The Shadow Of Your Heart

Chapitre 24

Zeline

Assise sur le tapis aux pieds des canapés, je déballe mes sushis sur la table basse tout en cherchant un reportage ou un documentaire pour occuper mes méninges. Là, ça n'est pas pour m'endormir, c'est juste pour cesser de penser aux jours qui m'attendent avec Keran.

Qui passe justement le pas de la porte...

Il se plante devant moi. Les mains dans les poches, son pantalon se tend sur son entre-jambe. Je m'empresse de faire grimper mes yeux sur son polo blanc qui ne fait qu'un avec son torse. Si je me laissais le temps, je pourrais nommer un à un les muscles qui se dessinent sur le tissu. Je passe sur sa mâchoire saillante, devine l'empreinte de sa fossette autours d'une pousse de barbe sur son menton. Ses lèvres sont closes, sans expression, alors que ses yeux trahissent le mépris. Je force un sourire qui se veut accueillant.

— Tu n'avais pas dit que tu ne rentrais pas ?

— J'ai changé d'avis.

Fais chier. Je souris encore.

— Il y a assez à manger pour deux, si tu veux ?

Sans répondre à ma proposition, il me toise et quitte le salon. Traduction ? Étouffe-toi avec ton poisson cru et ta feuille d'algue.

J'envoie un documentaire sur les colibris. J'essaie de me concentrer sur les paroles du narrateur, en vain. Et je n'ai même plus faim alors que les seules choses que j'ai ingurgitées depuis ce matin sont une banane et un bol de pop-corn au cinéma avec Shirley et Amber.

Au bout d'un moment, je me laisse aller contre le fauteuil derrière mon dos et ferme les yeux sur les couleurs turquoises d'un colibri coruscans.

— J'espère que tu as apprécié ta journée seule avec Liam ?

Je sursaute et manque de me fracturer la nuque en tournant la tête vers Keran. Il a pris une douche et a délaissé sa tenue de ville pour un bas de jogging. Uniquement un bas de jogging. Par contre il n'a pas oublié son humeur dans sa chambre...

Je fais mine d'être intéressée par le colibri et me remet à fixer la TV.

— C'était sympa.

Il s'assoie à côté de moi sur le tapis. Du coin de l'œil, je suis ses gestes avec appréhension. Son bras glisse délicatement sur le mien puis il s'empare des baguettes et chipe un sushi. Je m'empresse de mettre le plateau entre nous.

« ... sa vitesse peut atteindre 98km/h... »

Mon cœur frôle les 200.

— Vous n'avez pas perdu de temps pour vous échapper ce matin.

Il repose les baguettes, je les récupère à mon tour. Je ne réponds pas, il n'y rien à répondre. Avec le recul, je sais que Liam avait tout calculé. Il ne voulait pas de Keran.

Je porte un California à ma bouche et l'avale avec difficulté. J'ai la bouche sèche.

— Il fallait surtout pas que je sois dans vos pattes, reprend-il.

La conversation, comme on pouvait s'en douter, n'a rien d'anodine. Il cherche la confrontation. Et je n'ai pas tellement la force de me contrôler.

— Une idée de Liam je parie ?

Un soupire m'échappe. Les baguettes aussi. Elles tombent avec fracas sur la table.

« ... on recense près de 340 espèces... »

Ce reportage est nul. Cette soirée est nulle. J'offre un regard noir à Keran.

— S'en doute que si tu n'avais pas quitté ma chambre aussi vite ce matin, la question ne se serait pas posée.