Cœur-de-Tonnerre

Chapitre 18

— Pourquoi est-ce que tu fais la gueule à chaque fois qu'on t'appelle comme ça ? lui demanda Milo le lendemain.

La troupe s'était lentement remise en route. Quelques enfants pleuraient de fatigue et de faim. Une femme enceinte s'était écroulée d'épuisement et se trouvait à présent dans le chariot toujours conduit par Aphrodite, qui accueillait déjà les blessés et les plus fragiles. Kolia se portait bien et était devenu très ami avec Shun, qui avait toujours su s'y prendre avec les enfants. Ikki, à l'inverse, faisait généralement tout son possible pour les éviter.

Ils avançaient à une lenteur exaspérante qui agaçait Aiolia mais la grande majorité de ceux qu'ils avaient libéré avaient les pieds dans un sale état à cause de la mine. Il prenait donc son mal en patience.

— Parce que, se contenta-t-il de répondre.

— Toujours un plaisir de discuter avec toi, se gaussa Milo avant de trébucher légèrement avec une grimace.

Cela n'avait pas échappé à Aiolia qu'il boitait.

— Mauvaise chute ? lui demanda-t-il l'air de rien.

— Ha ha, geignit Milo lorsqu'il comprit qu'il se moquait de lui. J'ai voulu vous laissez un peu d'intimité, tu pourrais me remercier. J'ai juste mal calculé ma descente.

— C'est quoi cette manie de grimper aux arbres ?

— Parfois, j'en ai marre d'avoir les pieds sur terre.

Pour la énième fois, Aiolia jeta un coup d'œil sur sa droite. June et Shun marchaient ensemble, en pleine conversation, à quelques mètres de lui. Shina et Ikki se trouvaient quant à eux en tête de cortège, guidant tout le monde. Dans son dos, il sentit Douceur lui donner un coup de museau. Il se retourna pour la caresser brièvement et elle souffla bruyamment, contente. Depuis la nuit où ils avaient attaqué la mine, Orque n'était malheureusement nulle part en vue.

— Tu préfères Crache-la-Foudre ? lui demanda encore Milo.

Aiolia soupira. Cet abruti ne pouvait pas garder le silence plus de deux minutes.

— Honnêtement, oui, répondit-il néanmoins.

— Pourquoi ?

— Toutes tes chansons qui parlent du Cœur-de-Tonnerre finissent mal. Pareil pour les histoires du mari de Shina. J'ai l'impression que ce pouvoir est maudit.

— Tu as réussi à prouver le contraire, cependant.

Milo désigna Shun qui riait non loin et reprit :

— En réalité, ces chansons et ces histoires, bien que différentes, ont le même but. Celui de nous faire comprendre que peu importe notre pouvoir, l'empreinte que nous laisserons sur le monde dépendra de nos choix. Qu'on ait un pouvoir ou qu'on n'en ait pas, d'ailleurs. Ce n'est pas ça l'important. Dans les contes que je connais, ça finit mal parce que le héros fait les mauvais choix. En réalité, le pouvoir est illusoire.

Aiolia le fixa intensément.

— Ça fout quand même la trouille, déclara-t-il après un moment.

— C'est fait exprès, sourit Milo. Ces histoires sont construites pour nous apprendre à travers la crainte et... Ah !

Il s'arrêta, le visage tourné vers l'ouest.

— La fumée est blanche.

Aiolia stoppa à son tour et scruta l'horizon. Il avait raison, de gros panaches de fumée blanche s'élevait vers le ciel bleu. Il y avait encore de rares volutes gris translucides, mais cela ne pouvait signifier qu'une seule chose.