Zéline
— Tu es splendide ! murmure ma mère à mon oreille.
Ça doit faire au moins dix fois depuis ce matin qu'elle me le répète. C'est pas pour autant que l'information s'imprimera dans ma tête et que je l'accepterais, et elle le sait. J'ai l'impression de ressembler à un sac poubelle de luxe, orné de diamant et de strass !
— Merci, réponds-je tout de même avant qu'elle ne s'éloigne pour rejoindre un autre groupe d'invités.
Cette robe, c'est elle qui l'a choisie, moi j'aurais préféré porter quelque chose de plus sobre. Mais c'est sa journée après tout, et je ne veux pas la contrarier. En réalité, je ne la contrarie jamais. Je ne tiens tête qu'à mon père, sans doute parce que je suis la seule d'entre mes frères à pouvoir le faire sans qu'il dise quoi que ce soit.
Si Liam s'en contrefiche, parce qu'il n'a pas marché dans les pas de notre paternel et qu'il aspire à devenir médecin comme maman, on ne peut pas en dire autant de Keran. Qu'importe qu'il soit le fils prodige, notre père lui en demande toujours davantage, peut-être parce qu'il souhaite le préparer au mieux au jour où il héritera du Stay In Mind.
Ma gorge se serre, je m'oblige à regarder autour de moi pour prendre du recul. Ça n'est ni le moment, ni le lieu de penser à mon avenir. Je me suis promis de tout dire à mon père après ce week-end. Je m'y tiendrais. J'inspire, expire, fixe le ciel qui a revêtu sa robe ocre semblable aux tableaux d'Edvard Munch. C'est magnifique.
Si la cérémonie est terminée depuis longtemps, l'apéritif me semble long à en mourir. Je n'ai jamais été très à l'aise avec les amis de mes parents même si je me fonds parfaitement partout. Mais depuis que je suis en âge de rester seule, j'évite d'assister à ce genre d'évènement. Bien entendu là, quand il s'agit du renouvellement de vœux de ses propres parents, c'est difficile de prétexter un empêchement. Heureusement que ma meilleure amie est là pour me soutenir et me rappeler que j'ai aussi une autre réalité. Celle où je suis moi-même et non la fille Kavanagh.
— Je ne tiendrais pas la soirée avec ces chaussures, râle Pamela à mes côtés.
Je suis du même avis et remercie cette petite table haute qui supporte mon poids de temps à autre.
— J'en suis à me demander si me pisser de dessus est une option, tant je redoute de me rendre jusqu'aux toilettes, expliqué-je.
Nous pouffons toutes les deux.
Le pire c'est que je ne peux même pas chausser des ballerines au risque de marcher sur le voilage de ma robe et de me retrouver à poils dans la seconde.
Un serveur passe à côté de nous et Pam en profite pour subtiliser deux coupes de champagne de son plateau.
— Mon sauveur ! crie-t-elle avant d'en porter une à ses lèvres.
Je la regarde avaler la première cul-sec avec de grands yeux. Je l'ai déjà vu faire ça avec de la bière le mois dernier et elle a fini à quatre pattes dans le gazon à la recherche de lentilles de corrections.
Sauf que Pam ne porte pas de lentilles...
— Ahhhh ! finit-elle par dire. Ça va me faire oublier ma douleur !
Je tente de récupérer la deuxième pour l'empêcher de refaire la même chose, mais elle me repousse et me refile la coupe vide.
— Arrête ! la sermonné-je. Si tu ne peux plus tenir droite, à quoi ça te servira de ne plus avoir mal aux pieds !?
— Ohhh ! Je serais ta meilleure distraction... avoue !
J'étouffe un rire. Elle a raison. Je me débarrasse de sa coupe sur la table.
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The Shadow Of Your Heart
RomanceKeran déteste Zéline, sa soeur adoptive. Parce qu'elle a pris la vie d'une autre qui lui était essentiel, parce qu'elle est l'illusion de certain et surtout parce qu'elle ne remplacera jamais sa vraie soeur. Malgré les années et la distance, sa ran...