Cœur-de-Tonnerre

Chapitre 17

Un vent d'est venu des montagnes leur permit d'échapper au feu, puisqu'ils prirent la direction du sud. Il leur fallut toutefois courir très vite. Ils furent totalement en sécurité dès qu'ils passèrent une rivière, dont le lit n'était fort heureusement pas très profond en cette saison. Même le chariot put traverser sans encombre.

Ils s'arrêtèrent sur l'autre rive pour passer la nuit. L'endroit était totalement plat, l'horizon ouvert ne permettant pas de se cacher, mais la proximité de l'eau était rassurante. Car les flammes continuaient de tout dévorer sur leur passage, bien visibles malgré la distance qui les séparait. Un énorme panache de fumée noire masquait le ciel. Il suffisait que le vent tourne pour amener ce danger droit sur eux.

Un tour de garde avait immédiatement été instauré, afin de veiller à ce qu'une contre-attaque troyenne n'approche pas depuis le nord. Mais sans doute étaient-ils tous trop occupés à lutter contre les ravages de l'incendie.

Parmi les esclaves libérés se trouvaient des combattants d'arène. Des Reshis à la taille impressionnante dont la musculature n'avait rien à envier à celle d'Aiolia ou d'Ikki. Ils s'étaient immédiatement portés volontaires pour protéger le vaste campement. Milo n'avait pas menti : les esclaves étaient près d'une cinquantaine.

Perché dans un arbre, ce dernier scrutait l'horizon, nerveux. Avait-il commis une erreur en rédigeant ce message ? L'écriture scriptée n'avait jamais été son point fort. Peut-être Saga avait-il été incapable de le déchiffrer.

Un bruit d'éclaboussure en contre-bas lui fit tourner la tête. Shun était là. Entré jusqu'à mi-cuisse dans l'eau, il s'aspergeait le visage à gestes doux et précis. Lui et Aiolia ne s'étaient pas quittés depuis qu'ils s'étaient retrouvés, se tenant par la main lorsque leurs épaules ne se touchaient pas, Douceur dans leur sillage. Il fut donc étonné de le voir ici tout seul.

Le garçon ne ressemblait absolument pas à son frère. Le contraste était d'autant plus stupéfiant lorsqu'ils se trouvaient l'un à côté de l'autre. Shun était autant délicat qu'Ikki était rude. Mais ce n'était qu'une façade, Milo l'avait compris. Il n'y avait qu'à voir comment Shun avait suivi la cadence lorsqu'ils se hâtaient afin d'échapper aux flammes malgré son épuisement évident et ses multiples blessures. Il était fort. Et les muscles qui s'étaient dévoilés suite à la perte de poids qu'il avait sans aucun doute subie en travaillant dans cette mine laissait penser qu'il devait être tout aussi dangereux que son frère aîné avec une lance à la main.

À force de côtoyer les Reshis, Milo en avait beaucoup appris à leur sujet, notamment sur la filiation. Certes, ils vivaient en groupes isolés les uns des autres qu'ils appelaient des Clans, mais il n'était apparemment pas rare que des femmes quittent leur Clan natal pour en rejoindre un autre, afin d'éviter toute consanguinité.

Il avait rapidement compris qu'ils n'étaient pas ces sauvages brutaux et idiots que son peuple s'imaginait, au contraire. Peut-être même leur intelligence collective était-elle supérieure à la leur.

C'était sans doute la raison pour laquelle Shun ne ressemblait pas beaucoup à Ikki et à Aiolia, qui semblaient avoir le physique type d'hommes du Clan du Lion, dont l'ossature semblait plus lourde que les autres et la peau plus foncée. Si leurs cheveux restaient en grande majorité proche du bleu foncé, ceux des femmes étaient majoritairement blonds. De ce qu'il pouvait à présent observer, le physique du garçon s'approchait davantage de celui d'un membre du Clan de l'Eau ou du Poisson. Le fait que même leur couleur de cheveux soit différente en fonction de leurs origines était incroyable. Plus il y pensait et plus il trouvait ça fascinant.

Des éclats de voix en colère le sortirent de ses réflexions. Les sourcils froncés, il se tendit en avant afin de voir ce qui se déroulait près du bivouac, gêné par une branche d'arbre plus haute que lui qui, croulant sous les fruits désormais bien mûrs, l'empêchait de voir correctement.