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J'arrive sur le lieu du rendez-vous. J'ai évité de croiser mon frère et ai fait un deal avec Julie pour qu'elle occupe Hugo. Si jamais il l'apprend, mon jumeau va tout faire pour que je culpabilise par rapport à Silas et je m'en voudrais. J'ai conscience que je n'ai rien fait de mal mais ça me parait étrange d'être proche d'un autre garçon que Silas ou Hugo.

La salle est plongée dans l'obscurité. Seul des prikhia't éclairent un chemin. Il s'agit de fleurs qui s'allument lorsque l'obscurité fait face, elles étincellent de mille feux.

J'avance le pas lourd et un nœud se forme à ma gorge.

Je le vois apparaître au bout du chemin. Des coussins blancs étalés sur le sol au-dessus des couvertures affriolantes de la salle des pensées. Il se tient, assis, le dos bien droit. Les cheveux plaqués en arrière, vêtu d'un t-shirt noir ample et d'un pantalon de la même couleur.

- Bonsoir princesse. Me salue-t-il d'une voix suave.

- Bonsoir Noah.... C'est magnifique ce que tu as fait !

- Merci. Installe-toi, s'il te plait.

J'accepte l'invitation. Le malaise grandit en moi comme une graine d'épénéa. C'est une graine de mauvaises plantes invasives et épineuses qui ne peuvent être détruites uniquement par une potion à base d'écailles de dragon et de bave de limace ennéinne.

- C'est une ambiance intime et de connivence. Sais-tu pourquoi j'ai décoré la salle de prikhia't ?

Je secoue la tête.

- Le jour du sacrément du Roi de Noseca, des prikhia't sont déposées sur le lac d'Esclopar afin d'apporter bonheur, succès, puissance et un long règne. Par ces fleurs, j'espère t'apporter la chance que tu mérites pour être la meilleure du classement.

- Merci. J'ignorais que tu étais aussi callé en histoire... M'étonné-je.

- Je suis plutôt bon, en effet. Mais j'aimerais être aussi bon en connaissances sur ta personne, Anderson.

Je me sens rougir légèrement. Noah me drague ouvertement et il est vrai que c'est très flatteur. Si nous ne sommes pas destinés à devenir Cadets puis Gardiens, les mariages entre différentes Contrées sont pour se dire, rare, voire improbable. On ne mange pas la haute société avec la basse. Ni les différentes couches qui composent la basse société. Nous sommes, si je puis dire, condamnés à épouser quelqu'un qui provient du même moule pour protéger et prospérer les économies entre Contrées.

- Que veux-tu savoir ? Lui demandé-je.

- Qui est la vraie Manon Anderson ?

Il est culoté et il le sait. Je connais peu ce garçon mais son esprit effronté est directement apparu lors de mon analyse sur lui.

- Je m'appelle Manon Anderson. Je suis la fille de Malcom et Barbara Anderson. Ma mère sculpte du bois et tient une petite boutique non loin de la Forêt des Soupirs. Hugo aspirait à être bûcher et moi apothicaire.

- Et ton père ?

- Mon père était médecin.

- Était ? Répète-t-il, la voix brisée.

- Un jour, il a été appelé au palais par le Roi Jefferson et n'est jamais revenu.

Il prend ma main et la caresse du bout des doigts.

- Je suis navré. Toutes mes condoléances.

- C'est du passé.

- Sauf que le passé peut avoir des conséquences sur le futur.

Il lâche ma main et me tourne le dos. J'ignore la raison et j'attends patiemment.

- Ma mère s'est fait assassiner quand j'ai eu huit ans.

Mon cœur se serre. Les meurtres sont rares dans le Royaume. Rare ne veut pas dire qu'ils n'existent pas.

- Tout s'est passé très vite. Je jouais dans ma chambre, avec mon train en bois. Quand tout à coup, j'ai entendu un cri. Un cri déchirant. Je me suis terré dans mon placard et j'ai attendu qu'on vienne me chercher. Mon père m'a retrouvé après des heures de recherches, pleurant car il pensait que j'étais mort.

- C'est affreux.

Noah pleure toutes les larmes de son corps. Un élan me pousse à le prendre dans mes bras. J'ignore le temps qui passe et je m'en moque car aujourd'hui, j'ai compris qu'à l'intérieur de l'homme sur la réserve, se cache un enfant aussi apeuré que moi.

L'Institut De NosecaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant