Akazanoe [Tome 1] : La Fleur

Chapitre VII - La fleur

« Je suis née pendant une éclipse. Cela peut sembler être un détail, mais c'est pourtant bien plus. Cette éclipse m'a pourri la vie.

Mes parents croient profondément en la religion thérine. Ils éduquent strictement leurs enfants selon cette religion, mais pourtant, ça n'a pas été mon cas. Selon le livre sacré thérin, le Théhé, les enfants nés pendant une éclipse sont des envoyés de la Trinité, une alliance constituée du Chaos, du Désespoir et de la Mort qui est censée causer la fin des temps. Le rôle des envoyés est de s'assurer que le moment est venu pour la Trinité d'agir. En bref, la Trinité et ses envoyés sont des êtres maléfiques, le mal incarné.

Mes parents pensent donc que je suis une envoyée de la Trinité, et me considèrent comme une personne qui n'a pas sa place en ce monde. Ils ont tout fait pour me torturer. Ils me nourrissaient en quantité à peine suffisante, me battaient sans hésiter à la moindre petite erreur de ma part, n'hésitaient pas à me rappeler constamment que je ne devrais pas vivre, que je méritais le traitement qu'on m'infligeait, que c'était la seule chose que j'étais censée vivre. Arrivée à un certain âge, ils ne s'occupaient plus du tout de moi, préférant donner la vie à un autre enfant, qui lui était le petit préféré. Enfin, non, ce n'était pas un préféré, puisqu'il n'y avait que lui : pour mes parents, je n'étais plus qu'un mauvais souvenir, une page sombre désormais tournée de l'histoire de la famille.

Malgré tout, je me suis accrochée, j'ai continué ma scolarité, bien que je n'arrivais pas à tisser le moindre lien avec qui que ce soit.

La seule personne qui me témoignait de l'affection était Paula, la servante de la famille. Elle était pour moi une seconde mère, une mère juste, qui aime sa fille. Elle me rapportait de la nourriture, s'occupait de moi comme si j'étais sa propre fille. Quand j'étais souffrante, cela arrivait surtout en hiver, Paula faisait tout pour que j'aille mieux, tandis que mes parents, comme à leur habitude, se fichaient complètement de moi et de mon état de santé, je pouvais bien mourir de la maladie, je suis sûre que cela les aurait arrangés. Heureusement, Paula était là, et grâce à elle, je résistai aux maladies de l'hiver.

Les années se déroulaient toujours plus ou moins de la même façon : mes parents faisaient comme si je n'existais pas, mais venaient tout de même quelquefois dans ma chambre pour me remplir le crâne d'idées de suicide ; je passai la grande majorité de mon temps seule, à l'école comme chez moi, et Paula était ma seule compagnie, qui malheureusement n'avait pas le temps d'être présente plus souvent, mais elle venait me voir dès qu'elle pouvait pour me ramener de la nourriture, me redonner espoir et chasser les sombres pensées que mes parents avaient réussi à me faire entrer dans le crâne.

J'avais 16 ans, lorsqu'un jour, ma mère est entrée dans ma chambre et s'est approchée rapidement de moi, un couteau à la main. Naturellement, j'ai pris peur et sans réfléchir, j'ai précipitamment ouvert la fenêtre et sauté. Le problème, c'était que ma chambre était située au deuxième étage, plutôt haut, assez en tout cas pour que je me retrouve avec une jambe cassée. Je ne pouvais plus marcher, alors je me suis simplement assise contre la façade de la maison. J'étais en pleurs, profondément terrifiée à l'idée de retourner dans cette maison, et je ressentais une douleur des plus fortes à cause de ma jambe. Je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre que quelqu'un arrive et me vienne en aide. Une femme a finit par venir, et m'a portée jusqu'à l'hôpital. J'y suis restée deux semaines, et j'ai été transportée jusqu'à Nekoulo pour qu'on m'y mette une prothèse. Je suis restée là-bas un mois, avant de revenir à Astra. Je n'avais plus d'argent, alors j'ai décidé de devenir chasseuse de monstre dans une guilde à Yellowstone. Cela n'allait certainement pas me permettre de vivre sous un toit, mais au moins d'acheter de la nourriture. Ainsi, j'ai réussi à survivre seule quelques mois.