Chapitre 5

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Shun avait abandonné derrière lui les Terres de Resh. Son pays. Et Aiolia. L'homme de sa vie. Contraint et forcé. Les hommes de fer le surveillaient attentivement depuis sa tentative d'évasion et leur chef, dont il savait à présent qu'il s'agissait du capitaine Rhadamanthe, leur interdisait toujours de lui donner le moindre morceau de nourriture. Toutefois, quelques-uns de ses camarades d'infortunes avaient spontanément partagé avec lui un peu de leurs maigres portions. En toute discrétion, bien évidemment.

Dans l'autre cage, les prisonniers du Clan de l'Eau lui paraissaient aussi effrayés et misérables qu'eux. Les garçons et les jeunes hommes semblaient avoir eux aussi été la cible de ce raid. Et Shun ne comprenait pas pourquoi.

Avant sa naissance, les hommes de fer avaient longtemps semé la terreur dans les Terres de Resh. Ils tombaient sur les Clans tel une nuée de démons, tuaient et détruisaient avant de repartir en emmenant avec eux beaucoup de femmes. Plus de la moitié des Clans avaient disparu en quelques lunes seulement, exterminés.

Et puis, il était encore un nourrisson lorsque, brutalement, ils avaient cessé de venir. C'était il y a plus de quinze étés.

À présent, ils revenaient. Sauf que cette fois, ce n'était pas pour les femmes.

Soudain, la procession s'arrêta. Tous les hommes de fer sortirent leurs épées et firent faire demi-tour à leurs montures. Shun se redressa pour tenter de voir par-dessus leurs têtes tandis que ses compagnons se tassaient autour de lui, apeurés, sauf Leda, à ses côtés, et un jeune homme à la lumineuse chevelure blonde dans l'autre chariot.

Il réussit à voir qu'un cheval venait vers la troupe à grande vitesse, monté par une silhouette sombre aux reflets de métal qui agitait les bras dans leur direction.

— Un éclaireur, capitaine, déclara une voix tout à l'avant.

Rhadamanthe fit avancer sa monture à travers ses hommes qui, les uns après les autres, rengainèrent. L'autre capitaine s'avança à son tour, l'air passablement nerveux.

— Certainement un chevalier du capitaine Minos, déclara-t-il d'une voix tendue.

L'autre ne répondit pas. Le nouveau venu s'arrêta devant lui. Il se tenait étrangement plié en deux, un bras contre la poitrine. Son cheval était écumant et ses flancs brillaient de sueur.

— Des nouvelles du capitaine Minos, soldat ? demanda Rhadamanthe avec un calme parfait.

— Il est en difficulté, répondit ledit soldat entre deux souffles sifflants – Shun comprit alors qu'il était très certainement blessé. Nous avons subi de lourdes pertes. Nous avons quitté la tribu Reshie avec deux chariots d'esclaves et pensions avoir mis suffisamment de distance entre eux et nous mais le lendemain notre sentinelle a repéré un groupe d'hommes armées de lances qui suivaient nos traces.

— Ils ne font jamais cela d'habitude ! Ils ne donnent jamais la chasse, ils ne quittent pas les leurs !

Rhadamanthe médita un instant les paroles de son comparse avant de répliquer finalement :

— C'était il y a vingt ans et ce que nous savons d'eux nous vient des rapports athéniens. Ils peuvent être erronés ou incomplets. Ou alors vous avez capturé un garçon qui leur est précieux. Combien d'hommes reste-t-il au capitaine Minos ?

— À peine plus d'une vingtaine, répondit le messager, les dents serrées.

Un murmure étonné s'éleva des hommes de la troupe. Shun entrouvrit la bouche de surprise. Ils ne se souvenait que trop bien de la nuit de l'attaque. Les hommes de fer avaient été violents et parfaitement organisés. Bien sûr, l'effet de surprise les avait beaucoup aidés mais il ne pouvait, malgré son amour des siens, nier l'évidence : leurs ennemis avaient été plus forts. Toutefois, s'il y avait bien un Clan susceptible de mettre les hommes de fer en fuite, c'était celui du Dragon.

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