Shun n'aimait pas s'éloigner du Clan. Il aimait sa vie chez les Lions. Il avait tout à fait conscience de ne pas totalement en faire partie, il était trop différent. Mais il s'y sentait bien.
Ces hommes et ces femmes étaient peut-être têtus et compulsifs, mais ils étaient courageux. Ils ne fuyaient pas devant le danger. Ils n'abandonnaient pas l'un des leurs en difficulté. Comme Aiolia, June et Ikki l'avaient prouvé en secourant ceux que les hommes de fer avaient emmenés.
Shun se nourrissait de cette force collective. Loin d'elle, sa volonté faiblissait rapidement.
Il s'en voulait encore d'avoir si vite baissé les bras loin des siens. Parfois, les cicatrices dans son dos le tiraillaient comme pour lui rappeler sa lâcheté. Et, d'autres fois, il revoyait clairement la mort de Leda, dont il s'estimait toujours responsable.
June n'avait pas manqué l'occasion de lui raconter comment, tous les trois, ils s'étaient mis en route. Si Ikki, bien plus touché par la mort d'Esméralda qu'il n'avait voulu l'admettre, s'était rapidement résigné à l'idée que son petit frère lui ait été définitivement arraché, Aiolia, quant à lui, n'avait pas hésité une seule seconde, même blessé. Il n'avait pas un seul instant baissé les bras malgré quelques moments de doute. Il n'avait jamais cessé d'y croire, se demandant constamment : « Quand vais-je le retrouver ? » et non pas : « Est-ce que... ? »
Son amour pour lui en avait été accru et il vouait à présent chaque jour de sa vie au bonheur d'Aiolia. Bien qu'il n'ait jamais eu besoin de quoique ce soit pour aimer cet homme.
Il ne s'expliquait pas les raisons pour lesquelles il était tombé amoureux, hormis que, très jeune, il avait simplement ressenti le besoin d'être près de lui.
Au début, le simple fait de bénéficier de son aura de force et de détermination lui suffisait. Puis, en pleine adolescence, il avait réalisé qu'il lui fallait plus.
Toutefois, Aiolia s'était montré tellement secret à propos de ce qu'il ressentait que Shun n'avait compris que ses sentiments étaient réciproques que lors de la cérémonie de passage à l'âge adulte. Aiolia avait jeté sur tous ceux qui l'avaient approché, homme ou femme, un regard foudroyant plein de colère et de jalousie. En comprenant ce que cela signifiait, Shun n'avait plus hésité un instant.
Ce qu'il avait ressenti lorsqu'ils s'étaient embrassés pour la première fois, touchés, puis lorsqu'ils avaient fait l'amour, l'avait empli d'une émotion si intense qu'il en avait suffoqué. Il avait su avec certitude à ce moment-là que ce qu'ils avaient éprouvé l'un pour l'autre, cet attachement fraternel, n'était en fait que les prémices de ce qui les unirait pour le reste de leur vie : l'amour.
Malgré cela, malgré la présence d'Aiolia, Shun n'aimait pas s'éloigner du Clan. Cela le rendait nerveux. Peut-être parce que, la seule fois que cela lui était arrivé, c'était parce qu'il avait été capturé.
Ils avaient pris la route car, la veille au matin, l'un des guerriers partis avec Ikki était revenu. Au début, Shun avait craint qu'il soit arrivé quelque chose à son frère, mais en réalité l'homme ne faisait qu'apporter un message de sa part : il leur donnait rendez-vous au rocher des cinq pommiers, un endroit bien connu des Reshis comme étant une sorte de zone blanche. Parfois, certaines femmes de Clans différents se réunissaient ici pour faire du troc en toute quiétude.
Aiolia et Shun, accompagnés de deux autres guerriers, avaient donc laissé les rênes du Clan à June. Ils chevauchaient sur un rythme tranquille, davantage curieux qu'inquiets. Dans son message, Ikki avait précisé que rien de grave ne s'était produit, qu'il avait simplement besoin de leur présence pour se rendre sur le territoire du Clan de l'Eau. Car peut-être allaient-ils devoir négocier, et il était désormais assez sage pour admettre que son petit frère était meilleur diplomate que lui.
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Cœur-de-Tonnerre
FantasyLes Reshis sont une peuplade sauvage vivant en Clans disparates sur tout le territoire des plaines du sud, appelées les Terres de Resh. Ils ont longtemps soufferts de raids violents perpétrés par ceux qu'ils appellent les hommes de fer, avant que ce...