenant une place considérable dans mon abdomen._ Mange, m'ordonna t-il en voyant que je n'avais toujours pas commencé mon petit déjeuner.
J'obéis, réfléchissant à ce qui pouvait bien le faire sourire ainsi.