Chapitre 1

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Il ouvrit soudainement les yeux alors que le cri s'estompait à peine, résonnant encore à ses oreilles. La pénombre et la chaleur étaient étouffantes autour de lui. Il était recouvert d'une sueur tiède et collante, dont il pouvait sentir l'odeur. Il la reconnue sans difficulté. C'était celle d'une blessure qui s'était infectée. Ça sentait la chair pourrie et la mort.

Soudain, son monde s'élargit et il se mit à entendre les bruits qui venaient de l'extérieur. Des gens parlaient. D'autres semblaient couper du bois.

Ce fut ensuite au tour de la douleur de s'éveiller. Son corps s'arqua soudainement dans un soubresaut et il poussa un grognement. Sa vue se brouilla de milliards de petits points noirs qu'il fit disparaître en clignant des paupières.

Lorsqu'enfin ses souvenirs lui revinrent, le souffle lui manqua et il fut incapable de respirer le temps que les images défilent devant ses yeux écarquillés.

Ils étaient venus à la nuit tombée, montés sur leurs puissants chevaux. La majorité des guerriers du Clan étaient déjà couchés. Ne restaient que les sentinelles. Qui ne les avaient vu qu'un dernier moment. La charge avait été puissante et violente.

À ce moment-là, Aiolia surveillait le troupeau de chèvres dormant dans un pré non loin. En vérité, il somnolait. Les bruits de la bataille et les nombreux feux naissant avaient affolé ses animaux, qui s'étaient tous relevés, le réveillant totalement. Lorsqu'il avait compris ce qu'il se passait, il s'était immédiatement mis à courir, mais il était trop tard. Beaucoup de guerriers gisaient par terre, morts. Ceux que les envahisseurs ne tuaient pas, ils les emmenaient. Évidemment, ils ciblaient de préférence les femmes. Mais certains garçons étaient pour eux des proies faciles.

Il avait perdu toute capacité de réflexion en voyant Shun qui se débattait pour tenter d'échapper à un homme gigantesque recouvert de métal sombre qui le traînait en le tenant par les poignets. Il avait foncé sans réfléchir, pour lui venir en aide. C'est à cet instant que la flèche l'avait percuté. Elle s'était enfoncée dans son abdomen avec une telle force que cela avait stoppé net sa course. Il avait baissé les yeux sur ce trait dépassant de son ventre, l'avait saisi de sa main droite. Un flot de sang s'échappait déjà de la blessure, poissant ses doigts. Puis ses jambes s'étaient dérobées sous lui et il s'était écroulé.

C'est là que Shun avait hurlé son nom.

Il l'avait vu tomber.

Et cet homme l'avait emmené !

Aiolia parvint à se redresser malgré la douleur. Le drap colla à son dos nu à cause de la sueur. Ses jambes tremblaient énormément et la souffrance était telle qu'il crut qu'il allait vomir. Un bandage grossier, recouvert de sang séché, entourait son corps du milieu de ses côtes jusqu'à l'aine. Il n'était vêtu que d'un pagne souillé.

Titubant, il sortit de la hutte. Ses paupières se plissèrent face à l'assaut des rayons du soleil. Une tenace odeur de fumée lui fit froncer le nez. Le choc le cloua un instant sur place. Plus de la moitié des huttes étaient effondrées. Le peu d'hommes encore en vie capables de tenir debout tentaient d'en redresser certaines et taillaient quelques pieux afin de les faire tenir droit à nouveau. Manifestement, ils avaient, avant ça, pris le temps d'enterrer les morts car il n'y avait aucun corps par terre.

Il s'approcha d'un groupe dont la moitié des membres lui tournaient le dos. Lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques mètres d'eux, ceux qui lui faisaient face tapotèrent l'épaule de leurs camarades, qui se retournèrent.

— Comment tu peux être encore en vie, toi ! cracha l'un d'eux.

Aiolia n'entendit même pas le mépris dans sa voix. Il s'en fichait. Une main sur le ventre, il leur demanda :

Cœur-de-TonnerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant