Chapitre 16

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Ils sortirent tous de la mine en trainant les pieds. Ils étaient épuisés. Shun suivait le mouvement dans un état second. Il était à présent au-delà de la faim, de la douleur et de la fatigue. Au-delà même de l'espoir.

La seule pensée qui l'animait à présent était celle de la mort. Mourir serait une bonne chose. Ainsi, il pourrait retrouver Aiolia. L'homme qu'il avait toujours aimé. Celui qu'il avait choisi comme partenaire pour la vie avant même de savoir ce que le mot « amour » signifiait réellement. Et qui était mort sous ses yeux, transpercé d'une flèche.

Mort sans savoir la vérité sur ses origines. Sur celui qu'il était réellement. Sur ce qu'il était capable de faire. Parce que Shun n'avait jamais eu le courage de le lui révéler.

Il avait réussi à se convaincre lui-même qu'il agissait pour le mieux durant toutes ces années en se répétant que c'était dans l'intérêt d'Aiolia de ne rien savoir. Que la vérité l'aurait torturé davantage que le mensonge. En réalité, il avait été égoïste. Il le réalisait à présent. S'il avait gardé le secret, c'était uniquement par peur qu'Aiolia ne quitte le Clan, dont la majorité des membres ne l'avait jamais véritablement traité comme l'un des leurs ; par peur qu'il ne parte à la recherche de sa famille en le laissant seul.

Et maintenant, il était trop tard.

Tout à ses pensées, il ne prit pas garde aux murmures autour de lui. Les Reshis emprisonnés avec lui chuchotaient entre eux à voix basse, parfois rappelés à l'ordre par les gardes troyens, peu nombreux à la fin de la journée à présent que la majorité des esclaves étaient enfermés dans leurs baraquement.

Shun, dont le groupe avait été l'un des derniers à sortir de la mine, marchait en regardant ses pieds abîmés. Les chaussures de paille qui leur étaient fournies n'étaient pas du tout adaptées pour ce genre de travail. Beaucoup glissaient sur les pierres et se blessaient. Lui-même avait quelques entailles sur deux ou trois orteils ainsi que sur la plante des pieds, sans compter les éraflures sur les bras, les épaules ou les genoux – en fait chaque partie de son corps qui avaient le malheur de toucher les parois étroites des boyaux de pierres dans lesquels il devait s'enfoncer afin de récolter le minerai. Les plaies de son dos s'étaient totalement refermées mais sa peau le tiraillait lorsqu'il devait lever les bras très haut.

Ils furent menés à la file indienne vers des abreuvoirs. Placés les uns à la suite des autres, ils formaient une sorte de longue baignoire remplie d'une eau déjà brunâtre. Même là, les hommes de fer qui les surveillaient ne prirent pas la peine de retirer la corde qu'ils avaient tous autour du cou. Il y avait eu trop de tentatives d'évasion à cet endroit. Le dernier qui était parvenu à s'échapper l'avait fait si discrètement que les gardes ne s'étaient rendus compte de sa disparition qu'à la nuit tombée, en constatant qu'un lit était anormalement vide. Il avait été rattrapé le lendemain par des soldats à cheval puis fouetté tellement fort en punition qu'il était mort de ses blessures deux jours plus tard.

— Ils disent qu'il est Reshi...

Shun s'arrêta avec les autres de son groupe devant l'un des abreuvoirs. Quatre autres groupes se trouvaient là, dont l'un en face du sien. Les membres chuchotaient entre eux. Il les entendait mais ne faisait pas vraiment l'effort de comprendre leurs paroles.

— Apparemment, son compagnon a été capturé par les troyens...

— Donc, il fait partie de ceux qui sont arrivés dans des chariots ?

Shun prit un peu d'eau en coupe entre ses mains et s'aspergea le visage avec. Elle était chaude d'être restée sous le soleil toute la journée mais cela lui fit quand même du bien.

— Ils ont dit qu'il ne s'agissait que d'une chanson.

— Et alors ?

— Il est brun, il ne peut pas être Reshi.

Cœur-de-TonnerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant