Keran
J'ai passé la semaine, enfermé dans mon bureau ou en déjeuners d'affaire avec Eric. Si bien que je n'ai pas eu à croiser le chemin de Zéline une seule fois depuis. Je sais seulement qu'elle s'est trouvée un autre endroit pour travailler, si bien que je l'aperçois seulement lorsqu'elle doit récupérer quelque chose à l'imprimante.
Bien entendu, je ne peux m'empêcher de la passer au crible et de me faire la réflexion qu'elle est différente de ce qu'elle m'a toujours montré. Elle est appliquée et discrète.
Le soir, mes retours tardifs dans la nuit me permettent tout autant de l'éviter. Mais la fatigue commence à se faire sentir, et mon humeur va de pair. Je suis ronchon, je pars au quart de tour quand quelque chose me contrarie et mon corps est crispé et en manque d'adrénaline. Je ne vais pas pouvoir continuer à vivre comme ça. Je ne vais pas pouvoir errer chez Eric comme un adolescent, ou trainer dans les bars à attendre qu'il soit assez tard pour pouvoir rentrer.
Si j'espère qu'elle ne finira pas son stage au Keep in Mind, je ne suis pas stupide au point de croire qu'elle partira dès demain.
Et puis, après tout, elle est chez moi : dans mon appartement et dans mon entreprise.
Putain Keran, respire un bon coup. Nous sommes vendredi soir. Une semaine de terminée. Il en reste combien déjà ? Je ne veux pas me le rappeler.
Je finis de boucler des prévisions budgétaires quand Eric rentre en trombe dans mon bureau.
— Allez bon sang, ça fait déjà 1h qu'on aurait dû partir.
— Je voulais terminer les budgets.
— Il nous restait encore quelques jours ! Et tu m'as fait bosser tous les soirs de la semaine jusqu'à pas d'heure, alors tu sais quoi ? Tu lèves ton cul de ce siège et on y va. Ana m'a déjà envoyé deux messages pour demander où on était.
Je repousse mon clavier et passe ma main sur mon visage avec lassitude. Il a raison ça suffit pour cette semaine.
— Ok. On y va.
Je me lève d'un bond, galvanisé par l'envie d'oublier ces derniers jours, que Zéline va être dans mes pattes ce week-end, et qu'une autre semaine de dingue m'attend.
Je dois faire comme tous les vendredis soir : aller boire un verre avec mes collègues de boulot, dans la bonne humeur. Je ne suis pas certains de les suivre loin dans la soirée, aujourd'hui. Mais si ça peut me changer les idées. Pourquoi pas !?
— Tu veux qu'on parle de Zéline ? demande Éric.
Ma main a un raté pour chopper ma veste sur le porte manteau. Je m'en empare et soupire :
— Je te fais penser que j'en ai envie ?
— Non, mais peut-être que ça t'intéresserait de savoir ce qu'elle devient, ce qu'elle fait ?
— Je sais qu'elle se nourrit puisque je l'ai vu manger dans la cage d'escalier.
Nous traversons le couloir. C'était d'un ridicule ! Non mais franchement ! Elle peut pas faire comme tout le monde, se trouver une table à un resto où même déjeuner dans l'espace bien-être de l'agence ?
— Amber me disait que c'était seulement les temps de pluie. Sinon, elle mange au soleil sur un des bancs du parc, reprend Éric.
Je m'en tape ! Je claque la porte et presse fermement les boutons de l'alarme du Keep In Mind, comme pour mettre fin à cette conversation.
— Non pas qu'elle la suive... mais c'est Amber... tu sais?
Je fais mine de ne pas attendre. J'avais pourtant dit que je ne voulais pas parler de Zéline ! Je sors du bâtiment sans retenir la lourde porte et avance dans la rue sans attendre mon ami. Un vent frais s'engouffre dans ma chemise, ça me fait un bien fou.
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The Shadow Of Your Heart
RomanceKeran déteste Zéline, sa soeur adoptive. Parce qu'elle a pris la vie d'une autre qui lui était essentiel, parce qu'elle est l'illusion de certain et surtout parce qu'elle ne remplacera jamais sa vraie soeur. Malgré les années et la distance, sa ran...