Chapitre 4

84 17 1
                                    




Zéline

— Et que penses-tu de celui-ci ? « Situé dans le quartier de Times Square et tout près du Théâtre de Broadway, ce studio est... »

— Ce studio est certainement hors de prix ! coupé-je.

Je me tourne sur le transat et enfourne ma tête dans le bain de soleil pour atténuer un hurlement. J'espérais seulement un après-midi de tranquillité en bord de piscine, oublier juste un instant que dans quelques jours je serais à des milliers de kilomètres d'ici, loin de ceux que j'aime.

Mais c'était sans compter sur Pam qui s'évertue à éplucher les annonces immobilières New-Yorkaise pour me trouver un studio. Studio dont je me fous éperdument. Mais rien ne sert de le lui dire, un, elle le sait, deux, elle est têtue.

— Mouai, reprend-elle. 4 900 $ par mois...

Je tente quand même de lui faire comprendre :

— J'ai trouvé une chambre dans le Queens et elle a l'air très bien.

Si on met de côté que je serais à quasi 2h en transport en commun du Keep In Mind, et que je ne serais pas dans le quartier le plus calme de New York.

— Elle va te couter 80% de ton salaire de stagiaire !

C'est vrai. Je tourne la tête dans sa direction et l'observe s'acharner sur son écran de téléphone. Je dégrafe le soutif de mon maillot tout en argumentant :

— J'aurai mon indépendance. C'est le principal. Et puis, là encore, je n'ai pas besoin de mes parents pour vivre. Je suis 100% autonome.

À part qu'il a fallu qu'ils se portent caution pour moi. Pam lâche son téléphone sur ses cuisses et me jette un regard dubitatif. J'agrandis un sourire – du moins j'essaie car ma joue droite est écrasée sur le matelas – et rentre mon bikini dans mes fesses. Autant élargir la zone de bronzage à son maximum, à New York, je ne verrais pas souvent le soleil...

— T'es sérieuse ? s'interloque-t-elle. Indépendante ??

— Bien sûr ! Je vais être avec moi-même dans quinze mètres carrés ! Que demander de plus ?

— Dans lequel il y a aussi un lit une place, un bureau et une kitchenette !!!

— Tu oublies le placard.

J'essaie de ne pas rire. C'est difficile.

— Merde Zel, tu vas partager une salle de bains avec des inconnus !

— Ça ne sera pas le pire, Pam.

Elle ouvre la bouche pour répliquer, mais elle comprend certainement où je veux en venir. J'ai la chance d'avoir une grande capacité d'adaptation, de pouvoir me fondre dans n'importe quel moule, de réussir à gérer mes émotions. Mais c'est sans compter Keran. Il n'y a qu'à voir ce qu'il a fait de moi au renouvellement de vœux de nos parents. Il ne lui a pas fallu cinq minutes pour me faire sortir de mes gonds.

Habituellement, je l'ignore, je change de pièce, je m'arrange pour avoir autre chose à faire les – rares – jours qu'il doit passer ici. Et même si aucune solution n'est envisageable, tant qu'il ne me parle pas, tout se passe bien. Mais là, ce qui m'a fait défaut, c'est mon rejet de l'injustice, car sans me connaitre il a jugé mes espérances, mes rêves, ce que je suis, et a tenté de convaincre mon père que tout ce que j'ai fait jusqu'à présent puisse être mal.

C'est en partie réussi. Parce que je ne suis pas certaine que m'envoyer à New York pendant un an avec Keran pour que nous fassions « mieux » connaissance soit la vraie bonne excuse. Mon père n'aurait dans tous les cas pas accepté que j'effectue mon stage ailleurs que dans son entreprise.

The Shadow Of Your HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant