13 - Enfance

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Inconnu

Devant la télévision, je mange une part de pizza avec mon fils. Je l'ai toujours aimé. A partir du moment où Doriane m'a dit qu'elle était enceinte je me suis sentie père. Elle a déclaré que j'avais bousillé sa vie mais c'est faux, elle s'est débrouillée comme une grande pour ça. Elle n'a pas eu besoin de moi.

A l'époque elle venait d'avoir dix-sept ans et je n'en avais que quatorze. Moi, je n'étais qu'un gosse. Elle, elle savait ce qu'elle faisait et m'a entrainé dans ses mauvais penchant. Elle m'a montré le monde d'un côté dont je ne soupçonnais pas l'existence et qui m'a plu. C'était un paradis artificielle mais je m'y sentais bien et en paix, comme si tous mes problèmes disparaissais. Je n'étais doué en rien. Je n'étais ni un enfant manuel ni un enfant intellectuel. Je faisais plus acte de présence qu'autre chose. Je faisais parti du décor et Doriane m'a fait croire que la poudre blanche serait le remède à tous mes maux, mais c'est faux. Ça l'a toujours été. Elle m'a isolé du monde réel pour me plonger dans le sien, fait de rêve poudreux.

En regardant mon enfant je souris, il est beau et il vaut tellement mieux que sa mère. Celle avec qui j'ai couché une fois, celle avec qui j'ai fait ma première fois, celle avec qui je croyais apprendre à aimer la vie. Je me souviens que j'étais amoureux de son frère avant qu'elle me fasse oublier ce que voulait dire la réalité. Il s'appelait Théo et j'aimais la mélodie qu'il donnait à mon prénom que tout le monde trouvait trop vieux pour moi. Il avait un sourire tendre, des cheveux noirs et des yeux qui rêvaient de découvrir le monde. La première chose que j'avais remarqué chez lui c'était son rire doux mais grave. C'est son rire qui m'a fait fondre en premier et ensuite j'ai découvert sa voix, puis ses manies et petit à petit mon coeur a fondu. Nous avions le même âge et je savais déjà que j'étais capable d'aimer.

Je sais qu'aujourd'hui son sourire me manque. Il avait une façon de me regarder que j'adorais. Comme si j'étais quelqu'un d'extraordinaire et que son monde tournait autour de moi, que j'en était le centre. On s'est embrassé, une fois. C'était chez lui alors que nous révisions et c'est là que j'ai rencontré sa soeur. Doriane m'a vendu son paradis et j'ai sauté à pied joints. Théo c'est éloigné de moi et n'étais plus qu'une simple connaissance, je devenais néfaste pour tout le monde et dangereux pour moi-même. Et puis je lui ai porté le coup de grâce quelques mois plus tard : j'ai couché avec sa soeur qui est tombée enceinte. Nous ne l'avons appris que trop tard puisqu'elle ne s'occupait jamais de comment elle allait et qu'elle était trop défoncé pour se rendre compte qu'elle n'avait plus ses règles.

Quand j'ai vu le ventre de Doriane s'arrondir, ça m'a porté le coup de grâce. J'ai enfin ouvert les yeux sur ce qu'il se passait et que c'était grave. J'ai eu la chance d'avoir des parents aussi compréhensif et aimant que les miens. Je suis allé les voir pour leur expliquer, malgré les cris et les larmes on a tous réussi à se parler correctement. Ils ont décidé que je devais aller dans un centre de désintoxication et j'ai accepté sans rien dire car je savais que c'était ce qu'il me fallait. Quand je suis rentré du centre j'ai découvert que j'allais devenir père dans les semaine ou jours à venir. Mes parents étaient resté en contact avec sa famille durant ma désintox et puisque Doriane refusait de garder l'enfant, ils ont décidé qu'il rejoindrait notre foyer. Ma mère refusait d'abandonner un enfant comme elle l'a été. Elle m'a toujours répété que passé de foyer en foyer n'avait rien d'agréable alors elle a voulu offrir une belle vie à ce petit bébé dont personne ne désirait au départ et qui n'était qu'une simple erreur. Ce jour-là ça a été le début de quelque chose de très beau pour moi. Je suis devenu père et rien ne m'avait fait plus sourire depuis plus d'une année.

Seulement, quand bébé a eu deux ans j'ai fait une dépression. Je n'arrivais plus à rien et mes études me pesaient. Je ne savais plus comment gérer un enfant et des études même si je l'aimais mon fils. Depuis petit je rêvais de devenir père alors forcément j'étais heureux de l'avoir dans ma vie et du choix de mes parents, seulement un enfant ça reste une responsabilité que je n'étais pas près a assumer.

Aujourd'hui, en regardant mon fils je ne peux m'empêcher de sourire. J'en ai traverser des choses mais je me suis toujours relevé pour lui. Il mérite que je fasse le maximum pour qu'il soit heureux.

Je me souviens de la conversation que j'ai eu avec lui quand il avait six ans, il voulait une mère pour que ses amis arrêtent de se moquer de lui. Il n'avait soi-disant personne pour lui lire des histoires et le réconforter quand il tombait.

- Papa ? me demande mon fils.

- Oui mon chéri ?

- Pourquoi tu ne me parles jamais de maman ? C'est parce que tu ne l'aimais pas ?

Ma gorge se serre fasse à ses yeux tristes.

- C'est parce qu'elle ne voulait pas de moi ?

Le pire c'est que c'est vrai, tout ce qu'il me dit l'est. Mais je ne peux pas dire ça a un enfant de six ans, je ne peux pas le détruire. Alors j'essaye de lui expliquer de manière plus douce.

- Ta maman n'était pas faite pour s'occuper de toi, elle ne savait pas s'occuper d'elle-même, lui dis-je d'une voix douce. Alors c'est moi qui te lis des histoires, c'est moi qui te guéris si tu tombes et c'est moi qui te berce quand tu as peur. Tu dois comprendre mon chéri que le fait que tu aies une maman ou non ne change en rien la façon dont tu grandis. Je suis capable de faire tout ce que ta maman aurait pu faire d'accord ?

Il hoche la tête mais me demande tout de même :

- Alors pourquoi les autres disent que je seraient malheureux ?

- Parce qu'ils n'ont pas des parents bienveillants. Tu seras heureux si tu décides de tout faire pour l'être et je serai toujours là pour toi mon chéri. Toujours, je lui promets en l'installant sur mes genoux pour lui faire un câlin.

Depuis, il ne m'a jamais posé d'autres questions, comme s'il avait oublié que la plupart des enfants avaient une mère et un père qui s'aimaient et qu'il en avait souffert durant son enfance.

J'ai peur du jours où je devrais lui avouer que sa mère n'a jamais voulu de lui et que son nom n'existe même pas sur son acte de naissance.

Le jeu perdantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant