Chapitre 10

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— Tu as de la chance que ça ne se soit pas infecté, déclara Hyôga en tâtonnant, du bout de ses doigts glacés, les blessures qui zébraient son dos.

Shun dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas crier, allant jusqu'à s'enfoncer les ongles dans les paumes des mains.

— C'est un peu boursouflé mais ça ne suppure pas, ajouta son ami avant de replacer le linge sur ses plaies.

C'était la seule chose que le capitaine Rhadamanthe leur avait permis d'utiliser pour le soigner. Manifestement, même si Shun leur posait quelques problèmes, il ne tenait pas à ce qu'il meurt. Mais il était tout de même très affaibli. Il avait perdu beaucoup de sang et avait été autorisé à se nourrir à nouveau la veille seulement. Il était affreusement pâle. Il voyait bien, aux regards de ses camarades, qu'il ne devait pas avoir très bonne mine.

Toutefois, Hyôga avait raison, il avait de la chance. Cela aurait pu être pire, il aurait pu souffrir d'une infection comme en souffrait à présent le soldat qu'il avait blessé avec la fourche. Manifestement, ce genre d'outil servait à ramasser le purin des chevaux. Pas étonnant donc que la blessure du pauvre homme se soit infectée à ce point. Il peinait à tenir sur sa selle ; il était livide, en sueur, et ses yeux cernés étaient rouges de fièvre. Il était apparemment désormais incapable de se servir de son bras gauche et dégageait une telle odeur que ses camarades se tenaient loin de lui tout en le regardant avec un mélange de dégoût, de pitié et d'indifférence.

Avec une grimace, Shun s'adossa aux barreaux de la cage. Le chariot cahotait terriblement sur la route, ce qui ne l'arrangeait absolument pas. Après avoir été capturés à nouveau, ils avaient été brusquement jetés dans les cages mais sans ordre précis cette fois. Ainsi, les Clans du Lion et de l'Eau s'étaient retrouvés mélangés.

Il adressa un sourire encourageant à Jacob, le jeune garçon qu'il avait sauvé de l'homme aviné la nuit de leur fuite. Apparemment, lui et Hyôga étaient proches car le garçon n'avait pas quitté son giron depuis que les hommes de fer les avaient repris. Voyant que l'inquiétude ne quittait pas ses yeux clairs, Shun lui dit :

— Tu as de très beaux cheveux noirs, pour un guerrier du Clan de l'Eau.

Immédiatement, l'enfant se rengorgea comme un coq à l'entente de ce titre et déclara fièrement :

— Ma grand-mère était du Clan du Dragon !

— Pas étonnant que tu sois si courageux, dans ce cas, renchérit Shun.

Jacob rougit de contentement. Hyôga sourit.

Immédiatement, sans savoir pourquoi, Shun repensa à Leda. Il sentit une violente émotion se coincer dans sa gorge, brûlante, l'empêchant de respirer. Il n'osait imaginer ce qu'il advenait à présent de l'âme du jeune homme, dont le corps avait été abandonné, livré au soleil et au charognards.

Ils s'entendaient bien lorsqu'ils étaient jeunes. Puis, les choses avaient changé lorsque Shun avait commencé à clairement afficher son attirance pour Aiolia.

Leda était parmi les plus hostiles à sa présence dans le Clan et n'hésitait pas à l'insulter et à lui cracher dessus s'il passait trop près de lui. De fait, cela faisait bien deux années qu'ils ne s'étaient plus adressé la parole.

Cependant, personne ne méritait de mourir ainsi et d'être oublié sur une terre étrangère, loin des siens. Il baissa la tête lorsqu'il sentit les larmes lui monter aux yeux. Leda était tombé, frappé par une flèche. Comme Aiolia.

Aussitôt, il revit son compagnon s'écrouler au milieu des combats, les deux mains agrippant le trait qui lui avait percé le ventre.

Il était mort. Forcément. Personne ne survivait à ça.

Cœur-de-TonnerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant