Le choix d'une vie

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Shiryu ferma les yeux et le trouva presque aussitôt. Il avait toujours été doué avec ce genre de magie mais peinait toutefois quelque peu à trouver la personne avec qui il voulait entrer en contact. Sauf avec lui.

Comme si lui et Ikki étaient reliés.

Il lui apparut étendu sur une paillasse au milieu de murs en terre sèche et Shiryu comprit immédiatement qu'il se trouvait au Clan de l'Eau. Il semblait assoupi.

Il s'allongea à ses côtés, silencieux et délicat. Presqu'aussitôt, la main d'Ikki vint trouver sa place au creux de sa hanche, son pouce lui caressant doucement la peau. Ils restèrent ainsi un moment. Quelques secondes ou des années, impossible de vraiment savoir dans le monde des songes. Finalement, Shiryu se redressa. Appuyé sur les coudes, il fixait le visage aux yeux clos, détendu. Ses traits étaient plus réguliers et sa cicatrice avait disparu. Même ses cheveux semblaient plus doux. Les rêves avaient cette fâcheuse tendance à embellir les choses.

Sans raison, Ikki ouvrit enfin les yeux et les plongea dans les siens.

— Tu n'aurais pas dû partir, lui dit Shiryu avec tristesse. Ils commencent à t'oublier.

Au début, Ikki ne répondit pas. Il se contenta de lui caresser les hanches, le dos puis les cheveux.

— C'est trop dur d'être près de toi, murmura-t-il finalement.

— Pourquoi ? répliqua aussitôt Shiryu avec étonnement.

La main d'Ikki remonta pour lui enserrer la nuque et il répondit, la voix plus chaude et plus grave que dans ses souvenirs :

— Parce que je ne peux pas t'aimer comme je l'aurais pu si tu étais resté humain.

La surprise lui coupa le souffle et Shiryu ouvrit les yeux. Ses vrais yeux. La forêt était calme tout autour de lui et chantait une symphonie faite de pépiement d'oiseaux et de feuilles ballotées par le vent. Un gémissement triste lui échappa malgré lui.

Bien évidemment, il s'était douté qu'Ikki était attaché à lui. Mais de là à ce qu'il soit amoureux...

Non.

Un piaillement inquiet lui fit baisser le museau. La petite dragonne, enroulée confortablement entre ses pattes avant qu'il avait repliées sur le côté pour s'allonger, le fixait d'un air inquiet. Ses yeux rose brillaient d'intelligence. Très à l'écoute des émotions de tous les êtres vivants qui l'entouraient, elle réagissait toujours lorsqu'il était triste. Pour la rassurer, il se baissa davantage en ronronnant et lui toucha le haut de la tête en soufflant. Elle piailla joyeusement puis tourna la tête vers l'opposé lorsqu'un bruit d'éclaboussure retentit.

Un dragon, beaucoup plus grand que Shiryu, venait d'émerger du lac. Son corps écailleux, scintillant de gouttelettes d'eau, était entouré d'une aura brillante, comme piquetée d'étoiles, d'un bleu-vert vaporeux.

L'énergie vitale. Leur feu intérieur, comme ils l'appelaient.

Chaque créature vivante en possédait une. Mais les dragons étaient les seuls à la voir. Uniquement lorsqu'ils étaient sous leur forme originelle cependant, pas sous forme humaine.

Il baissa à nouveau les yeux. La petite dragonne et son frère, allongé sur le dos à côté d'elle, les ailes étendues et les quatre pattes en l'air, étaient tous deux enveloppés d'une vapeur d'un rouge intense et dansant, telle les flammes vivantes d'un feu de bois. Jamais les dragons de son espèce n'avaient eu une telle énergie vitale.

C'était exactement la même qu'Ikki. La premier fois que Shiryu l'avait vue, lorsqu'Ikki était venu guidé par Shina et qu'elle lui avait montré les œufs, il avait compris, en voyant cet halo rouge qui l'entourait, que c'était très certainement ça qui l'avait attiré, car il y avait toujours été très sensible.

Cœur-de-TonnerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant