De petits flocons cotonneux immaculés tombent du ciel. Le froid caresse ses jambes serrées contre le véhicule. Le moteur chaud tressaute sous elle dans de doux vrombissements. Dans la nuit Tokyoïte la moto noire glisse sur la route à vive allure. Les sensations procurées par la conduite de Hei lui ont manqué. Vitesse, précision, fluidité, et la chaleur de son dos contre lequel elle est blottie.
Yumi ignore où il l'emmène, mais ne s'en inquiète pas. Lui fait-elle confiance aveuglément ? Peut-être, mais elle a appris à dire "non" grâce à lui, et sait qu'il respecte ses choix. Si elle veut rentrer, il lui suffit de le dire.
Le conducteur s'arrête au Kasaï Rinkai, un parc donnant sur la grande baie de la ville, ouvert nuit et jour il est connu pour sa grande roue et son île artificielle. Hei gare la moto, range les casques dans le coffre sous le siège et invite sans un mot Yumi à le suivre. Devant un stand, il commande deux chocolats chauds. Comme a son habitide Hei n'est pas un grand bavard, mais ses petites attentions parlent pour lui.
-ça fait longtemps que je voulais passer du temps avec toi, hors du lycée.
Murmure presque le jeune professeur en marchant vers le panorama du parc.
-ça me manquait à moi aussi.
Répond-elle en enfouissant timidement son visage sous son étoffe. Le chocolat fumant lui réchauffe les mains et sa délicate odeur cacaotée ajoute de la douceur à l'ambiance. Une fois devant la vue splendide du parc vers la baie où se reflètent les lumières de la ville, Hei s'appuie sur la rambarde.
-Je m'excuse pour mon attitude. Je t'ai fait peur tout à l'heure...
Yumi rougit sous son écharpe mais décide de sortir son nez pour afficher son sourire et le rassurer. Elle boit une gorgée mais se ravise en sentant la température très chaude sur ses lèvres. Hei l'observe d'un regard tendre, puis contemple la mer.
-En tant qu'adulte, je suis sensé savoir gérer mes angoisses, mes pulsions. Savoir ce qui est bien, ce qui est mal. J'étais persuadé que c'était un acquis... Je suis loin de l'adulte que je veux paraître.
Hei passe une main dans ses cheveux et les ébroues, comme pour se débarrasser de son costume de professeur. Yumi l'écoute attentivement.
-Je suis un professeur, plus âgé que toi. Tu es une élève, mineure. Je peux briser ta vie en un battement de cils...
Son regard se perd sur les eaux noires et calmes de la mer et bois d'une traite son chocolat. La jeune femme peut presque ressentir sa hantise.
-Tu ne le feras pas. Dit-elle en posant sa main sur celle de l'homme. Parce que tu es quelqu'un de bien.
-Comment tu peux en être aussi certaine ? J'ai abusé de toi, en tant que professeur je...
-ça ne m'a jamais dérangé. Le coupe-t-elle. Que tu sois plus âgé que moi.
Yumi se sent soulagée d'un poids. Il est surpris, ne s'attendant pas à ça. Sur le ton de la confidence elle continue :
-Ma vie était sur des rails, une vie tracée qui me menait droit dans le mur. Grâce à toi ma vie a déraillé vers un chemin où j'ai envie de continuer. J'ai enfin l'impression de vivre mon printemps.
-Vivre... ton printemps ?
-Ça veut dire vivre un renouveau heureux dans sa vie. Le sourire de Yumi est rayonnant. Ce que je veux dire Hei, c'est que tu n'es pas un simple professeur, tu m'as apporté bien plus que de simples cours de rattrapage.
Il n'ajoute rien mais a du mal à la regarder dans les yeux.
-Ton âge importe peu, ce sont tes intentions qui comptent non ? Si tu n'as pas envie de me faire de mal, tu ne m'en fais pas. Si tu veux me faire plaisir, tu m'offres un chocolat chaud. Tu as voulu me sauver la vie, tu as tout fait pour y arriver. C'est tout ce qui compte pour moi...
VOUS LISEZ
Vivre son Printemps [Romance - amour interdit]
Roman d'amourYumi s'apprête à se jeter d'un pont. C'est alors que Mr Kiritani, son professeur de japonais, la tire d'une mort certaine. Ce dernier va alors la cacher chez lui... Que dissimule Mr Kiritani qui se réfugie dans la cigarette et la bière sans alcool...