28 - Génitrice

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Inconnu

Mon fils rentre plus tôt des cours et n'est pas en compagnie de John. Ça commence à m'inquiéter qu'il ne vienne plus. On en peut pas dire que sa compagnie était celle que je préférais mais elle rendait heureux Steve. Désormais j'aimerai juste qu'il revienne. Steve ne semble pas aller eu mieux depuis quelques jours. Un mélange entre inquiétude et fatigue.

En arrivant, il dépose directement son sac dans l'entrée, se déchausse Et me rejoins sur le canapé pour me dire bonjour.

— Il n'est pas là John ? je lui demande pour être sûr.

— Non, me répond-il en haïssant les épaules. Dans tous les cas vous ne pouvez pas vous voir.

— C'est faux. Je n'ai juste jamais appris à la connaître. C'est tout, je me défends tant bien que mal.

— D'accord.

Il s'éclipse un instant avant de revenir avec un paquet de biscuit.

— John ne peut pas venir, il dit que c'est trop tendu chez lui.

— S'il avait besoin d'aide, tu me le dirais ? je le questionne.

— Oui papa, pas d'inquiétude. Je t'en parlerai. Mais pour le moment il s mble gérer comme un grand et je lui fais confiance.

J'acquiesce alors qu'il se place en tailleur face à moi. Je fais de même pour pouvoir le regarde dans les yeux et l'examiner. Cela fait si longtemps que nous n'avons pas pris de temps pour nous deux.

— Papa, je peux te poser une question ?

— Tu viens de le faire, je me moque gentiment.

— Papa... souffle-t-il d'exaspération.

Face à son ton sérieux et à son regard déterminé je ne redis rien et hoche simplement la tête.

— Dis-moi tout.

— Pourquoi ne me parles-tu jamais de ma mère ?

Une pointe s'enfonce dans mon coeur à l'évocation de Doriane.

— Je...

Je ne sais pas quoi dire.

— Tu pourrais me parler d'elle ? me demande mon fils.

— Ce n'est pas ta mère, mais ta Génitrice, je déclare d'une voix un peu trop sèche. Elle nous a laissé.

— Est-ce que tu l'aimais ?

Pourquoi est-ce que ça me fait si mal de lui parler d'elle ? De simplement évoquer ? Je pensais être prêt après en avoir discuter avec l'inconnu, mais non. Je me rend compte que j'ai mal et peur aussi. J'appréhende le moment où il découvrira qu'il n'était pas désiré, qu'il était un simple accident et que ses parents étaient des drogués. Comment se construire avec ça ? Avec ce sentiment de non-importance ? Je n'ose pas lui dire, j'ai peur.

— Je suis désolé, lui dis-je sans le regarder dans les yeux. Je le suis sincèrement.

— Pourquoi l'es-tu papa ? Que veux-tu me cacher ? Que souhaites-tu ne pas me dire ?

— Ta génitrice je ne l'aimais pas, je ne l'ai jamais aimé, lui avoué-je la voix tremblante à cause de l'émotion.

Les souvenirs reviennent à moi et je déteste ça. Petit à petit je revois mon adolescence et ça me fait du mal. En l'espace d'un mois et demi je m'en suis plus rappelé quand dix-huit ans.

— Alors pourquoi ?

— Pourquoi quoi ? je le questionne.

— Pourquoi suis-je né ? Pourquoi suis-je en vie ? Je veux savoir papa, j'ai envie d'affronter le monde des adultes en sachant qui est la deuxième personne qui a participé à ma mise au monde. Je crois que j'en ai besoin.

— Tu ne m'en avais jamais parlé avant, je lui fais remarquer.

— J'avais peur de ta réaction et de la mienne, m'avoue mon fils. Mais maintenant je pense être assez grand pour comprendre alors il te plaît, dis-moi la vérité.

— Elle s'appelle Doriane et j'étais amoureux de son frère, laché-je à toute vitesse.

Mon fils me regarde en fronçant les sourcils sous l'incompréhension.

— J'allais tout chez lui, est la première personne dont je suis tombé amoureux. Mais j'avais des penchants qui m'ont amené dans l'ombre, des vices qui m'ont écartés de lui et je n'ai pas su gérer ça convenablement.

— Comment ça ?

J'inspire et expiré un grand coup avant de poursuivre. C'est maintenant que je dois lui avouer le plus dur à mes yeux. La pire partie de ma vie, celle qu'il ne connait pas. J'ai toujours voulu passer pour un bon père alors je n'ai jamais osé lui parler de ma propre expérience concernant les drogues.

— Je me drogais.

— Papa tout le monde prend de la drogue aux soirées ou de temps en temps. Ce n'est plus un secret.

Mon fils ne comprends pas, comment le pourrait-il si je ne lui explique pas ?

— Ce que je veux dire, c'est que j'étais accro à la drogue et c'est Doriane qui m'a amené sur cette pensée dangereuse. Théo, son frère, a essayé de aider mais je ne l'ai pas laissé faire. Je me complaisais dans mon addiction. J'avais l'impression d'être heureux. Seulement, tout était artificiel et quand il faut revenir à la réalité c'est dur.

Je sens mes larmes s'accumuler dans mes yeux, faisant écho à la tristesse de mon enfant. J'avais peur qu'il soit dégouté, qu'il ai pitié ou qu'il me regarde autrement. Et finalement, c'est une infinie tristesse que je lis dans son regard.

— Tu... Tu n'étais pas prévu Stevenson. Mais un jour où on c'était trop drogué, quelques mois avant que j'ai commencé, j'ai couché avec Doriane. Et tu en as été le résultat.

— Pourquoi m'avoir gardé ? me demande-t-il avec sincérité. Elle aurait pu avorté si vous ne me vouliez pas.

— On aurait pu, mais c'était trop tard. Elle a découvert après quatre mois qu'elle était enceinte. Et quand j'ai su qu'elle attendait un enfant, j'ai repris pied, j'ai compris qu'il te fallait un foyer stable, pas des parents comme nous. Nous ne méritions pas d'avoir un enfant, nous n'aurions pas été capable de nous en occuper. Comprenant cela, je suis allée voir tes grands-parents et je leur ai expliqué. J'avais honte de mon état, honte de moi, je lui avoue la voie tremblante, mais je devais m'en sortir pour toi. Je ne pouvais pas te laisser.

— Tu aurais pu continuer ta vie d'artifice papa, me contredit-il.

— Je rêvais d'être père. Peut-être pas à cet âge là, lui dis-je avec un sourire nostalgique en repensant au premier jour où je l'ai vu. Mais je savais que si je t'abandonnais je m'en voudrais. Je t'ai aimé dès le premier instant. Dès que j'ai posé les yeux sur toi j'ai su que j'avais fait le bon choix.

— Comment t'en-es-tu sorti ? me demande Steve sans une once de jugement.

— Mes parents m'ont emmené dans un centre de désintoxication. Là-bas je me suis concentré sur moi-même. Et malgré la difficulté à aller mieux, à arrêter les drogues et les addictions, j'ai gardé le moral et je me suis souvenu de mon objectif. Je devais te donner un bon exemple. Le même que mes parents m'ont donné.

— Et qu'est-il arrivé de Doriane ?

J'ose relever les yeux sur lui, comme si j'étais à mon procès et qu'il pouvait me bannir, me blâmer alors que ce que j'ai fait, je ne peux pas le changer mais j'ai tenté de m'améliorer. Il y a un mélange de tristesse, de peine et de compassion dans son regard. Je sens que mon fils ne me juge pas et j'aime ça.

Par contre, je ne sais pas ce qu'il est advenu de Doriane.

Le jeu perdantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant