Chapitre 11

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Les jours passèrent. Inexorablement.

Milo leur était d'une grande aide. Tout d'abord, il leur apprit qu'il était primordial de délivrer les chevaux de leur selle le soir, surtout par une telle chaleur, au risque que la sueur s'accumule en dessous et qu'ils tombent malades ou se retrouvent assaillis par les insectes. Il leur montra comment les panser avec ce qu'ils avaient sous la main et comment vérifier l'état de leurs fers.

Un sac contenant quelques pièces fut effectivement découvert dans l'une des fontes que transportait l'étalon. Moins fourni que celui de la jument, il contenait tout de même une dizaine de pièces d'argent et autant en cuivre. Il fut malheureusement impossible de seller à nouveau l'animal le lendemain. June était effectivement la seule à pouvoir l'approcher sans qu'il la morde mais il refusait catégoriquement la selle.

Ils voulurent abandonner le matériel sur place toutefois Milo ne fut pas de cet avis. C'était du bon cuir et il connaissait un tanneur au village que cela pourrait intéresser.

La jument se retrouva donc à porter une autre selle en plus de la sienne mais elle accepta docilement cette double charge en clignant doucement des paupières.

Milo avait alors déclaré en fixant l'étalon dans les yeux :

— Toi, tu devais sans doute être quelqu'un de très grincheux dans ton ancienne vie. C'est en orque que tu aurais dû te réincarner, pas en cheval.

Curieuse, June lui avait demandé ce qu'était une orque et le ménestrel lui avait expliqué qu'il s'agissait d'animaux marins dont il était possible d'observer la migration le long des côtes athéniennes. Ils étaient noirs et blancs avec de grandes taches au-dessus des yeux qui lui évoquaient beaucoup celles de l'étalon.

Dès lors, il se mit à surnommer ce dernier Orque. Aiolia se dit que ce n'était pas une mauvaise idée de lui donner un nom et décréta que la jument s'appelait à présent Douceur.

Ensuite, lorsque le village fut en vue, Milo préféra qu'ils attendent à l'abri derrière un vieux muret de pierre recouvert de ronces et s'en fut seul acheter ce dont ils avaient besoin pour le reste de leur voyage, emportant avec lui Douceur et les deux selles, dans l'intention de les vendre. Certes, la jument acceptait toujours de porter la sienne, mais les armoiries troyennes avaient été gravées dans le cuir, il était donc trop dangereux de se rendre au port de Sparte avec.

Là, les heures s'étaient écoulées, nombreuses. En son for intérieur, Shiryu avait craint que l'homme ne revienne pas, qu'il leur avait menti et s'était contenté de disparaître avec l'argent et le cheval.

Mais il revint, tirant derrière lui une Douceur parfaitement calme portant une nouvelle selle et un énorme baluchon d'où il sortit cinq tenues complètes. Il ne cessa ensuite, de toute la soirée, de leur raconter par le menu détail comment il avait habilement réussi à marchander avec le tanneur puis avec le vendeur de tissu, jusqu'à ce que ses cinq compagnons, épuisés par ses paroles, s'endorment au coin du feu.

Le lendemain, ils firent demi-tour, retournèrent à l'embranchement des trois routes pour prendre celle qui menait à l'ouest. Là, ils croisèrent un nombre impressionnant de chariots de marchandises. Aucun d'eux cependant ne transportait de Reshis.

Vêtus comme des fermiers, Aiolia et ses compagnons n'éveillèrent pas le moindre soupçon. Milo avait eu l'idée de dissimuler les lances parmi un fagot de bois qu'ils avaient glané sur leur route et que Douceur portait à présent sur son dos. Ainsi dépouillé de son arme, Ikki semblait très nerveux.

Afin de justifier leur présence ici, Milo proposa de nouer une longue corde au licol d'Orque et d'en attacher l'extrémité à la selle de la jument. Ainsi, il pouvait toujours raconter qu'ils désiraient vendre l'étalon aux éleveurs de l'ouest ou, pourquoi pas, à un riche marchand. Fort heureusement, l'animal se laissa faire, à condition que June lui présente un quartier de pomme au préalable, évidemment.

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