Chapitre 8

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— Tu ne sais pas non plus te servir d'un arc ? lança Shina, quelque peu étonnée.

Aiolia lui répondit d'un grommellement, concentré sur son but. Il relâcha la flèche qui se planta à deux bons mètres de la cible. Ikki gloussa, moqueur.

— Raté, commenta simplement June avant de lui tendre une autre flèche.

— Mais, en vrai, qu'est-ce que tu sais faire ? lui demanda à nouveau Shina avec son manque de tact coutumier.

— Je cuisine de très bons desserts, répondit Aiolia dans un effort subtil pour ne pas se vexer.

— Comme ça la prochaine fois qu'on croise des hommes de fer, on les attaque à coups de tartes aux fraises, grogna Ikki, occupé à surveiller la cuisson d'un faisan bien gras.

June ricana alors qu'Aiolia adressait à son compagnon de route un regard courroucé. Shiryu se permit un discret sourire en coin en adressant à l'homme renfrogné assis près du feu un coup d'œil non moins discret.

— Blague à part, reprit June alors qu'Aiolia tirait sa seconde flèche, il fait des pommes cuites et des tartes aux poires divines.

Le trait se planta à un pouce du centre de la cible avec un bruit sourd. Un sourire fier éclaira le visage d'Aiolia, qui déclara :

— C'est en partie comme ça que j'ai attrapé Shun. Plus quelques autres petites spécialités.

— Tu m'en diras tant, roucoula June en arborant l'expression de quelqu'un qui en sait bien plus que ce qu'elle n'aurait dû.

— Enfoiré, l'insulta Ikki avant de bougonner d'autres insultes qui firent rire ses camarades aux éclats.

Shiryu baissa les yeux sur les pommes qu'il était en train d'éplucher, luttant contre l'envie de glisser un nouveau regard sur Ikki. Cet homme l'amusait. Toutefois, il devinait derrière cette agressivité perpétuelle une blessure, encore vive, qui ne se refermait pas. Mais qui ne demandait qu'à guérir.

Une fois l'entraînement à l'arc terminé, Aiolia fit rouler ses épaules, s'empara de sa lance à l'apparence assez piteuse, et apostropha Ikki d'un ton enjoué. Mais son comparse l'envoya paître, de mauvaise humeur.

— Démerde-toi, lui dit-il sans lui faire la grâce de lever les yeux sur lui.

— Tu fais chier, rétorqua vivement Aiolia.

— De toute façon tu ne fais aucun progrès.

— Avec toi comme prof, tu parles d'une surprise !

— Ah ! Ça suffit ! s'écria June, mettant un terme à la dispute avant que ça ne s'envenime. Vous êtes chiants, tous les deux !

Aiolia s'éloigna en maugréant. Il fit habilement tournoyer sa lance entre ses doigts. Shiryu suivit ses mouvements des yeux, étonné de voir autant de souplesse et de force chez quelqu'un n'ayant jamais manié une arme.

Discrètement, il donna un coup de coude à Shina. Cette dernière, occupée à mâchonner un brin de blé, lui retourna un regard interrogateur. D'un simple mouvement du menton, il désigna Aiolia qui s'était arrêté quelques mètres plus loin et semblait avoir provoqué les herbes hautes en duel. La jeune femme acquiesça simplement et se leva souplement. Elle récupéra sa lance d'un ample geste du bras et rejoignit l'homme en quelques enjambées légères.

— Montre-moi comment tu t'en sers, lui lança-t-elle abruptement.

Surpris, Aiolia se contenta de la fixer quelques secondes sans trop savoir quoi faire jusqu'à ce qu'elle se mette en garde face à lui.

Shiryu les regarda échanger quelques coups en silence. June vint s'assoir près de lui et entreprit de l'aider à couper les pommes en dés. À l'ouest, le soleil se couchait doucement, imbibant le sommet des arbres lointains d'une lueur de feu.

Cœur-de-TonnerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant