L'Institut De Noseca

8.4

J'attends patiemment Julie pour notre premier cours particulier. La salle de potions est remplie de flacons et de substances en tout genre et de couleurs diverses et variées. Des plantes sont suspendues ça-et-là au-dessus des murs de brique.

Tout le matériel est prêt, il me manque seulement un chaudron.

Le cours de potion est de loin mon favori. Il me rappelle beaucoup mes cours d'apothicaire et ça me provoque un pincement au cœur. J'étais douée dans mon art et j'aurais voulu pouvoir vivre de ce métier, et être chez moi, en face de la boutique de maman. J'aurais ouvert ma boutique avec Silas, et Hugo nous aurait ramené des éléments de la nature, tandis qu'on aurait croisé Christian, une proie sur les épaules.

Sauf que ma réalité est bien différente et je me sens plutôt l'âme d'une apprentie sorcière qu'une apothicaire chaleureuse.

Une crinière de feu apparait dans l'encadrement de la porte et mon sourire refait face.

- Prête à être mon apprentie ? Lui demandé-je, excitée.

- Un peu anxieuse, à vrai dire. Vu le désastre ambulant que je suis, j'ai peur d'encore fait des bêtises.

Elle fait allusion à notre dernier cours. Nous devions cocoter une potion qui apaise les blessures et Julie a fait exploser son chaudron et le mélange bleuâtre a fait fondre une partie de la table en bois...

- Ne t'en fais pas. Je suis là et il suffit que tu m'écoutes et que tu suives ce que je te dis.

Il me lance un sourire crispé et je soupire.

- Aujourd'hui, nous allons créer des poisons, annoncé-je.

- Du poison ? Répète-t-elle, la voix aigüe.

- C'est important que tu apprennes à reconnaitre les poisons, et aussi, de devoir peut-être un jour en créer.

Elle examine attentivement ce qui est étalé sur la table et fronce les sourcils.

- Des champignons ? S'étonne-t-elle en approchant sa main.

- Ne les touche pas ! Il s'agit de l'amanite phalloïde et de l'Amanite vireuse. Il suffit que tu ingères quelques milligrammes pour être KO pour toujours.

Elle éloigne sa main violemment et n'ose plus rien toucher. Et m'écoute attentivement.

- Dans les autres plantes naturelles dangereuses, tu as aussi la strychnine. C'est un fruit à l'aspect orangeâtre et rond. Il agit sur ton système nerveux et provoque de brusques et violentes convulsions qui conduisent à la mort en moins de trente minutes.

- Et ça ? Me demande-t-elle, en me montrant des graines.

- Il s'agit de la ricine. Ce sont des graines que l'on retrouve dans les plants de ricin. La substance qu'elle contient arrête la synthèse des protéines des cellules et tuent en quelques jours.

- C'est terrifiant.

Je rigole. Je me souviens à l'époque où j'étudiais encore l'art de l'apothicaire. J'étais tout aussi apeurée qu'elle et ne voulait rien faire de ces choses.

- On va y aller mollo, d'accord ? La rassuré-je.

Elle secoue la tête. Je l'équipe d'une paire de gants, d'une chemise de protection et de lunettes en plexiglas. Nous commençons l'amanite phalloïde et l'amanite vireuse que nous broyons, jusqu'à l'obtention d'une poudre fine. Nous l'ajoutons dans des l'eau et elle semble ébahie.

- On croirait qu'il s'agit d'eau normal ! S'exclame-t-elle. C'est de la magie.

- C'est de l'art, répondis-je.

- Et tu passais tes journées à faire ça ? Trop cool !

Je souris et baisse la tête. Je ne veux pas qu'elle voit que des larmes se sont formées sur mes yeux. J'ai mal au cœur. La nostalgie me frappe et toute cette époque me manque. Celle où j'étais encore libre de mes choix.

- Pour le reste, tu peux tout à fait les concasser et les glisser dans des mets ou dans des pâtisseries, déclaré-je, froide.

- Manon, ça va ?

Je ne réponds rien et elle me retient par le bras. Elle voit ma tristesse et me prend dans les bras. Elle se met à pleurer avec moi et nous ne disons rien et nos pleurs résonnent contre les murs.