Chapitre 3

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Secoué par le chaos de la route, Shun, de même que ses infortunés compagnons de voyage, était incapable de trouver une position confortable. Peu importe la façon dont il s'asseyait, son dos, sa nuque et sa tête cognaient contre les grilles. À ses côtés, Leda, Spica, et une partie des autres jeunes, se tenaient les uns contre les autres.

Non pas qu'ils aient froid, car à cette saison les nuits étaient très douces, mais c'était rassurant de sentir la présence de quelqu'un contre soi dans une situation comme celle-là. Toutefois, malgré l'épaule qui touchait la sienne et le soleil qui jetait sur eux ses rayons implacables, Shun se sentait terriblement seul et glacé.

Il avait vu Aiolia s'écrouler, le ventre transpercé d'une flèche. Elle avait été tirée avec une telle puissance que cela avait stoppé net sa course.

Et il était tombé en le regardant droit dans les yeux.

Shun avait hurlé, s'était débattu, mais l'homme de fer qui l'avait emmené avait une poigne tenace.

À présent, il chevauchait près de la cage, riait avec les autres tout en mangeant une pomme. Ces hommes étaient heureux. Ils avaient tué sans raison des êtres humains, avaient détruit des familles et brisé des vies. Et ils étaient heureux.

Shun ferma les yeux et laissa une larme rouler sur sa joue. Trois jours qu'il alternait entre pleurs et moments d'apathie. Sa raison lui disait qu'Aiolia était mort. Il n'avait pu survivre à une blessure pareille. Mais son cœur, lui, avait envie de croire qu'il était toujours en vie.

Soudain, les chaos diminuèrent nettement en intensité. Les hommes poussèrent des acclamations et même les chevaux tirant leur cage semblèrent soupirer de soulagement.

— Enfin de retour en pays civilisé ! s'exclama l'un des soldats. Je commençais à penser qu'on allait se noyer dans toute cette herbe. Quand est-ce qu'ils vont se décider à créer des routes ?

— Tu ne peux pas attendre ça de la part de sauvages qui baisent entre hommes. Ils vivent dans des tentes qui sentent la chèvre, alors paver des routes, tu penses.

Certains rirent à gorge déployée. Shun serra les dents d'indignation.

— De toute façon, bientôt, ces terres du sud nous appartiendrons. Une fois Athènes écrasée, nous raserons ce peuple de barbares. Et tout le pays sera à nous.

— Et après ? La région du nord est inexplorable à cause de la glace et c'est impossible de passer les Monts des Tempêtes sans se faire foudroyer, alors on ne peut pas savoir ce qu'il y a derrière.

— Comment veux-tu que je sache, crétin ? Ça, c'est à la reine de décider.

Shun avait tellement de mal à respirer qu'il avait l'impression qu'un rocher lui comprimait la poitrine. Les hommes de fer avaient-ils vraiment pour dessein d'envahir les terres de Resh ? Pourquoi maintenant, après tant d'années à les avoir laissés en paix ?

Le soleil se couchait lorsqu'ils arrêtèrent les chevaux à quelques mètres des rives de la Mer Intérieure qui s'étendait à l'est, juste avant la chaîne de montagnes au-dessus de laquelle tournoyait l'éternel énorme nuage noir.

— C'est ici ? demanda l'un des hommes en flattant l'encolure de sa monture.

— La Tour de Passage est le point de rendez-vous, répondit un autre en pointant du doigt un petit monument en pierre, loin à l'ouest, qui se teintait de la couleur rougeoyante du crépuscule. Envoie un éclaireur vérifier s'ils ne nous attendent pas plus haut. Nous allons les attendre jusqu'à demain après-midi. Ensuite, nous reprendrons la route, qu'ils nous aient rejoint ou pas.

— Et s'ils ont des blessés, mon capitaine ?

— C'est aux capitaines Minos et Eaque de gérer leurs troupes. Faites ce que je vous dis.

Cœur-de-TonnerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant