33 - Révélation

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John

— Attend... Tu es amoureux ? me redemande mon ami.

— Oui, je viens de te le dire.

— D'un homme ?

— Oui, je réponds avec hésitation.

— Qui a deux fois ton âge ?

— Presque, mais oui.

— Comment ? me questionne-t-il.

— Je ne sais pas. Pascal te le confirmera.

— Qui ?

— Le philosophe qui a écrit « Le coeur à ses raisons que la raison ne connaît point.».

— Ne me fait pas des devinettes alors que j'essaye de comprendre ce qu'il se passe en toi, me reprend-il.

— Excuse-moi, mais je suis déjà assez perturbé comme ça pour que tu me fasses un interrogatoire en plus.

— Tu as raison. Qu'est-ce qui te plaît chez lui ?

— Tout serait une bonne réponse j'imagine, lui dis-je un sourire niais s'invitant sur mes lèvres.

— C'est étrange de te voir comme ça, déclare Steve.

— Ah bon ? m'étonné-je.

— Tu sembles heureux. Rien est forcé dans tes émotions et c'est rare. Souvent tu essaies de donner plus que ce dont tu es capable mais pas aujourd'hui.

Je comprends ce qu'il me dit. Quand nous sommes au lycée je donne le change la plupart du temps et chez lui, en présence de son père je fais de même. Mais quand je me retrouve seul avec lui je suis différent, et encore plus en cet instant. Je sens les traits de mon visage adoucir et mon corps de détendre. Je suis dans un sentiment de béatitude qui me surprends mais j'aime bien.

— Alors ?

— J'aime qu'il me confie sa vie, qu'il me raconte ses journées, ses embrouilles, qu'il me parle de lui, de ses plats préférés et tellement d'autres choses. J'apprécie lui parler de ma vie aussi, lui dire ce que j'aime faire et ce que je fais dans mes journées. J'aime cette communication, cette découverte. Tout ça me plaît d'avantage que je ne l'aurais cru, je lui avoue mes yeux toujours rivés à mes mains.

— Il n'y a aucun doute.

— Sur ?

— Tu es vraiment amoureux de ce type, constate-t-il. Tu vas faire comment ? Imagine il n'existe pas ?

Pourquoi s'imagine-t-il toujours les pires scénarios ?

— Ne me regarde pas comme ça John, je m'inquiète juste pour toi. Ce n'est pas tous les jours que tu t'attaches à une personne.

— Je sais. Je voulais juste que tu le saches.

— Tu ne sais pas qui il est ? revient à la charge mon meilleur ami.

Je ne peux pas lui dire qu'il s'agit de son père. Je ne suis pas près pour affronter son regard et tout ce qu'il s'y cache. Et quand bien même, qu'est-ce que ça nous apportera ? Rien. Je ne compte pas sortir avec Gaëtan et devenir le beau-père de celui que je considère comme mon frère. Je ne veux pas avoir une famille aussi bizarre que ça. Je serai capable de nier mes sentiments et tout ce qui s'en rapproche poiur ne jamais perdre ce que je partage avec Steve. Je pense que je mérite d'être heureux, et si, pour ça, je fois sacrifier l'amour que je porte à quelqu'un au profit de mon meilleur ami, je le ferai. Je préfère avoir toute ma vie à mes côtés, que d'avoir un peux durant quelques années qui finira par partir.

Je secoue la tête pour répondre à sa question.

— J'espère pour toi qu'il est quelqu'un de bien et qu'il ne te fera pas de mal, déclare mon meilleur ami avec un air protecteur.

— Ne t'en fais pas pour moi, le rassuré-je. Je suis un grand garçon.

Il se lève de sa chaise, s'approche de moi et m'enlace. Je lui rends son étreinte en collant ma tête contre son torse. Je me sens bien dans ses bras. J'ai l'impression d'être invincible.

— Je vais t'aider, chuchoté-je. Je vais faire en sorte d'apprendre qu'elle genre de personne a été ta génitrice.

— Merci John.

‡ ‡ ‡

Plus tard dans la journée, nous nous retrouvons en bas avec Gaëtan. Ce dernier n'a pas voulu que je rentre chez moi, il veut que je reste pour son fils. Gaëtan pense que je suis le seul à pouvoir le faire sourire en ce moment, alors j'ai décidé de ne contrarier personne et d'arrêter de prendre la fuite.

Assis les uns à côtés des autres sur le canapé, nous mangeons des chips, des cacahuètes, des mini-pizza et tant d'autres choses en buvant des bières et en parlant. Gaëtan nous raconte quel genre élève il était à l'école et comment il en est venu à être professeur de mathématiques. Steve quand à lui parle de sa copine, de ses amis qui sont aussi les miens sur le papier et de sa nouvelle passion pour les séries télévisées, lui qui ne jurait que par les films. Quand à moi, je n'ai pas grand chose à dire mais je fais l'effort de parler de quelque chose que j'aime faire : le skateboard. Je n'ai pas de planche qui m'appartient, j'en pique toujours une à mes amis. Mais quand je monte dessus, je me sens libre.

Alors que les heures passent, Steve prend la parole pour dévier la conversation :

— Papa, tu savais que John était en capacité d'aimer ?

Je me ratatine sur mon fauteuil alors que les battements frénétiques de mon coeur me font comprendre que je suis foutu. Que Gaëtan m'attire irrémédiablement et que ça me fait peur. L'angoisse me sert le ventre tandis que je me refais nos conversations dans la tête. Si son fils lui parle de téléphone portable ou de SMS, il saura que c'est moi. Il y a assez d'indices pour le savoir. De la même manière que j'ai découvert que c'était lui.

— Non, répond son père avec un petit sourire amusé. Je ne savais pas que tu pouvais ressentir quelque chose, me taquine-t-il.

— Tu es si drôle, ne puis-je m'empêcher de répliquer. Ça m'avait tellement manqué.

Un truc change dans son regard et dans sa façon de me voir également. Un déclic sûrement. Je ne sais pas ce qu'il se passe exactement mais je sens que ses yeux ne sont plus un poids sur moi. Une tendresse s'en dégage. On se fixe et un silence s'installe. On se défi mais aucun de nous ne reprend la parole.

Après quelques minutes, c'est John qui comble le silence :

— Tu sais où il l'a rencontré ?

Gaëtan secoue la tête sans me lâcher du regard à croire qu'il a peur que je ne m'évapore.

Avant que mon meilleur ami n'ai eu le temps de parler, je le fais à sa place :

— Steve, ça ne le regarde pas.

— Il a raison, acquiesce son père. De toute façon, il faut que j'aille dormir. Reposez-vous bien.

Il récupère son verre et certains plats vides avant de s'éclipser.

Alors que je fini de tout débarrasser, je regarde Steve affalé dans le canapé, le sommeil ayant eu raison de lui, je reçois un message.

Lui - 01:34
Je crois que je t'aime bien.

Je ne lui réponds pas, je n'ose pas, même si c'est réciproque.

Le jeu perdantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant