Chapitre 2: Deuxième chance

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L'inconvénient de la ville était de ne pas pouvoir muter. Courir librement dans la nature tout en respirant son air pur et apaisant me manquait. C'est pourquoi, je me levais chaque matin à cinq heures pour mon running quotidien alors que la ville dormait encore paisiblement. Ce n'était qu'un pis aller aux sensations de liberté que j'éprouvais à l'intérieur de mon corps recouvert de fourrure, mais c'était un besoin qui suffisait à me plonger dans un état de quiétude, m'aidant même à affronter chaque journée bien trop chargée émotionnellement.

Tout en m'habillant, je m'étirais longuement. Meurtris par mes nerfs mis à l'épreuve à cause de l'apparition de Janelle, mon corps me paraissait être bien trop tendu. J'avais également très mal dormi. C'était une nuit sans rêves, mais je m'étais réveillée plus d'une fois en pensant au lendemain avec bien trop d'avidité. C'était comme si mon esprit me soufflait que dormir était une perte de temps. Il avait alors suffit d'une seule rencontre pour briser la quiétude que j'avais apprivoisée au fil des ans.

Une fois partie de la Push, il m'avait fallut au moins cinq ans avant d'acquérir une certaine paix intérieure. Étrangement, ma source d'inspiration et de motivation avait été Martha. L'imprégnation de mon frère pour cette dernière ne m'avait pas horripilée. Je m'étais préparée à cette éventualité, même si j'en avais été navrée. Seth le savait. Je ne lui avais jamais caché. Néanmoins, j'avais appréhendé l'objet de son imprégnation. Mes frères se montraient tous si serviles face à leurs imprégnées. J'avais donc été rassurée que Martha soit d'une douceur et d'une naïveté désolante, tout comme mon frère. Elle ne profitait jamais de sa gentillesse et veillait même à ce que l'imprégnation ne le fasse pas détourner du droit chemin. Alors, pouvais-je la qualifier de naïve? Elle l'était, oui. Sa vision de la vie la rendait ainsi mais elle m'avait poussée à la réflexion. Martha pardonnait toujours, peu importe ce que ça lui coûtait, l'important était que son pardon l'aide à passer à autre chose, à vivre une vie heureuse et sans ressentiments.

J'avais alors pardonné. Ça parait si facile, dit comme ça... mais la colère était bien ancrée profondément, parcourant chaque cellule prête à céder à la moindre occasion dérangeante. Quitter La Push m'avait aidée à passer à autre chose. Me plonger dans mes recherches et à élaborer certaines théories sur notre condition me permettaient également d'avancer. Mais rien de tout ça n'avait été suffisant pour tourner la page, pour oublier les rancœurs tenaces. J'avais donc pardonné notre destin, pardonné à l'imprégnation, pardonné à Sam et Emily, pardonné à mon infertilité, mais ce n'était pas suffisant pour oublier la douleur qui se manifestait parfois. Alors, courir pour me vider l'esprit m'aidait à épuiser les traces bien tenaces de la colère qui sommeillait.

Attrapant à la hâte mes écouteurs que je mettais dans mes oreilles, je sortis de chez moi et commençais ma course libératrice dans les escaliers de mon immeuble. Ne pensant à rien, j'écoutais simplement la musique en profitant de la fraîcheur matinale qui fouettait ma peau. Tout en m'extasiant de ses bienfaits, je laissai mes pensées assoiffées derrière moi, me libérant de cette avidité dévorante alors que j'entamais une course folle jusqu'au jardin des plantes, composé et entretenu par des étudiants en biologie. A mon grand regret, ce dernier n'était pas très grand, alors, j'en fis plusieurs fois le tour avant d'écraser à nouveau mes pas sur le bitume pour rentrer chez moi.

C'est alors qu'une infime odeur familière foudroya chaque parcelle de mon corps. Immobile, le souffle coupé à cause de la surprise et de l'appréhension, j'arrachai mes écouteurs et les glissais dans ma poche. L'odeur de Janelle m'encerclait. Cependant, elle était bien plus puissante que le jour précédent. Le loup était là.

Paralysé, mon corps refusait de bouger. Il était à peine six heures du matin et le soleil se levait timidement. Très timidement. Bien trop timidement. Éclairée par les lampadaires, la ruelle encore sombre qui abritait mon immeuble me paraissait pour la première fois dangereuse. Le loup n'était pas là par courtoisie. Pouvait-il être simplement curieux? Étais-je une probable menace à ses yeux?

Le frère perdu - Leah ClearwaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant