16 - Dépendance

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John

Quand je me réveille je suis sur le canapé du salon entouré d'un plaid chez Steve. Je me frotte les yeux et les ouvrent péniblement. J'entends mon meilleur ami et son père parler dans la cuisine. Je n'essaye même pas d'écouter ce qu'ils se disent, à la place je me redresse et me dirige vers eux dans l'espoir de trouver un truc à manger. Je crève de faim.

Quand j'arrive à leur hauteur ils arrêtent leur discussion.

- Tu va bien ? s'enquiert Steve.

- Oui, ça va un peu mieux. Merci Gaëtan, ça faisait longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi.

- Ce n'est rien. Je t'ai préparé des tartines si tu veux.

Il m'invite à m'assoir autour du bar et malgré la reconnaissance que je lui porte en ce moment je trouve son comportement étrange. Voyant que personne ne parle je décide de manger. D'abord je me nourris et ensuite je verrais pour les explications. Je croque dans ma première tartine et je souris. Que ça fait du bien de manger du vrai pain avec du formage et du miel. C'est exactement ce que j'aime.

- Merci, dis-je alors que je fini mon repas.

- Steve va t'accompagner dans sa chambre. Comme ça tu pourras te doucher et t'habiller un peu mieux.

Je hoche la tête et me dirige vers la pièce que je connais le mieux dans cette maison, mon meilleur ami à mes côtés.

Une fois dans sa chambre il s'assoit sur son lit et me tend une serviette et des habits.

- J'ai choisi pour toi. Je me suis dis que sweat à capuche et jogging feraient parfaitement l'affaire aujourd'hui.

- Merci.

Je disparais dans la salle de bain et en ressors quelques minutes plus tard. Je ne prends jamais beaucoup de temps sous la douche. Je rejoins Steve dans sa chambre et me place en tailleur face à lui. Je lis l'inquiétude dans ses yeux.

- Je suis désolé.

- Tu n'as pas à l'être, me contredit-il. Ce n'est pas de ta faute si je n'ai pas vu que tu allais mal et pourtant je le savais. J'ai toujours su qu'il y avait un problème chez toi, qu'un truc ne tournait pas rond puisque je n'ai jamais vu tes parents ni ta maison. Enfin si, avant tes parents venaient aux réunions scolaires.

C'était en primaire et il s'agissait de mon parrain et de sa compagne. Maintenant qu'ils ont quittés la région c'est plus compliqué de faire croire que mes parents s'intéressent à mon éducation. Mais je ne le coupe pas.

- Je ne pensais pas que c'était aussi grave.

- Comment ça ? je lui demande ne comprenant pas son ton de résignation.

- Tu te drogues John.

Je cligne plusieurs fois des yeux comme si ce que je venais d'entendre allait disparaître.

- Tu plaisantes j'espère ? je le questionne en riant nerveusement.

- Non, je suis très sérieux.

- Parce que tu penses que si je me droguais je serais capable d'aligner deux mots, de marcher droit et d'avoir les pupilles non dilatés ? Tu penses que je ne colmaterai pas sur un canapé ou je ne sais pas trop quoi ? Tu penses sérieusement que je serais assez stupide pour aller à pied jusqu'au lycée alors que je pourrais me faire virer ? commencé-je à m'emporter.

- Dis comme ça...

- Ecoute Stevy je ne me drogue pas et je ne suis pas alcoolique, lui dis-je avec honnêteté. Je n'ai pas d'addiction ou autre à part apprendre tous les trucs sur la physique au lieu des maths mais c'est un autre sujet.

- Je te crois, finit-il par affirmer.

- J'espère bien.

- Tu veux bien m'expliquer ce qu'il se passe alors ? Parce que mon père est dans tous ses états. Je te jure je l'ai jamais vu autant paniqué.

Je ne peux plus lui taire ma vie mais je compte bien gagner du temps.

- Ecoute je te promets que je vais t'en parler mais pas comme ça, pas maintenant. Mais je vais aller parler à ton père et tenter de le clamer, je lui promets. Je vais faire en sorte qu'il arrête de se ronger le frein.

Je vois bien qu'il ne veut rien entendre d'autres que la vérité, seulement je ne suis pas disposé à la lui donner.

- Il va te poser plein de question, je compte sur toi pour le rassurer. Mon père je ne l'ai jamais vu faiblir John, il a toujours été fort alors s'il te plaît ne fait pas de la merde avec lui.

- Je te le promets.

Je me rapproche de lui, le prend dans mes bras et lui murmure à l'oreille :

- Je t'aime.

- Moi aussi.

Il me serre un peu plus fort puis me relâche.

- Tu es mon frère, mais là il s'agit aussi de mon père, me dit-il en posant sa main sur mon épaule.

- Je sais. Ne t'inquiète pas je vais essayer de calmer son inquiétude. Je ne sais pas ce qu'il se passe surtout que c'est à propos de moi... mais je vais essayer.

- Merci.

Je lui fais un bisou sur le front, récupère mon portable et redescends dans la cuisine.

- Steve m'a dit que tu voulais me parler, annoncé-je à Gaëtan en m'accoudant au bar à mon tour.

- Oui, je suis vraiment inquiet pour toi.

- Il n'y a pas à sans faire. C'était un cas isolé, ça ira mieux, lui si-je espérant calmer son anxiété.

- Tu ne comprends pas, je veux te sortir de là.

- De quoi tu parles ? je le questionne.

- De l'alcool. Je ne peux pas te laisser tomber dans ce cercle.

- Je n'ai aucun problème avec ça Gaëtan. Je te promets, je vais bien.

- Je sais que c'est difficile d'en parler mais je peux te comprendre, m'avoue-t-il. Je sais ce que tu traverses.

Je pose ma main sur la sienne qui ne fait que tapoter sur le bar.

- Ecoute, je ne sais pas de quoi tu me parles mais il ne s'agit pas de moi. Je ne bois jamais ou alors rarement, et je ne fume pas ou autre. Tu n'as pas à t'inquiéter pour moi.

- J'ai été addict et dépendant pendant des années, c'est pour ça que je me fais un sang d'encre, me confie le père de Steve.

- Je suis désolé de t'avoir fait paniquer, je m'en veux vraiment. Je voulais juste des habits, lui dis-je d'une petite voix.

- Sache que si tu as besoin je suis là.

Je ne sais pas pourquoi, mais à l'entente de ses mots mon cœur devient léger comme si un poids venait de s'enlever de mes épaules. Je peux enfin compter sur un adulte responsable - ce qui ne met pas arrivé depuis des années.

- Merci.

- Ce n'est rien.

Il me sourit avec une tendresse rare et je sais que c'est peut-être la seule fois qu'il le fait mais je me sens bien. J'apprécie qu'il pose ces yeux-là sur moi.
Il n'a pas le regard d'un père, mais celui d'un homme à un homme. Un respect mélangé à une affection que je suis content de voir dans son regard.

Le jeu perdantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant