❄️ Texte réalisé par Plume_de_Louve ❄️
Les lampadaires éclairaient faiblement la route en cette nuit de décembre. La lumière émise était masquée par les flocons épais qui tombaient depuis maintenant plusieurs heures. À cette heure tardive, personne ne s'attendait à ce que quelqu'un soit dehors ; pourtant, c'était le cas de Clara. Assise sur un banc en bois, les poings joints et posés sur ses genoux, elle regardait fixement la neige virevolter. Ses cheveux marron étaient cachés sous un bonnet dont la couleur s'accordait avec le ciel. Son nez rougi par le froid dépassait légèrement de l'écharpe beige qui lui enveloppait le cou et son corps était parcouru de légers tremblements, que même son épais manteau ne parvenait à stopper.
Elle n'avait ni gants ni chaussettes chauffantes, ce qui expliquait qu'elle ne sentait plus le bout de tous ses doigts. Mais cela ne la dérangeait pas, au contraire, elle appréciait. Elle aimait sentir le froid s'infiltrer sous ses vêtements, l'air lui glacer la peau. Ses yeux noirs et brillants clignaient très rarement ; elle refusait de chasser les flocons qui s'accrochaient à ses longs cils. Le dos appuyé contre le dossier du banc, elle ne bougeait pas d'un poil, comme si elle espérait se fondre avec le décor. Sa respiration calme semblait s'accorder avec le rythme sur lequel dansait la neige qui tombait, avant de s'accrocher au bitume des routes.
Soudain, une porte s'ouvrit non loin ; un couple et ses deux enfants sortirent du restaurant en riant, la démarche légère et joyeuse. Les bambins sautaient gaiement dans les centimètres de poudreuse déjà accumulés, tandis que les parents se prenaient la main. Ils apparurent alors dans le champ de vision de Clara, qui les suivit des yeux sans bouger la tête, jusqu'à ce qu'ils s'éloignent. Elle fixa à nouveau le lampadaire, jeune femme invisible aux yeux du monde heureux ce soir.
Plusieurs minutes passèrent, puis une silhouette solitaire sortit de l'église située en face. La lumière des chandeliers se déversa brièvement à l'extérieur avant que la grande porte ne se referme. La femme qui venait de franchir le seuil marcha précipitamment en direction de l'unique maisonnette qui bordait la place du village, au milieu des petites échoppes fermées à l'heure actuelle. Lorsqu'elle en ouvrit la porte, Clara distingua des petits cris de joie qui l'accueillirent chaleureusement et elle aperçut brièvement trois ou quatre enfants qui se jetaient dans les bras de la dame. Une délicieuse odeur parvint peu de temps après jusqu'à ses narines, et elle ferma les yeux en inspirant lentement. Lorsqu'elle les rouvrit, la porte était refermée, mais elle imaginait sans mal l'ambiance familiale qui devait y régner.
Ses yeux se fixèrent de nouveau sur le lampadaire dont la lueur commençait à vaciller. Elle attendit patiemment les prochains mouvements qui viendraient perturber la magie du spectacle. Seules quelques secondes passèrent avant qu'elle n'entende du bruit derrière elle, comme si un animal sortait des fourrés. Elle resta impassible tandis qu'une fourrure rousse avançait lentement et contournait le banc. Le museau noir reniflait dans sa direction, les yeux marron la regardaient intensément, brillants. Clara était fascinée. Elle n'aurait jamais pensé voir un renard d'aussi près dans sa vie. Durant quelques secondes, volées au temps qui semblait s'être arrêté, elle cessa de respirer, le regard absorbé par le renard qui s'était immobilisé et qui lui rendait son attention.
Le fragile paradis qui s'était installé se fissura brutalement lorsqu'une foule d'amis arriva en courant au centre de la place, faisant fuir le renard dans une glissade enneigée. Frustrée, Clara reporta lentement son regard sur le groupe tapageur en reprenant sa respiration. Ils devaient être une dizaine, se serraient dans les bras comme si c'était la dernière fois qu'ils se voyaient. Peut-être était-ce le cas, personne ne savait ce qu'il pouvait advenir dans les prochaines heures. Ils restèrent là quelques minutes à discuter, ignorant totalement qu'une jeune femme assise sur un banc les fixait sans vraiment les voir. Ils finirent par se séparer et le calme revint. Elle attendit encore plusieurs minutes, puis une heure, deux, trois, mais plus rien ni personne ne vint ce soir-là.
Alors elle se leva lentement, engourdie mais apaisée, et se dirigea vers sa petite maison, nichée dans l'ombre des grands sapins, tout au bout de l'unique impasse du village. Elle ouvrit délicatement la porte, entra, se déchaussa et se mit immédiatement au lit. Il était plus d'une heure du matin lorsqu'elle s'endormit, l'image des flocons virevoltant dans la lumière imprimée sur ses pupilles.
***
Le lendemain, lorsque la nuit noire fut installée, elle retourna s'asseoir sur le banc, comme si elle n'était jamais partie. La neige était présente, elle aussi, elle continuait de tomber comme si elle ne s'était jamais arrêtée. Clara était ravie d'habiter là où les hivers étaient synonymes de grand froid et de tempêtes comme celle-ci. Mais, ce soir, au lieu de fixer le lampadaire comme la veille, elle riva son regard sur les vitraux de l'église. Et elle attendit, dans la même position. Il ne fallut que quelques dizaines de minutes avant qu'une foule entière ne sorte du bâtiment, la messe étant terminée. Les fidèles s'attardèrent sur les dalles, discutant chaudement de leurs derniers rêves qu'ils espéraient prémonitoires, ou des derniers signes que le Seigneur leur avait envoyés. Petit à petit, chacun reprit sa route, jusqu'à ce qu'il ne reste que l'écho de leur joie rebondissant sur les murs et les routes.
Il était à peine dix-huit heures, pourtant les échoppes commençaient à se fermer les unes après les autres. Les commerçants avaient hâte de retrouver le confort de leur maison et l'amour de leur famille et se dépêchaient d'éteindre les lumières. La dernière fut celle de la librairie ; le propriétaire sortit peu après et ferma la porte à clé. Il se dirigea rapidement vers le restaurant, se rapprochant par la même occasion du banc où était assise Clara. Elle priait intérieurement pour qu'il passe son chemin, comme tout le monde, sans la voir. Mais il releva la tête au moment précis où il pouvait distinguer sa silhouette et s'arrêta subitement. La jeune femme ne le regarda pas, concentrant son attention sur l'église ; il était cependant difficile d'ignorer la présence charismatique de cette charmante personne qu'elle avait déjà eu le loisir d'observer. Il s'approcha doucement, jusqu'à se retrouver à seulement quelques centimètres à sa gauche, puis pencha la tête.
« Je vous reconnais... vous venez toujours les samedis après-midi. La femme mystérieuse. Le fauteuil jaune. »
Clara cligna des yeux. Une seule fois. Le seul signe qui indiquait qu'elle était toujours en vie.
« C'est votre préféré, continua le libraire. Et vous aimez beaucoup Ariana Franklin. »
Comme la jeune femme restait silencieuse, le jeune homme s'installa à l'extrémité du banc et continua de parler tout seul.
« Vous n'êtes pas très bavarde. Et vous ne devriez pas rester ici, vous allez geler sur place. Venez donc au moins vous réchauffer au restaurant. À défaut d'y prendre un repas. »
Muette, elle ne répondit pas, les yeux définitivement rivés aux vitraux de l'église. Elle commençait à trembler d'appréhension ; le contact humain l'a toujours angoissée. Un silence aussi froid que l'air régna quelques minutes avant que le libraire ne se lève.
« Eh bien, j'ai compris. Je vous laisse. Tâchez juste de ne pas mourir de froid ici, s'il vous plaît. J'aimerais ne pas culpabiliser de vous avoir laissée seule, à congeler sur ce banc. Bien le bonsoir. Et au plaisir de vous voir dans mon domaine. »
Clara n'aurait pas été étonnée qu'il lui fasse la révérence avec un chapeau, s'il en avait eu un. Il se contenta de hocher sèchement la tête et se dirigea vers le restaurant. S'il eut conscience que la jeune femme avait enfin détourné le regard pour le guetter dans son dos, il n'en montra aucun signe. Il disparut derrière la porte et elle continua de fixer l'endroit quelques instants avant de tourner la tête, impassible.
A suivre...
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Hello! Désolée pour le contre temps de publication mais Wattpad ne marchait plus hier soir... Mais voici donc la vingt-et-unième case , avec la première partie de « Un banc » de Plume_de_Louve ! N'hésitez pas à lui donner votre avis en commentaire ✨
❄ A demain pour découvrir la prochaine case du calendrier ❄
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Une histoire au pied du sapin.
Kısa HikayeLe voici, le voilà, le recueil du projet de noël -édition 2022. Ce calendrier de l'avent co-créé avec plusieurs auteur.rice.s et une illustratrice, saura, on l'espère, égayer votre mois de décembre en attendant l'arriver du père Noël! © Les membres...