L'Institut De Noseca

5.3

Je me réveille, le front trempé de sueur et haletante. Je me sens complètement fébrile.

L'infirmière est toujours à mes côtés, occupée à encoder des données dans une tablette.

- Félicitations, Mademoiselle Anderson. Vous avez réussi deux épreuves sur trois.

- C'était un test ?

Elle me regarde, un peu inquiète. Elle m'offre une serviette en papier pour que je puisse éponger mon front.

- Evidemment.

- Donc... Mon frère qui me pousse de cette falaise, le requin assoiffé de sang et les sables mouvants... Tout ça, ce n'était pas réel ?

Elle me confirme d'un geste de la tête. Elle mesure ma fréquence cardiaque et relève ma température.

- Tout semble stable. Vous pouvez repartir.

Je me lève tremblante et sors en trombe de la pièce. Je cours dans les couloirs sans savoir où je vais.

Où suis-je tombée ? Pourquoi ai-je l'horrible impression que tout ça était réel ?

Je pleure à chauds de larmes et me cogne contre l'épaule de quelqu'un. Celle de Noah.

- Manon ? Qu'est-ce qui se passe ?

Je n'espérais croiser la route de personne et continuer de vagabonder comme un chien errant mais le destin en a voulu autrement.

Ce n'est pas mon genre de me confier à un inconnu. Seulement, ce garçon issu de mes rêves les plus sombres me donne envie de me livrer à lui, malgré les préventions de mon jumeau.

- Je... Elle... Je...

Situation inédite, réaction inédite. Noah s'avance vers moi et me serre fort contre son torse pour tenter de me calmer.

- Chut... ça va aller, Manon. Ce n'était qu'une épreuve.

- Une épreuve ? Et la suite alors ? Ils vont nous jeter dans une cage aux lions pour voir si on survit ? Ou bien nous mettre des serpents pendant qu'on dort et voir comment on réagirait ?

- Hé calme-toi ! Chuchote-t-il en me caressant les cheveux.

Je tente de calmer ma respiration. Son cœur cogne lentement. Son parfum m'enivre et me rappelle étrangement Hémoria. Un mélange de sapin coupé et de cannelle. C'est assez enivrant.

- Ça va mieux ? Me demande-t-il en se libérant de notre étreinte.

- Oui. Merci beaucoup. C'est très gentil de ta part.

- Il n'y a pas de quoi. C'est normal de se soutenir. On est une équipe après tout.

Il ponctue la fin de sa phrase avec un clin d'œil et m'invite à faire un tour que j'accepte volontiers. On parle de l'épreuve et je lui raconte tout ce que j'ai vu. Mon frère. L'eau. Les requins. Les sables mouvants. Tout sauf cette drôle de phrase. « Le MAL est bien ».

- Wow ! Je comprends pourquoi tu étais tant bouleversée en sortant du test, réagit-il, compréhensible.

- Le pire, je pense, c'était avec Hugo. Imaginer qu'un proche puisse nous trahir d'une façon aussi ignoble, c'est...

- Impensable ? Complète-t-il

- Exactement. L'honnêteté est une valeur très importante à Hémoria, et d'autant plus dans ma famille.

- Je comprends. Je pense que ça devrait être le cas dans les autres contrées aussi...

Il détourne le regard, pensif. Il a l'air de méditer cette phrase. À croire que des mécanismes s'enclenchent et que des souvenirs surgissent de sa mémoire. Je pose ma main sur la sienne, ce qui le ramène immédiatement sur terre.

- Hé ! Ne t'en fais pas. Ce sera différent ici.

Il ne répond rien. Le silence s'installe pendant quelques minutes. Il n'est en rien dérangeant, même apaisant.

En quelques instants, ce blondinet a réussi à faire ce que peu de gens arrivent à faire. Mon anxiété s'est comme envolée. C'est à croire qu'il a un pouvoir magique sur moi. Et je comprends que je vais devoir découvrir pourquoi ce drôle de garçon vient faire dans mes rêves.