2. Paroles toxiques

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(TW: TCA)

PDV d'Isis Moretti







Mon crayon en main, je noircissais le papier blanc de mon carnet, dessinant des formes aléatoires qui reflétaient bien le bordel qu'organisait mon cerveau.

Mes écouteurs enfoncés dans les oreilles, mes pensées s'entrechoquaient dans mon esprit tourmenté en rythme avec la musique.

Les paroles crues de ma mère tournaient encore dans ma tête, continuant de me hanter, en me montrant à quel point elle regrettait que je sois née.

Quand j'y repensais, ce n'était qu'à partir de mon entrée au collège qu'elle avait commencé à se désintéresser complètement de ma personne, car c'était à cette période qu'on avait appris que Stella était HPI.

Seul mon père avait gardé sa bienveillance et son attention pour moi, ce qui détonnait du comportement orgueilleux et prétentieux de ma mère, qui se ventait de Stella comme si elle était l'une des sept merveilles du monde.

Je n'avais jamais été intéressée par l'école, je trouvai ce lieu terne et terriblement risible. Restée assise sur une chaise à écouter un professeur déblatérer des inepties durant la quasi-totalité d'une journée, était pour moi un réel calvaire, contrairement à ma petite sœur qui adorait apprendre.

Je préférai largement gribouiller des dessins en tout genre dans mes cahiers ou mettre à plat mes pensées plutôt que faire le travail qu'on me demandait.

Ma mère me sermonnait déjà pour mes notes, et le fait que je dessinais au lieu de faire mes devoirs, me ramenant toujours irrémédiablement à l'intelligence et l'inflexibilité de Stella, qui malgré nos quatre ans d'écart, me dépassait déjà sur tous les tableaux.

Dans ces moments là, mon père était ma bouée de sauvetage, celle qui me sauvait inéluctablement de la noyade. Il était le seul à me soutenir dans ma passion et à croire en moi, tenant tête à ma mère et aux tonnes de remontrances qu'elle me lançait.

Parfois je me demandais comment j'avais fait pour ne rien voir venir. Il avait arrêté sa vie si brusquement, me laissant pour seule explication, une lettre.

Sa lettre.

Sa disparition m'avait propulsée dans un gouffre sans fond, lui qui avait toujours été mon unique allié contre les vices de ma mère, il m'avait abandonnée avec son venin.

Ma descente aux enfers s'était faite si brutalement que je ne me souvenais même plus de comment elle était arrivée.

En réalité, seuls ses mots me contenaient en vie, car si ce n'avait été que moi, je me serai foutue en l'air depuis longtemps.

Mais je tenais, pour lui.

Même si pour le moment je ne faisais qu'encaisser. J'avais espoir qu'un jour, qu'un jour peut-être mon quotidien terne et morose retrouverait ses couleurs.

J'attendais de pouvoir enfin revoir la vie en couleur et plus en noir et blanc.

Mais cette pensée s'estompa rapidement de mon esprit lorsque mes yeux se posèrent sur l'écran de mon téléphone qui affichait désormais dix-huit heures.

Déjà.

Je soupirai, et lançai un dernier regard à la double page couverte de dessins incohérents qui se ressemblaient tous plus ou moins. Je refermai mon carnet, emprisonnant encore une fois mes sombres élucubrations entre les fines feuilles de papier.

Je fourrai ce bouquin dans mon sac, et descendais du muret où j'étais assise, avant de reprendre le chemin en sens inverse, me ramenant vers l'endroit que j'exécrai le plus.

L'ange déchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant