31 - Dixième échange

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John

Deux minutes plus tard je lui réponds. Il fallait d'abord que je trie mes idées.

Moi - 22h00
J'ai parlé avec mon meilleur ami il y a quelques semaines.

Lui - 22h00
Ça a abouti à quelque chose ?

Moi - 22h01
Il a eu pitié je crois et je me suis senti mal.

Lui - 22h01
Pourquoi  ça ?

Moi - 22h01
Parler de moi me rends mal à l'aise et j'ai eu l'impression d'être vulnérable.
Même s'il s'agit de mon meilleur ami, qu'il est ma famille je ne peux m'empêcher de penser que tout ce que je dis pourra être une arme utilisé contre moi.

Lui - 22h02
Il t'aime non ?

Moi - 22h02
Autant que je l'aime sûrement.

Lui - 22h03
alors du moment que tu ne le blesse pas, que tu ne cherches pas la mouise tout ira bien. S'il fait partie de ta famille comme tu le dis, tu n'as rien à craindre de lui.

Moi - 22h03
J'aimerai être aussi optimiste mais j'ai toujours eu peur qu'on me plante un couteau dans le dos.

Lui - 22h03
As-tu déjà été blessé ?

Moi - 22h04
Non, je n'ai jamais été proche de personne d'autre que lui.
Parler et me sentir proche de toi me semble irréel.

Lui - 22h04
Pourtant nous passons des heures à discuter sans interruption, à nous confier, à nous partager des instants secrets de nos vies.

Moi - 22h04
Tu as raison.
Mais j'ai peur.
Alors je l'ai fuit.

Lui - 22h05
Attends...
Quoi ?

Moi - 22h05
Je n'ose pas affronter son regard.

Lui - 22h05
Pourquoi ça ? Il ne te juge pas.

Moi - 22h05
Je sais.

Lui - 22h06
Appelle-le.
Je sais que tu n'as aucun argument.
Prend ton téléphone et contacte-le.

Moi - 22h06
D'accord.

Lui - 22h06
Pour de vrai ?

Moi - 22h06
Oui, pour de vrai.
Je te le promets.

Lui - 22h07
Tu verras, tu te sentiras mieux avec lui à tes côtés.
Je ne sais pas ce qui est en train de se passer chez toi, mais sache qu'avoir un soutient est essentiel à notre évolution.
Il te faut un ami pour t'accompagner vers la lumière.

Moi - 22h08
Merci.

Lui - 22h09
J'espère sincèrement que tu iras mieux.

Moi - 22h09
Moi aussi.

Nous continuons de parler avec un peu plus de légèreté. J'apprends de nouvelles choses le concernant et inversement. J'aime discuter avec lui, lui raconter ma vie et qu'il en fasse de même. J'aime écrire des messages pour rien dire et passer ma nuit a attendre un message de sa part. J'aime la sensations qui me pincent le coeur quand au bout de vingt-quatre heures il ne m'a toujours pas répondu. J'aime les papillons qui s'invitent dans mon ventre quand je lui parle. J'aime le sourire qui s'impose sur mon visage. J'aime la façon dont je me sens dès que je repense à nos discussions. J'aime tout ce qui le concerne au final.

Je crois bien que je suis foutu.

Sur et certain que je suis amoureux de cet homme dont je ne connais ni le prénom ni le physique.

Désormais, je pense que j'ai envie de le connaître en vrai.

Me plairait-il ? M'attirerait-il ? Moi qui n'ai jamais connu ça ?

Je m'endors sans répondre à Steve, j'attendrai demain d'avoir les idées plus claires.

‡ ‡ ‡

Je déteste les week-end. Surtout ceux de décembre. Il fait froid et humide. La caravane n'est pas assez isolée ni même chauffée pour que l'on puisse y vivre décemment à cette période de l'année. 

Alors que je tourne en rond en ce début de journée, je reçois un nouveau message de Steve, il me demande de me bouger, de façon beaucoup moins polie, et d'aller chez lui. Après avoir soufflé, enfilé des habits plus présentable que mes survêtements troués et enfilés des baskets, je sors de chez moi. Le froid me mord les joues, mon nez se glace tout comme mes oreilles mais je n'ai rien pour me couvrir d'avantage. La seule veste à ma disposition est en jean et malgré que je la porte, elle ne me sert pas à grand chose.

Après un quart d'heures de marche, j'arrive enfin chez Steve. Comme d'habitude je rentre chez lui sans sonner, je ne m'en donne même plus la peine. C'est sur son père que je tombe en premier.

— Tu ne fais plus le mort ? me demande-t-il en guise de salutation.

— Bonjour à toi aussi.

— Vas rejoindre Steve, il est a l'étage et il a besoin de toi.

Je hoche la tête et pars à l'étage, son regard me dissuadant de protester ou de simplement m'expliquer.

Je rentre dans sa chambre et le trouve roulé en boule dans son lit. Il est recroquevillé autour de sa peluche. Je m'approche de lui et l'enlace en le redressant pour le coller contre moi. Alors que ses larmes coulent, que ses yeux sont rougis et que son corps tremble, je le serre encore plus fort dans mes bras jusqu'à ce qu'il fasse de même.

— Je suis désolé, je chuchote dans ses cheveux. Je n'ai pas été là.

Il s'accroche à moi comme à un rocher, je sens ses mains empoigner mes habits comme si c'étaient des bouées. J'ai mal au cœur en le voyant dans cet état mais je ne peux rien faire. Je n'ai aucun pouvoir sur ce qu'il ressent, surtout que je ne connais pas la raison de son malheur. Je le garde collé contre-moi jusqu'à ce qu'il relève la tête et essuie ses larmes.

— J'avais besoin de toi, me reproche-t-il la voix chevrotante. Où étais-tu ? J'avais besoin de toi !

— Je suis désolé, je ne pouvais pas.

— Parce que faire le mort c'est mieux ? Je me suis inquiété ! crie-t-il.

J'ai un mouvement de recul en entendant sa voie monter dans les graves, mon corps se recroqueville d'instinct. Je n'ai jamais été battu, mais les hurlement m'ont toujours fait peur. Dès que quelqu'un hausse un peu trop le ton, je me sens vulnérable et agressé.

— Je veux juste être sûr que tu vas bien, lui dis-je avec douceur. Je veux comprendre ce qu'il se passe.

— Si tu avais pris la peine de lire mes messages tu saurais.

Je tends une main vers lui pour lui prouver que je suis là malgré tout. Je veux qu'il comprenne que je ne l'abandonnerai pas, jamais.

— C'est à propos de ta génitrice ? je lui demande après une hésitation.

Il hoche la tête et me regarde avec tristesse.

— Elle est morte, m'annonce-t-il de but en blanc.

— Tu ne l'as jamais connu, pourquoi est-ce que ça te met dans cet état ?

— Je ne sais pas, m'avoue-t-il. Je crois qu'il fallait que ça sorte un jour où l'autre.

— Je pense que tu avais surtout besoin de réponse, lui dis-j en lui serrant les mains. Tu veux m'en parler ?

— Elle s'appelait Doriane, Doriane Suaz.

Bordel de...

Ça voudrait dire que...

Non, je ne peux pas finir cette phrase.

Je ne veux pas que ce soit réel, ça ne peut pas être vrai.

Bordel de merde.

Le jeu perdantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant