Chapitre 20

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Plusieurs lunes plus tard...

— Mange tes patates ou tu prends une taloche.

— Je vais le dire à papa !

— Alors il prendra une taloche aussi.

Dohko adressa un regard suppliant à son fils qui, la moue aux lèvres, se résigna à croquer dans sa pomme de terre trop cuite. Il n'était âgé que de cinq ans mais c'était un malin. Il avait compris tout de suite qu'il n'avait pas le soutien de son père.

Shina fit un clin d'œil ironique à son mari, puis sortit de la cabane. Le bois craqua un peu sous ses pieds, signe qu'il commençait enfin à sécher. Les pluies étaient plus espacées à présent.

Elle jeta un coup d'œil en bas. Le sol reprenait une teinte plus claire. Les flaques d'eau boueuse diminuaient, se faisaient plus rares.

— Je m'occupe de la vaisselle, ma Shichou ! s'écria Dohko dans son dos.

Un gloussement enfantin s'ensuivit. Shina sourit. En revenant, elle avait été soulagée de découvrir que Dohko avait survécu à ses blessures. Il boitait sévèrement mais s'en était sorti vivant. Son fils avait pleuré en la voyant, avant de se jeter dans ses bras. Elle l'avait soulevé de terre et serré fort contre son cœur. Mais sa famille n'avait pas été la seule à l'accueillir à son retour.

Un bourdonnement sifflant emplit soudainement l'air. Même les arbres se mirent à vibrer. Et le cor sonna, tout de suite après. Dohko sortit de la cabane.

— Un seul coup ? demanda-t-il.

Ils dressèrent l'oreille tous les deux, mais effectivement, il n'y en eut qu'un. Cela signifiait des visiteurs qui n'étaient pas hostiles. Deux coups étaient pour un danger.

Le bourdonnement cessa, suivit d'un sifflement interrogatif. Ils étaient curieux, eux aussi.

— Shina ! appela une voix depuis le sol. Tu nous as bien dit qu'il était brun ?

Elle sourit. Alors il était vraiment venu. Cet homme tenait toujours ses promesses.

— Vas-y, lui dit Dohko. Je te rejoints avec le petit.

Elle descendit rapidement les marches taillées dans l'arbre sans craindre de chuter. Les guerriers Dragons n'avaient pas peur de la hauteur.

Ses pieds s'enfoncèrent dans la boue mais elle s'en fichait. Elle fila droit vers l'endroit où les autres se réunissaient déjà, entourant un groupe accompagné de chevaux. Elle reconnut Douceur.

— C'est pas un peu con de traverser les Plaines pendant la saison des pluies ? demanda-t-elle après avoir joué des coudes pour se frayer un passage.

June l'accueillit d'un sourire lumineux. Elle était couverte de boue jusqu'aux genoux, tout comme Aiolia, Ikki, Shun et, sale jusqu'au cou... Milo ?

— Aucune question, grommela-t-il.

— Cet abruti est tombé, s'amusa June en venant serrer son amie dans ses bras.

Shina lui rendit son étreinte et l'entendit préciser :

— Deux fois.

Elle gloussa.

— La route est peut-être plus difficile, mais le Clan ne risque rien, déclara Ikki en flattant l'encolure de sa monture.

Il s'agissait de la même jument noire que dans ses souvenirs. Il n'avait pas tort, du reste. Les Reshis ne voyageaient jamais en cette saison. Les Plaines se transformaient en dangereux bourbiers et se déplacer devenait éreintant. Il n'y avait donc jamais d'attaque, tant que la terre n'était pas plus sèche. De fait, ils semblaient tous très fatigués.

Cœur-de-TonnerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant