3 - Détester

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John

Je fixe le père de Steve sans cligner des yeux. Merde. A quel moment un père qui a plus de trente ans peut être si sexy ? C'est impossible. Sa tenue est exactement la même que celle de son fils. Déjà que sur ce dernier la tenue est à la limite de l'indécence, lui est carrément hors jeu. J'avais raison, tout le monde lui sautera dessus s'il sort en boîte.

Je sens un souffle effleurer mon oreille :

— Tu vas baver, me charrie Steve.

Je lui lance un regard noir espérant qu'il n'en rajoute pas.

— Ok, j'ai compris, murmure-t-il. Papa ! dit-il plus fort. Viens dire bonjour.

Je lève les yeux au ciel, je le déteste.

— Salut Charly, comment vas-tu ?

Je souffle d'exaspération. Il adore m'appeler Charly, c'est son passe-temps favoris. En tant que père de mon meilleur ami il a vite été au courant de mon second prénom. Des années que ça dure. Surtout depuis que nous avons fait notre rentrée au lycée avec Steve. Je ne sais pas pourquoi ça l'amuse autant ni pourquoi il continu de l'utiliser, mais je ne relève plus. Ça ne sert à rien à part le faire sourire. Résultat : il se fou de moi. Comme s'il savait quelque chose qui m'échappe et je n'apprécie pas vraiment ça.

— Très bien et toi Francis ?

Ce n'est pas son prénom, pas du tout même mais chaque fois je lui trouve un prénom pire que le précédent et j'aime mon comportement infantile et puérile. Ça me détend de me moquer de quelqu'un, surtout quand dil s'agit du père de Steve. Je ne sais pas pourquoi on ne peut pas se voir mais c'est de pire en pire alors nos moqueries nous permette de garder la face devant Steve. Enfin... j'imagine que c'est la raison de nos échanges mi amusant, mi insultant.

— Très bien merci petit.

Argh, je vais le buter.

Voyant que je suis sur le point de renchérir, Steve prend la parole :

— Finalement tu ferais mieux d'y aller papa, les invités ne vont pas tarder à arriver.

— J'ai compris, je vous laisse les poussins, déclare son père avec douceur en enlaçant brièvement Steve. Faites attention à vous, on ne sait jamais.

— Nous avons peu de chance d'être drogué, rétorque mon meilleur ami. Se sont surtout les filles qui doivent faire attention, elles encourent le plus de risque. Dans tous les cas, je connais chaque personne présente papa, pas la peine de t'inquiéter.

— Femmes ou pas, prenez soin de vous. De toute façon, vous ressemblez à des filles, nous nargue-t-il.

— Papa ! s'exaspère son fils. Pars, va rejoindre les gens de ton âge dans le club de l'un deux.

— « L'un d'eux », comme tu dis, est Pitt et ce n'est pas un club, juste une boîte où des gens s'amusent, répond-il en appuyant ses propos en me fixant du regard.

Sous-entendu : je n'ai rien de drôle.

— Tu as fini ? Tu devrais déjà être loin, le presse mon ami.

— C'est bon je m'en vais, bisous mon grand.

Il enlace une nouvelle fois son fils avant de tendre la main vers moi et de m'ébouriffer les cheveux que j'ai eu tant de mal à coiffer.

— Au revoir Charly.

Je le hais.

Son père sort enfin de la maison et je me remets enfin à respirer naturellement. Trop d'émotions.

— Mon père dans toute sa splendeur, déclare Steve d'un ton théâtrale.

— Je le connais à force, répliqué-je en lui prenant la main pour l'emmener à l'intérieur du salon.

Nous entrons enfin dans la pièce et je vois qu'il n'y prête pas attention, qu'il est préoccupé par autre chose et je me sens tout de suite triste. J'étais tellement impatient qu'il découvre la décoration. Très peu de chose dites « biens » me procurent de la joie, j'espérais qu'il s'émerveillerait.

— Je n'ai jamais compris pourquoi vous vous détestiez, m'annonce-t-il de but en blanc comme si nous n'en avions jamais parler.

A bien y réfléchir je crois que c'est le cas. Je ne lui ai jamais dit que c'était tendu entre son père et moi et je crois très bien savoir pourquoi. Je ne me suis jamais sentie à ma place chez moi, si on peut appeler ça un foyer... Steve est ma famille et je ne veux pas que ma relation avec son paternel affecte celle que j'ai avec lui. Je sais que ça peu paraître étrange et disproportionné, mais pour certains, l'avis de leurs parents est bien plus important que le leur. Alors j'ai peur de le perdre.

— A vrai dire moi non plus, lui réponds-je avec honnêteté. C'est arrivé petit à petit puis il y a trois ans ça a commencé à être plus tendu, je lui avoue. Moi-même je ne le comprends pas vraiment mais j'ai arrêté de chercher. Ton père peut être une vraie énigme quand il s'y met.

— Je crois qu'il se projette en toi, me confie Steve à son tour.

— Comment ça ? je lui demande intrigué.

— Il était comme toi quand il était jeune, il m'en a parlé plusieurs fois. Il avait peur du monde et de l'impact de chaque être humain sur sa vie. Il ne voulait tisser aucun lien, ne pas se confier ou juste parler avec des gens. Il avait la frousse que chaque mot prononcé soit retourné contre-lui...

— Je ne suis pas comme ça, je le coupe en le contredisant.

— Tu es exactement comme ça Johnson. Tu gardes tout pour toi et tu imploses. Je te connais mieux que quiconque et je suis persuadé que ça ne changera jamais. Tu n'oses pas parler, tu te caches derrière l'humour et la haine. Tu prends les vices comme tes amis pour te protéger de ceux qui pourraient l'être réellement. Tu es exactement comme lui à son âge, de ce qu'il m'a dit en tout cas.

— Il me déteste, ne cherche pas d'explication.

— Il déteste celui qu'il a été, c'est ça la vérité. Il n'aime pas repenser au garçon rempli de haine qui a fait du mal autour de lui.  C'est l'image que tu renvoies qu'il ne supporte pas.

Des larmes s'invitent aux coins de mes yeux. Je me sens mal tout à coup... Fautif même. Pourtant je ne peux pas me reprocher d'être qui je suis. Je le dois à ma mère... A cette personne qui était censé m'élever dans l'amour et la bienveillance comme chaque parent mais qui ne l'a pas fait... Cette personne que je hais autant que je l'aime.

Steve me prends dans ses bras voyant mes yeux humides et comprenant que sous peu je ne pourrais plus prononcer un mot.

— Merci Johnson, me dit-il, j'entends son sourire dans sa voix. C'est magnifique, tu as métamorphosé la pièce.

— Avec plaisir, je murmure en souriant à mon tour.

Je ravale la détresse que je ressens, et je laisse mon meilleur ami guider mes pas.

- - -

On en apprend un peu plus sur les protagonistes. Qui est réellement John, que cache-t-il ? Le père a-t-il une importance dans l'histoire ? Comment définir le si parfait Steve ?
A vos idées, à vos impressions et à vos avis sur ce chapitre.
Bisous <3

Le jeu perdantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant