𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟔

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   CE SOIR-LÀ, le soleil venait tout juste de terminer sa longue descente derrière l'horizon. C'était une autre nuit fraîche d'octobre, mais celle-ci était encore jeune, et la plupart des élèves vagabondaient encore dans le château. Il y avait une agitation toute particulière dans la Grande Salle, car ce soir, le club de duel se réunissait comme chaque semaine pour quelques combats de sorciers amicaux.

   Harry et Ron s'y étaient rendus, comme bien souvent, afin de s'entraîner et se défouler avec leurs baguettes. Bien qu'Hermione n'était d'ordinaire pas particulièrement intéressée, préférant habituellement se contenter de regarder ou de s'occuper avec des passe-temps plus littéraires, elle avait cette fois-ci décidé de participer, exceptionnellement.

   — Tu es sûre, Hermione ? demanda Ron à l'intéressée tandis qu'ils se faufilaient parmi la foule de spectateurs. Ça peut être un peu... dangereux.

   — Ron, répondit-elle en levant les yeux au ciel. Ce n'est pas parce que je ne me rends pas souvent au club de duel que je suis incapable de lancer le moindre sort.

   Les trois amis durent subitement reculer lorsque l'un des élèves en plein duel, un Serdaigle plutôt athlétique, vint tomber à la renverse juste devant eux, propulsé par un Rictusempra. Il se releva aussitôt, sous les cris et les applaudissements de tous les élèves venus assister ou participer au spectacle.

   Hermione observa la foule, en grand nombre ce soir, le cœur battant la chamade. Les élèves de toutes les maisons se rendaient bien plus souvent au club ces temps-ci, et il était bondé presque toutes les semaines. Cela était notamment dû au fait que depuis qu'Ombrage avait commencé à tenter de faire instaurer ses propres idées et règles idiotes, beaucoup avaient eu le pressentiment que le club se retrouve un jour aux portes de la dissolution.

   C'était également l'endroit idéal pour se défouler, ce dont tout le monde, en particulier Hermione, avait bien besoin. C'était d'ailleurs la raison même de sa venue aujourd'hui. Elle espérait qu'en lançant et recevant des sorts pendant un duel enflammé elle parviendrait à canaliser cette colère insoutenable qui la hantait depuis sa toute dernière conversation avec Fred. Elle avait refusé de lui reparler depuis ; elle avait bien trop peur que si elle lui adressait la parole à nouveau, soit elle se déverserait en insultes, soit elle éclaterait en sanglots.

   Dean Thomas monta sur l'estrade pour annoncer le gagnant du duel tandis que la foule applaudissait de plus belle. Lorsque ses yeux se posèrent sur Harry, il sourit, et s'approcha de lui :

   — Salut Harry ! Les gens veulent du spectacle aujourd'hui? Ça te tenterait, un duel contre la personne de ton choix ?

   — Ça oui, acquiesça Harry en souriant.

   — Fred et George ne sont pas là ? demanda Ron. Ils étaient censés arriver avant nous.

   Le cœur d'Hermione se serra à ce nom, mais elle n'en laissa rien paraître.

   — Apparemment, Rogue leur a mis une retenue, expliqua Dean. Ces deux génies se sont faits prendre la main dans le sac en train de lui voler des ingrédients.

   Hermione relâcha le souffle dont elle n'avait pas eu conscience qu'elle retenait. Ouf, elle n'aurait pas à devoir trouver une excuse pour l'éviter ce soir. Ne faire que l'apercevoir au bout de couloirs la journée avait déjà été suffisamment douloureux en soit.

   Harry proposa un combat amical à Ron, qui accepta aussitôt l'invitation. Les deux garçons se frappèrent dans la main avant de monter sur l'estrade. Hermione leur adressa à tous les deux un petit mot d'encouragement pendant qu'ils s'éloignaient. Elle était heureuse de les voir s'amuser, surtout Harry. Cette année était loin d'être facile pour lui, en particulièrement avec leur horrible professeure de défense contre les forces du Mal. Hermione avait passé ces derniers jours à lui apporter tout son soutien. D'autant plus que cela lui permettait de mettre de côté ses propres déboires amoureux.

   — Regardez-moi ça, ricana de mépris une voix familière non loin d'elle. Potter contre Weasmoche, le combat des monstres de foire pour notre plus grand divertissement.

   Des rires moqueurs éclatèrent à sa remarque et Hermione se retourna brusquement pour jeter un regard noir à la source de la voix.

   — Tais-toi, Malefoy, s'énerva Hermione. Eux ont au moins le courage de monter se battre plutôt que de rester planté là à piailler comme une dinde.

   Drago Malefoy lui jeta un regard aussi intéressé que peu impressionné tandis que son groupe d'amis habituel, tout autour de lui, riaient de la brune comme si ses paroles n'avaient été rien de plus que le jacassement d'un petit chien hargneux.

   — Un souci, Granger ? lui dit-il avec un sourire mauvais. Tu viens encourager tes deux toutous ?

   — C'est toi, mon souci, rétorqua-t-elle en venant se planter juste devant lui.

   Les amis de Drago ricanèrent de plus belle tandis qu'elle plongeait son regard dans celui du blond, qui lui se contentait de baisser les yeux vers elle de toute sa hauteur. Son attitude désobligeante tapait sur les nerfs d'Hermione, et plus encore aujourd'hui que d'habitude. Lui-même semblait remarquer que ses traits étaient plus crispés que d'ordinaire et son ton plus agressif.

   — Si tu penses être meilleur qu'eux à ce point, continua Hermione, pourquoi tu n'irais pas toi-même montrer tes aptitudes sur l'estrade ?

   — Contre qui ? Toi ? s'esclaffa-t-il.

   — Eh bien, pourquoi pas. Toi, moi, un duel dans le respect des règles.

   Drago pouffa un rire moqueur, mais ses lèvres se transformèrent en un sourire étrange lorsqu'il vit qu'elle était parfaitement sérieuse. Sa troupe d'amis ne riaient plus, leurs regards rivés sur lui, en attente de sa réponse.

   La détermination d'Hermione était effrayante, tellement qu'il dut se racler la gorge le temps d'amasser suffisamment de courage.

   — Je n'ai pas l'intention de jouer à divertir tous ces ploucs, dit Drago en désignant la foule autour de lui. Et je ne me bats pas contre les Sang-de-Bourbe. Ça ne serait pas très équitable.

   — Peur de perdre, Malefoy ? chuchota-t-elle avec un sourire diabolique.

   — Perdre ? répéta-t-il, les joues rouges de colère et d'embarras. Contre toi ? Je te réduirais en poussière dès les premières secondes. C'est juste que je ne fais que des vrais duels, moi, et surtout pas sur une scène débile sortie tout droit d'un théâtre pour enfants.

   — Très bien, alors allons nous affronter dehors.

   Mais qu'est-ce qui me prend ? se dit aussitôt Hermione. Cette demande, couplée à cette rage, ça ne lui ressemblait pas. Elle venait de lui proposer de se battre en duel hors du cadre du club, ce qui était formellement contre le règlement ! Mais cette colère, cette émotion brûlante et bouillonnante, elle devenait maître de ses pensées, de ses mouvements, et la submergeait toute entière.

   Ce n'est que lorsqu'elle eut pleinement le temps de s'imprégner de sa propre phrase qu'elle prit conscience que malgré tout ce dont elle avait cherché à se persuader, Hermione n'allait vraiment, vraiment pas bien.

   Pendant un court instant, elle eut envie de se rétracter et de tourner le dos à Drago afin de lutter contre ce flot d'émotions dangereuses, mais le blond ne recula pas. Au contraire, il sourit.

   — Si tu veux te battre, alors on va se battre, Granger.

   Drago lui fit signe de le suivre, sa clique lui emboîtant le pas. Hermione hésita ; du coin de l'œil, elle vit que Harry et Ron étaient encore en plein duel et n'avaient rien vu de l'échange. Ils ne la verraient même pas partir. Et ainsi, avec un dernier regard en arrière, elle tourna les talons et entreprit de suivre le cortège de Serpentards.

   Le trajet dans les couloirs jusqu'à l'extérieur se fit dans un silence pesant, à l'exception des quelques gloussements et murmures dans amis de Drago. Hermione entendit Pansy murmurer à Blaise :

   — Cette pauvre Granger a choppé la rage.

   L'estomac d'Hermione se noua, et dans sa poche, ses doigts se resserrèrent autour de sa baguette. Cette colère se remit à s'accumuler dans ses tripes. Le visage de Fred apparut brièvement dans son esprit. Elle se mordit la langue afin de ne pas se laisser engloutir pas ses émotions.

   Cet homme l'avait cassée, il n'y avait pas d'autres explications.

Chaleur | FREMIONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant