Chaleur | FREMIONE

𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟓

   DE TOUTE sa vie, Fred n'était jamais tombé amoureux. Là où certains pourraient y voir une source de désespoir, lui voyait cela comme une fierté. Sans attaches, sans sentiments contraignants, il était libre.

   Jusque là, trouver une fille qui lui plaisait était synonyme d'amusement. Il adorait faire des pieds et des mains pour séduire celles qui attiraient son regard, toujours dans l'attente du bouquet final. Mais ce qu'il ressentait aujourd'hui était loin d'être plaisant. Ça n'avait aucun sens. Des coups d'un soir, il en avait eu des tas, sans jamais que cela lui fasse cet effet. Il n'était quand même pas... non. Impossible.

   Une semaine avait passé depuis sa dernière dispute avec Hermione. Ils ne s'étaient pas reparlés depuis, ce qui lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Fred l'avait bien croisée dans les couloirs ces derniers jours, mais elle tournait les talons dès qu'il entrait dans son champ de vision. Lui aussi aurait pu venir lui parler de lui-même, mais il n'en fit rien. Qu'y avait-il à dire, après tout.

   Hermione n'avait pas eu tort dans ses accusations à son encontre, et Fred le savait. Il était incapable de lui garantir que son affection serait sérieuse et éternelle. À chaque fois qu'il s'attachait un tant soit peu à une fille, la flamme finissait systématiquement par s'éteindre. Ce n'était pas volontaire ; il était simplement ainsi. Mais si un jour, cette même flamme refusait de s'éteindre... cela pourrait être terrifiant à ses yeux.

   À l'extérieur, Fred était toujours le même homme ; blagueur, bon vivant, agitateur... Personne ne se doutait de la tempête qui faisait rage en lui, à l'exception, bien sûr, de George, son jumeau. Ces deux-là étaient connectés et chacun était capable de reconnaître quand l'autre était contrarié, sans même qu'un seul mot soit prononcé. Fred ne parlait pourtant jamais amour avec George et ne lui avait rien dit sur Hermione et lui. Il n'avait pas eu à le faire pour que son frère comprenne.

   Ainsi, ce matin même, George avait aujourd'hui encore été un soutien moral époustouflant. Il ne demanda rien à Fred. Il lui tapa simplement sur l'épaule et lui proposa de son air malicieux habituel :

   — Profitons du cours de potion pour réapprovisionner nos stocks.

   Cela fit sourire Fred. En effet, c'était devenu une habitude pour eux de piquer quelques ingrédients pour leurs propres expériences pendant les cours de Severus Rogue. Ils étaient même devenus plutôt doués à faire leurs frasques dans la plus grande discrétion possible, et ce juste sous le nez de leur professeur.

   Ainsi, pendant le cours de potion de début d'après-midi, les deux jumeaux ne se firent pas prier pour remplir leurs poches de tout ce qu'ils jugeaient intéressant. C'était bien là le plus grand avantage des capes de l'uniforme de Poudlard : la taille des poches était impressionnante. De plus, Rogue était occupé à annoncer le programme du jour aux élèves de sa voix rêche et dédaigneuse habituelle, et Fred et George purent ainsi se cacher aisément derrière la foule entassée d'étudiants.

   Lorsqu'ils furent satisfaits de leur pêche, ils se mirent à discuter et à rire des  manières de leur professeur. Fred accueillit à bras ouverts ce moment d'insouciance et de répit. Ici, avec son frère et le reste de la classe, il arrivait enfin à ne plus penser à Hermione. Enfin, plus ou moins. La jeune fille était logée en permanence dans un coin de son esprit, et les regards de travers que lui lançait Angelina ne cessaient de le ramener aux dernières paroles d'Hermione.

   Finalement, son visage finit inlassablement par lui revenir en tête. Son expression si triste et dépitée, et la déception atroce qui avait déformé ses traits quand elle avait pris conscience qu'il était incapable de la rassurer sur ses doutes. C'était une vision qui le hantait chaque nuit. Elle le hantait même éveillé, comme en ce moment-même, ce qui expliqua pourquoi il ne remarqua pas tout de suite que George ne cessait de lui frapper le bras et que tous les regards étaient tournés vers lui.