Il se tenait devant la fenêtre fermée de la chambre dans laquelle il passait la majorité de son temps par choix, plus que par obligation.
Il savait qu'il pouvait se déplacer sur une grande partie du domaine, pourtant tout le ramenait ici, dans cette pièce qui l'avait vu grandir, qui avait connu ses rires d'enfant, mais aussi ses pleurs et son désespoir d'homme.
Il savait que les années avaient défilé à l'extérieur de son domaine, même s'il pouvait difficilement le quantifier.
Sa perception du temps était différente dorénavant, il ne sentait plus le poids des jours qui défilaient, il errait juste, observant le monde comme le spectateur d'une pièce de théâtre qui se jouait sous ses yeux.
Il avait vu les gens naître, vivre et mourir en ces murs, sans jamais pouvoir interférer avec eux, présence fantomatique dont ils n'avaient aucune conscience, compagnon de vie dont ils ignoraient l'existence.
Les miroirs ne croisaient plus son reflet, la lumière lui avait volé son ombre.
Il en était ainsi depuis son réveil ce matin-là, près de la statue qui l'avait vu mourir. Il n'avait pas compris de suite pourquoi il voyait son corps se balancer au bout d'une corde, le visage bleuté, déformé par la tristesse et pourtant étonnamment serein.
Il était resté prostré des heures, peut-être même des jours, jusqu'à comprendre qu'il avait voulu partir, mais que quelque chose de lui était resté attaché à ses terres, lui refusant à jamais le repos éternel qu'il avait appelé de tous ses vœux.
Il avait vécu une longue errance, faite de questions sans réponse, portant en lui le poids de la culpabilité de ses erreurs, de ses choix, de sa vie.
Puis il avait accepté sa condition d'âme errante, à jamais condamné à ne plus ressentir la chaleur d'un regard sur lui, la douceur d'une caresse, l'ivresse d'un baiser.
Telle était sa punition pour ne pas l'avoir sauvé, et l'éternité était sa pénitence.
Jusqu'à son arrivée...
Debout, les mains croisées dans le dos, il suivit du regard les phares du véhicule qui s'approchait lentement de la maison.
Un sourire étira ses lèvres diaphanes quand il le vit descendre de la voiture pour entrer dans la maison.
Il serait bientôt là...
Comme si la mort lui avait donné un sursaut de vie, les choses avaient commencé à changer quelques jours avant son arrivée. Il y avait d'abord eu ce chat, qui se postait devant lui dans une totale immobilité, comme s'il pouvait distinguer sa présence.
Il lui avait murmuré un vieux poème dont il se souvenait encore, se sentant idiot de chercher l'attention du félin, et à sa plus grande surprise, avait vu ses petites oreilles s'agiter comme s'il captait le son de sa voix, alors que lui-même n'en connaissait plus le timbre.
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ℝ𝕚𝕧𝕖𝕣 𝕊𝕒𝕟𝕕
FanfictionLa Louisiane est connue pour son histoire, mais aussi pour ses fantômes. Cette terre de mystères a bâti ses murs sur les ruines d'une civilisation aujourd'hui disparue, mais aussi, sur les mares de sang qui y ont été versées au cours des différentes...