Noël, c'est fantassetique

9 décembre

Curieusement, le froid qui s'était installé entre elles après l'épisode du mardi soir avait semblé disparaître le matin même, lorsque Louane était arrivée tout sourire, et Eve n'aurait pas pu lui en être plus reconnaissante. Elle avait détesté ces quatre jours passés à faire son possible pour éviter Louane et son regard ravageur, alors qu'elle aurait préféré y plonger tête baissée. Eve soupçonnait que cela ait un rapport avec la neige qui tombait drue depuis la veille, et qui avait commencé à recouvrir les toits et les trottoirs. La brune savait qu'après avoir passé toute son enfance au Canada, la neige et le froid de l'hiver devaient manquer à Louane, et elle était heureuse que cette météo suffise à redonner le sourire à son amie.

Il était quasiment dix heures lorsque l'activité commença réellement, ce retard sur leur programme habituel était probablement causé par les intempéries. Peu de trains circulaient en temps de neige, les réseaux de transports parisiens n'y étant pas adaptés. Eve n'était pas habituée à passer un si long moment sans être occupée le matin, et Louane était arrivée particulièrement tôt alors qu'Alexandre avait été en retard, comme à son habitude. Les deux jeunes femmes avaient donc eu une longue discussion le matin qui avait fait battre le cœur de la brune un peu trop vite, mais ni l'une ni l'autre n'avait mentionné ce qui s'était passé le mardi soir, ni même n'y avait fait allusion. Eve détestait se voiler la face de cette façon, en prétendant qu'il ne s'était rien passé. Elle avait passé la plupart de sa vie à essayer de cacher ses émotions, à affirmer qu'elle n'en avait même pas, si bien qu'elle ne pensait plus devoir continuer à le faire, et surtout pas avec Louane. Visiblement, elle s'était trompée...

Eve fut tirée de ses pensées en entendant la cloche de la porte retentir trois fois d'affilée, signe qu'elle avait du pain sur la planche -ou plutôt de la pâte, dans ce cas de figure. La jeune femme redressa la tête et dut se retenir de montrer sa surprise lorsqu'elle découvrit trois jeunes gens, dont deux femmes quasiment identiques à Louane. Le plus jeune était également le seul garçon, et bien qu'il soit le seul aux yeux et cheveux bruns, les traits de son visage montraient clairement un lien de parenté avec les deux autres, aussi blondes aux yeux bleus que Louane.

-Qu'est-ce que vous faites là ? demanda cette dernière en sortant de derrière le comptoir pour saluer les trois nouveaux arrivants, qu'Eve se décida à désigner comme ses frères et sœurs.

La belle brune savait que son amie avait deux frères et deux sœurs, même si elle n'avait jamais vraiment eu l'occasion de les rencontrer auparavant. Il manquait donc un seul garçon, probablement l'aîné de Louane, pour que la fratrie soit au complet. Pourquoi cette idée mettait-elle Eve si mal à l'aise ?

-On passait dans le coin, Clément veut aller au Louvre. Ce n'est pas comme si on y allait tout le temps, ajouta celle qui paraissait être la plus âgée.

Louane acquiesça et leur fit signe de s'asseoir à une table assez proche du comptoir pour pouvoir leur parler facilement, puis attrapa le bras d'Eve pour l'attirer vers les trois arrivants. La belle brune rougit à la soudaine proximité physique entre elles, et plongea son regard dans celui de Louane. Une fois de plus, elle dut mettre toute la volonté du monde pour résister à ce bleu si pur, et détourna les yeux à regret. Elle aurait tout le temps de regarder la jolie blonde quand ses frères et sœurs ne seraient pas là.

A son bras, Louane avait rougi également, et le regard que Mélissa lui jeta en disait long sur ce qu'elle en pensait. La cadette savait que sa sœur voulait qu'elle ait à nouveau une vie amoureuse et qu'elle voulait le savoir lorsque cela arriverait, mais Louane ne savait pas si elle en était capable. Elle aurait tellement aimé pouvoir arrêter de penser à lui dès qu'elle se rapprochait un peu de quelqu'un !

Mia se racla la gorge, échangeant un regard avec Mélissa et Clément. Louane soupira et jeta un rapide coup d'œil à Eve, qui était toujours à son bras.