5.4

1 0 0
                                    

Je savais qu'il y allait avoir des hauts et des bas tout au long de cette année, mais je n'aurais jamais imaginé éprouver le mal du pays à ce point-là. Ma mère me manque. Christian me manque. Aller couper du bois avec mon jumeau, se balader dans Hémoria, ... Mais ce qui me manque le plus, c'est Silas. On était toujours collé ensemble, j'allais diner chez ses parents ou encore nos rendez-vous secrets dans la Forêt des Soupirs. Il est si loin à présent et j'ignore si je le reverrais un jour. Peut-être que je ne retournerais jamais à Hémoria et que je serais obligée à renoncer à l'homme de ma vie.

- Hé ! Me tira Julie de mes pensées. Qu'est-ce qui ne va pas.

- Rien, mentis-je.

J'ai appris à ne pas accorder ma confiance trop facilement car j'ai toujours peur de trop en dire et que les gens finissent par me planter un couteau dans le dos par la suite. C'est presque ma seconde nature.

- Tu sais, je ne peux peut-être pas lire dans les pensées comme toi, mais je ne suis pas aveugle.

Je me mords la lèvre, honteuse. Julie essaie sans doute d'être sympa avec moi. On va passer plusieurs mois dans l'Institut. Julie essaie seulement d'être sympa avec moi. Nous allons passer plusieurs mois ensemble à l'Institut. Alors, peut-être serait-il temps de changer sa nature et de baisser les armes.

Je soupire.

- Désolée. C'est vrai que je ne suis pas bien.

- Tu veux m'en parler ?

J'hésite un instant avant d'hocher la tête. Je sais que j'ai mon frère pour me livrer et qu'il doit sentir que je ne vais pas bien. Sauf que je ne pourrais pas toujours compter sur lui. Il se pourrait que dans quelques mois, nous soyons séparés et Julie semble être quelqu'un à qui je peux faire confiance. On deviendra, si ça se trouve, amies dans le temps.

- Ma vie d'avant me manque, avoué-je sans oser la regarder dans les yeux.

- La mienne aussi me manque. Surtout quand tu sais que tu ne devrais pas être ici.

Je fronce les sourcils. Que sous-entend-t-elle par-là ? Seuls les ainés de chaque famille sont envoyés ici. A moins que...

- Le cadet de ta famille est décédé... conclus-je.

Julie ne répond pas mais des larmes coulent sur son visage.

- Mon frère cadet, Gabriel, était censé partir à l'Institut, il y a deux ans. Le problème, c'est qu'il était amoureux d'une fille de chez nous, Émilie. Il voulait se marier avec elle et construire toute sa vie avec cette fille. Sauf que son statut d'ainé ne lui permettait pas. Sa destinée était d'être Gardien du Royaume de Noseca. Pas d'aimer une Ennéinne. Il voulait changer leur destin. Ils sont partis pendant la nuit, la veille de son départ. Ils avaient tout planifié et avaient pris le strict minimum. Gabi a laissé une lettre pour nous dans laquelle il nous racontait tout son histoire d'amour avec cette inconnue. L'Institut et ses dirigeants ont très vite appris la nouvelle, et ont envoyé des Attrapeurs à leur poursuite. Le lendemain, ils ont été amener au Roi et juger pour leur crime. Ils se sont fait lapider sur la place publique avant de se faire tirer dessus pour abréger leur souffrance. Toute ma famille a assisté à la scène et j'ai été forcée de le remplacer car j'étais la suivante sur la liste.

Je me rends compte que je pleure aussi. Son histoire fait bizarrement écho en moi et me bouleverse au plus haut point. Je me sens subitement beaucoup plus proche de Julie et de la perte de son frère. Je n'ose même pas imaginer dans quel état je serais si je perdais Hugo. Je pense que je serais anéantie et j'ignore si je pourrais me relever.

C'est dans les moments les plus sombres qu'on voit à quel point on ressemble aux autres.

Julie a beau avoir une histoire différente de lamienne et d'avoir vécu à l'opposé de sa Contrée, je sais qu'à cet instantprécis, nous allons devenir inséparables. 

L'Institut De NosecaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant