Cœur-de-Tonnerre

La magie des Plaines

— Mama ? appela une petite voix incertaine. Mama ?

June ouvrit les yeux. Son fils se tenait face à elle, les cheveux en bataille, le visage encore chiffonné de sommeil. Mais ses clairs yeux bleus, si semblables aux siens, étaient déjà bien vifs.

Elle cligna plusieurs fois des yeux pour tenter de se réveiller totalement. Elle ne put retenir un bâillement.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle, la voix rauque. Tu as faim ?

L'enfant acquiesça d'un vif mouvement de tête. June s'éclaircit la gorge et se frotta les paupières. Ce petit mangeait autant que Kolia tout en étant moins âgé de quatre ans.

— Mama, insista-t-il lorsqu'elle referma les yeux.

— Oui, désolée petit Lion, lui sourit-elle en se redressant enfin. On y va.

La luminosité dans la hutte lui apprit que le soleil était à peine levé, mais il faisait déjà une agréable température. Avec un peu de chance, Shun avait commencé à préparer le petit déjeuner.

Elle sortit avec son enfant dans les bras. Devant elle s'étendait la Plaine dont l'herbe haute, qui ne lui arrivait pour le moment qu'un niveau des hanches, commençait à jaunir. Une fois qu'elle serait suffisamment haute, sèche et solide, ils pourraient la couper afin de confectionner des papiers, des cordes ou changer leur literie.

Elle contourna sa hutte pour rejoindre un feu annexe à celui situé au centre du Clan. Là, devant elle s'étendait la forêt. Le sommet des arbres, d'un vert sombre sous le bleu éclatant du ciel, cachait l'horizon.

Elle n'aimait pas trop se rendre dans la forêt. Que les arbres lui bouchent la vue la rendait nerveuse. Elle admettait cependant qu'il s'agissait d'un bel endroit.

Elle reconnut aisément les deux silhouettes assises devant le feu : Shun et Shiryu. Sans surprise, ces deux-là s'appréciaient beaucoup.

—... comme ça. Tu aurais dû rester couché, entendit-elle Shun déclarer tandis qu'il surveillait la cuisson d'une compote au-dessus du feu.

— Je ferai une sieste cet après-midi, répliqua Shiryu tout en nouant sa longue chevelure en queue de cheval.

Ils la saluèrent tous deux lorsqu'elle les rejoignit. Une lune s'était écoulée depuis que Shiryu avait à nouveau forme humaine. Il était moins pâle et s'était remplumée mais elle le trouvait tout de même différent de celui qu'elle avait connu durant leur aventure. Il ne s'agissait pas d'un trait précis mais seulement d'une impression globale. Comme si la force qui l'entourait auparavant s'était amoindrie.

— Du mal à dormir ? lui demanda-t-elle en installant son fils sur ses genoux.

— Pas exactement, répondit Shiryu avec un sourire en coin des lèvres. C'est Ikki, qui me fatigue.

— Ah ! s'écria Shun, les épaules soudainement crispées comme s'il venait de plonger les pieds dans une eau très froide. Par les crocs du lion, ne refait jamais ça ! Je ne veux rien savoir de votre vie sexuelle à tous les deux ! Quelle horreur. Je comprends mieux pourquoi Ikki réagit comme ça à chaque fois qu'Aiolia l'embête à ce sujet.

Le sourire de Shiryu s'élargit.

— Quand on parle du lion, déclara-t-il.

June se retourna. Ikki venait vers eux. Depuis que Shiryu vivait avec lui, il se déplaçait avec encore plus d'assurance, elle l'aurait juré.

Il s'arrêta devant eux, les fixa tour à tour, fronça les sourcils, puis dit :

— Je venais pour vous dire un truc et puis j'ai oublié. Je reviendrais quand ça me reviendra.