Vivre son Printemps [Romance - amour interdit]

Le passé frappe à la porte

Les lumières de la ville défilent à travers la fenêtre du véhicule, se reflétant dans les yeux pensifs de Mr Kiritani. À ses côtés Marc ne dit rien, il trouve son camarade étrangement calme après cet excès de colère.

-J'ai rêvé ou j'ai cassé la gueule d'un de mes élèves ? Dit-il sur un ton qui se veut cynique.

-Je crois qu'ils ne t'ont pas reconnu, heureusement. C'est que tu es vraiment méconnaissable en fait. Marc le regarde du coin de l'œil.

-Je m'étais promis de ne plus boire... Murmure Kiritani la tête encore lourde.

-Ce n'est pas grave. La prochaine fois je veillerais au grain avec toi. Je comprends que tu ne veuilles pas boire. J'ai remarqué que les Asiatiques sont très vite éméchés, mais en retour vous n'avez quasiment jamais la gueule de bois ! Veinards ! Marc se claque la cuisse en souriant.

Kiritani ne dit rien, son regard se perd dans le décor de la ville, il se sent nauséeux.

-Je n'aime pas perdre mon sang-froid comme ça... Finit-il par dire. Mais elle... ne voulait pas...

-Pas la peine de te justifier mon ami, même si c'était dans l'excès tu as réagi comme un vrai prince charmant ! Marc préfère en rire. Et je ne veux pas abuser de ton état d'ébriété pour te faire parler mais, j'ai remarqué que tu lui portais beaucoup d'attention...

Marc laissa sa remarque en suspension et le toise du regard à la recherche d'une réaction. Et ça ne tarde pas : ses yeux roulent vers lui et le fixent avec froideur avant de s'attendrir. Il soupire.

- Je ne sais pas ce qui se passe chez moi en ce moment. Mais j'ai envie de l'aider oui. Plus que n'importe qui d'autre... ça n'a pas de sens. C'est malaisant n'est-ce pas ? Je suis pathétique. Je ne la connais pas, et c'est mon élève.

La mine dépitée de Kiritani est une première pour Marc. L'alcool délie les langues, le fait d'être seul à seul aussi surement. Le Français le trouve touchant et lui tapote l'épaule.

- Eh bien, à quel moment tu as décidé d'en apprendre plus sur elle pour que cela ne soit plus malaisant ?

Mr Kiritani le regarde, l'air perdu. Marc devine qu'il a en face de lui un asocial accomplit et en sourit, amusé. Son premier jugement dans l'izakaya était le bon : voilà un homme qui est passé de bébé à adulte sans passer suffisamment de temps dans les cases enfance et adolescence.

-Comment tu as su pour le harcèlement dans les toilettes ?

-Je l'ai vécu.

Le jeune homme détourne la tête pour regarder à nouveau le paysage défiler. Marc n'ajoute rien et prend un air désolé.

Le dimanche, Yumi reçoit un appel chez elle. Sato, la voix gênée, s'excuse platement pour son comportement. Ses dents lui font un mal de chien : suite à l'incident de samedi, il a vu un dentiste qui lui en a retiré une de cassée et prescrit du tramadol, ainsi que du repos. Résultat, il lui annonce qu'il ne peut pas aller en cours. Yumi sera seule lundi. Elle l'excuse rapidement, et raccroche froidement. La jeune femme ne sait pas quoi penser de cette soirée, et par instinct prend de la distance avec son ami. Pour penser à autre chose, elle passe sa matinée à dessiner, profitant de l'absence de sa mère pour ne rien faire d'autre que ce qu'elle aime.

Mr Kiritani quitte son appartement dans l'après-midi pour prendre l'air. Il fait beau et les températures sont clémentes. Jogging, baskets, décoiffé, lunettes sur le nez : il n'a pas envie de s'embêter à enfiler ses lentilles de contact pour si peu. Une visite à la librairie de quartier lui semble être une bonne idée. Il y trouve le rayon sur l'éducation, avec les dernières nouveautés en termes de pédagogie. Il les feuillette, et en choisit un : "les mathématiques pour les nuls". En se rendant à la caisse, il passe devant un rayonnage aux couvertures colorées. Il tourne la tête et réalise qu'il se trouve dans le rayon Mangas. L'envie d'en prendre un le saisit, mais lequel ? Il n'y connaît rien, alors il cherche une illustratrice dont Yumi lui avait parlé dans le bus, mais il y a beaucoup trop de mangas sous son nez.