Louane regrettait presque de ne pas avoir accepté la proposition d'Eve de rester dormir chez elle la veille. Mais elle avait l'impression de ne pas être rentrée chez elle depuis une semaine, et son chien lui manquait. Elle avait donc passé tout son début de journée avec Simba qui avait passé des heures à jouer dans la neige qui était tombée la veille. La jeune femme avait de plus en plus l'impression de vivre dans un roman cliché, mais elle n'était pas près de s'en plaindre. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois qu'elle avait été si heureuse. Sans s'en être rendue compte, elle commençait enfin à mettre sa désastreuse histoire avec Auguste derrière elle et à apprécier à nouveau l'ambiance festive de fin d'année.
Lorsqu'elle rentra, à moitié frigorifiée mais heureuse, son sourire disparut en voyant ses quatre frères et sœurs assis dans la salle à manger, l'air de l'attendre. Elle attrapa la serviette faite pour et essuya Simba afin qu'il ne mouille pas toute la maison, avant de retirer ses chaussures et de rejoindre le reste de sa famille. Son chien jappa et la suivit joyeusement, sans doute en l'attente de croquettes. Il devrait attendre un peu, pour cela.
-Que se passe-t-il ?
Mélissa désigna la place entre elle et Baptiste et lui fit signe de s'asseoir. Le rythme cardiaque de Louane s'accéléra alors qu'elle prenait place et regarda l'air grave de ses parents.
-Votre grand cousin est malade, expliqua leur père d'un ton désolé.
Les cinq frères et sœurs se regardèrent, l'air interrogateur. Donc tout cela, c'était pour leur parler d'un lointain parent ?
-Lequel ? demanda Mélissa.
En tant qu'aînée, elle était la seule à connaître à peu près tout le monde dans leur famille, ce qui avait toujours semblé être un super-pouvoir aux yeux de Louane.
-JB, répondit leur mère après un instant d'hésitation. Mais là n'est pas la question. Ils étaient tous censés venir en France, mais on va faire l'inverse : nous allons au Québec pour une semaine et demie. On a trouvé des billets d'avion pas trop chers, le 23 au soir.
Ses cinq enfants réagirent tous par une exclamation surprise et mécontente, si bien que Danielle soupira longuement.-Maman, on a tous un job et des plans pour le nouvel an ! protesta Mia.
-Et mon chum, alors, je croyais que vous vouliez le rencontrer ! ajouta Mélissa.
Louane resta quant à elle silencieuse, ruminant la nouvelle. Elle qui avait prévu de sortir avec Eve, elle allait pouvoir aller se faire voir. Elle regretta soudain de s'être convaincue qu'elle pourrait aimer Noël à nouveau. Par-dessus le traumatisme d'Auguste, c'était à cause des réunions de famille non sollicitées qu'elle détestait autant la fête. Elle s'imaginait déjà devoir annoncer son départ imminent à Eve. Elle ne voulait pas voir la lueur de déception qui passerait dans ses yeux, même si la belle brune ferait certainement semblant d'être heureuse pour elle.
Olivier soupira à son tour et échangea un regard avec sa femme, qui avait l'air aussi désespérée que lui.
-Ecoutez, ça fait trois ans qu'on ne les a pas vus à cause du Covid, alors vous n'allez pas y échapper ! Et puis, on va revoir la maison, ça ne vous attire pas ?
-C'est ici, chez moi, pas là-bas, grommela Clément.
Il avait quitté le Québec à dix ans, c'était différent, pour lui. Ses quatre aînés se regardèrent, se comprenant en un seul regard. Bien sûr que leur ville natale, les gens de là-bas et tout le reste leur manquait, mais la nouvelle était tellement soudaines. Ils n'étaient pas prêts !
-Je vais aller appeler Nathan, grommela Mélissa.
Mia et Louane la suivirent alors que Baptiste et Clément allaient vers le salon, tous aussi boudeurs les uns que les autres. Les trois sœurs s'affalèrent sur le lit de Louane –puisque Mélissa ne vivait plus ici, elle n'avait plus de chambre, et Mia avait un lit simple—et ne dirent rien pendant un long moment. Louane resta allongée à ruminer la nouvelle, à se demander si elle devrait appeler Eve, ou lui envoyer un message pour la prévenir. Pourquoi était-elle obligée de suivre ses parents, exactement ? Elle était majeure !
-Loulou ? demanda Mia au bout de quelques minutes.
Ses deux sœurs se tournèrent vers elle, bien que seule la blonde ait été appelée. En observant Mia, Louane se rendit compte qu'elle avait l'air épuisée, et elle eut soudain l'impression de ne pas s'occuper assez de sa petite sœur. Cette dernière venait de finir sa formation d'infirmière et avait un poste à temps plein dans un hôpital à l'autre bout de Paris, ce qui signifiait que ses horaires de travail étaient encore plus lourds que ceux de Louane. Elle ne pouvait même pas imaginer ce que cela représentait.
Mélissa, quant à elle, travaillait chez une petite maison d'édition pas très réputée mais qui aidait beaucoup de jeunes auteurs en difficulté. C'était la seule de la fratrie –avec Clément, qui était toujours au lycée—à travailler à des heures normales, puisque Baptiste était pompier et que ses horaires dépendaient des jours.
-Comment ça avance, avec Eve ?
Un sourire fendit le visage de la jeune femme sans qu'elle ne puisse l'empêcher. Comment Mia parvenait-elle toujours à la distraire de son inquiétude ?
-Vous promettez de ne rien dire aux parents ? demanda-t-elle en essayant de cacher son sourire.
-Je ne prévoyais pas de leur dire quoi que ce soit dans les jours qui suivent, grommela Mélissa, qui était sur son téléphone.
Louane leva les yeux au ciel. Elle adorait sa sœur, mais ce qu'elle pouvait avoir mauvais caractère ! C'était toujours comme cela, dès qu'elle était contrariée par quelque chose, la jeune femme boudait. Elle avait pourtant quasiment trente ans !
-On est ensemble, révéla Louane.
Mia se rassit correctement en entendant cela, alors que Mélissa lâchait son portable. Elles avaient l'air surprises d'entendre cela, mais surtout heureuses pour leur sœur.
-Pourquoi tu ne nous l'as pas dit plus tôt ? demanda Mélissa en fronçant les sourcils.
-Parce que ça date d'hier, répondit Louane en riant. Enfin, c'était assez clair depuis quelques jours, mais on a officialisé les choses hier.
Ses deux sœurs la serrèrent contre elles en entendant les nouvelles, et la jeune femme sourit. Elle était contente de savoir que Mia et Mélissa étaient heureuses pour elle, et qu'elles s'inquiétaient un peu moins.
-Je peux le dire à Nathan ? demanda l'aînée avec un sourire en coin.
Louane soupira mais acquiesça, elle savait que sa sœur le ferait quoi qu'elle dise de toute façon.
-Tu m'étonnes, que tu ne veuilles pas aller au Canada ! fit remarquer Mia avec un sourire ironique.
Ah, oui... cette histoire de Canada... Louane, qui avait une mémoire très sélective, l'avait presque oubliée. Même s'il n'y avait pas eu tous ces derniers jours avec Eve, la jeune femme n'était pas sûre qu'elle aurait voulu y retourner. Elle ne voulait pas revoir son village d'enfance, ni ce carrefour où avait eu lieu l'accident, ni l'hôpital où elle avait passé des semaines. Et surtout pas l'ancien immeuble d'Auguste, dans lequel elle avait passé tellement de temps.
-En même temps, il n'y a que Clément qui n'est pas majeur. On peut ne pas y aller, ils n'ont pas le droit de nous dire quoi que ce soit, pensa-t-elle à voix haute tout en haussant les épaules.
-Pas faux, répondit Mélissa d'un air penseur. Mais j'avoue que ça me manque, Québec, et les gens, et tout.
-Tu préfères y aller, ou rester avec ton mec ? demanda Mia.
Les deux autres soupirèrent profondément, comme en proie au dilemme. Ça n'en était pas vraiment un pour Louane, qui de toute façon refusait catégoriquement d'aller au Canada. Mais tout de même...
-Vous ne pensez pas que ça va blesser les parents, si on n'y va pas avec eux ? demanda la jolie blonde.
-Ils comprendront, Loulou, dit doucement Mélissa en posant une main sur le bras de sa sœur. Surtout dans ton cas. Mais tu devrais quand même y réfléchir. Je pense qu'y retourner t'aiderait vraiment à dépasser tes traumatismes.
-J'y penserai, promis.
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Noël, c'est fantassetique
RomanceEve possède un café parisien rien qu'à elle, à l'abri de l'effervescence des fêtes. Ici, elle n'a pas besoin de repenser à son passé qui lui fait tant haïr Noël. Mais de là à passer décembre tranquillement, comme s'il s'agissait d'un mois comme les...