Prologue

322 15 14
                                    

Immense et rouge orangé, le soleil rasait les forêts de buildings qui s'étendaient à perte de vue dans la ville d'Edmonton située en Alberta. Parmi les quelques neuf-cent milles habitants, je me fondai facilement dans la masse et évitais de nouer des liens profonds avec quiconque. Je ne restais jamais bien longtemps à errer quelque part. Je voyageais. Je vagabondais. Je me sentais vivante et libre. Seule la routine pouvait me couper les ailes et je n'avais jamais été aussi apaisée depuis que j'avais quitté ma réserve natale il y a dix ans.

La Push me laissait toujours un sentiment entremêlant avec maladresse les souvenirs heureux et l'amertume. J'y avais eu une enfance et une adolescence heureuse, si bien que ma vie me paraissait toute tracée. J'avais été naïve, sûrement trop amadouée par ces films à l'eau de rose débiles qui faisaient tourner la tête de n'importe quelle adolescente. Après tout, je n'étais pas différente. Je m'étais imaginée me marier après le lycée avec mon petit ami, Sam Uley. Dans ses bras doux et protecteurs, plus rien n'existait. Je m'étais enivrée de ce bonheur et m'étais laissée bercer par sa voix chaude et ses baisers. Nous nous aimions. J'avais continué à l'aimer, seule et brisée. Le destin nous avait interrompus. 

Lorsque nous étions encore au lycée, Sam avait disparu. J'avais passé des semaines sans avoir la moindre nouvelle. Et lorsqu'il était revenu, je ne le reconnaissais plus. Malgré la légère distance qu'il maintenait entre nous, il continuait de m'aimer, mais j'avais bien du mal à tolérer ses secrets qui me tracassaient. Puis, il avait rompu sans réelles explications, me laissant dans l'incompréhension la plus totale jusqu'à ce que j'apprenne qu'il s'était entiché d'une autre femme. Emily. La douce et adorable Emily. Ma meilleure amie. Ma cousine. La douleur avait été si vive que je me levais chaque matin avec un sentiment de colère étouffant. Cette double trahison m'avait torturée, et malgré leurs supplications, jamais je ne pensais pouvoir les pardonner. Sauf que l'imprégnation existait, ne me laissant pas d'autres choix que de leur accorder ma bénédiction.

Pensant que la colère étouffante m'avait faite basculer dans la folie, j'avais été pétrifiée par ce qu'il venait de se passer. J'avais eu l'impression de tomber, et même à terre, mon équilibre avait été mit à rude épreuve. Perdus, mes parents et mon frère me regardaient interloqués. Jusqu'à ce que le choc finisse par foudroyer mon père qui, portant une main sur son cœur comprimé aux étranges battements que j'entendais distinctement, finisse par tomber. Jusqu'à ce que le choc finisse par transformer mon frère en un immense loup dont les pensées m'avaient pétrifiée. Le destin était devenu synonyme de chaos. Nous avions du enterrer notre père. Nous étions les descendants bien réels de nos légendes. Nous étions des loups qui devaient protéger notre territoire des vampires. Nous partagions le même secret que Sam. Je partageais involontairement mes pensées avec lui. J'entendais parfois douloureusement les siennes. Emily. Emily. Emily. Son imprégnée. Son amour inconditionnel que son existence lupine lui avait exigé d'aimer et de protéger.

Malgré ma haine pour l'imprégnation, j'avais souhaité croiser le regard d'un homme pour l'aimer de cette façon inconditionnelle. Pour oublier Sam. Pour éradiquer tous ces sentiments d'amour persistants et douloureux. Mais j'avais dû oublier le destin, ironie du sort. Mon corps habité par la Louve ne pouvait plus enfanter. J'étais née pour protéger. Je pouvais guérir rapidement de mes blessures, tout comme mes frères. C'était à croire que la mutation n'était pas réservée aux femmes et que leurs attributs ne pouvaient pas être réparés, sûrement considérés comme non nécessaires à la protection de nos terres ...

Progressivement, je m'étais relevée. La menace vampirique s'étant dissipée, j'avais eu beaucoup de temps à occuper. Je m'étais posée beaucoup de questions sur notre existence. D'où venions-nous? Depuis quand existions-nous? Étions-nous seuls? Mais plus je restais à la Push, plus les questions s'empilaient les unes sur les autres sans trouver de réponses. Alors, j'avais plié bagages, résidant quelques mois par-ci, ou par-là. J'avais rodé vers de nombreuses réserves, m'éloignant progressivement vers les villes alentours, sans jamais trouver mes semblables. Après dix ans de recherches infructueuses, j'avais fini par prendre du recul. Mes questionnements me rendaient folle, et mes recherches m'épuisaient. Depuis, je n'avais pas baissé les bras. J'espérais simplement que le destin me vienne en aide pour une fois, en me laissant la possibilité de croiser l'un des miens. 

 

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.


Le frère perdu - Leah ClearwaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant